Publié le 21 Nov 2024 - 21:15

Le paradoxe de l'eau

 

Source de problèmes dans certaines situations comme les inondations, l'eau est aussi la solution dans de nombreuses contrées.

 

Selon l'ancien directeur du Génie rural et de l'Hydraulique, le Sénégal devrait travailler à mieux valoriser ses ressources en eau. Au-delà des barrages qui stockent, on peut, par des dérivations, améliorer les défluents, augmenter les capacités des lacs.  ‘’À ce moment, quand l’eau va venir, à partir d’une certaine hauteur, le fleuve va alimenter ces lacs, ces défluents, certaines de ces vallées. Cela écrête la crue, ça diminue la violence de la crue’’ renseigne Sène qui estime qu’il faudra travailler sur plusieurs pistes pour la prise en charge de cette problématique.

La première piste, selon le spécialiste, c’est d’améliorer les infrastructures par l’augmentation des stockages, le renforcement des digues. En deuxième lieu, il préconise d’investir dans l’aménagement de la vallée à travers les défluents, les lacs et marigots attenants et les vallées fossiles qui auraient pu absorber l’eau et atténuer la force des inondations.

Enfin, il y a le volet territoire qui est également essentiel. ‘’Il faut reprendre l’aménagement, l’adapter aux réalités actuelles, faire en sorte que le lit majeur soit libéré, que l’on reloge les populations ailleurs, que les infrastructures socioéconomiques soient transférées. Il faut aussi refaire les infrastructures inadéquates qui obstruent les passages de l’eau’’.

Par ailleurs, insiste-t-il, il faudrait revoir les modèles de prévision qui datent de très longtemps et qui posent de problèmes de fiabilité, quoiqu’encore utiles. ‘’Il faut de nouveaux modèles qui tiennent compte du changement climatique, du changement du bassin. Aussi, on doit améliorer la précision des données par des mesures plus régulières et donner l’info à temps. Mais il ne faut pas s’arrêter à l’alerte, il faut aussi des plans de contingence. C’est-à-dire que quand on craint des inondations, voilà les mesures pour protéger les populations, les infrastructures et réduire les risques’’.

Enfin, le spécialiste estime également que le Sénégal gagnerait à replanter des arbres dans le Fouta-Djalon, dans le Bakel et sur toute la région du Fleuve pour restaurer l’écosystème.

Par rapport à la gestion de cette situation de catastrophe dans le nord et le sud-est du pays, il invite à ne surtout pas jouer aux apprentis sorciers. ‘’On ne peut pas aller à l’encontre de la nature. C’est ce qui nous a valu par exemple la brèche. Dans des situations de ce genre, il faut éviter les solutions de non-retour. Il faut gérer avec pragmatisme, avec rigueur et avec efficacité. L’État devrait plutôt s’occuper des mesures d’urgence dont ces populations ont besoin. Il faut surtout éviter de dépenser l’argent inutilement dans des solutions qui peuvent avoir des conséquences néfastes’’, a relevé l’ancien PCA de la Sogem.

Par ailleurs, si les crues ont des effets dévastateurs, elles sont aussi annonciatrices de lendemains prometteurs avec des opportunités immenses pour les paysans. ‘’Il faut savoir que les populations de la région du fleuve vivaient pour l’essentiel des cultures de décrue. Dès que la crue va partir, on peut développer des cultures de décrue. Le ministère  chargé de l’Agriculture doit immédiatement programmer des actions qui pourraient permettre notamment de réduire un peu les pertes qui ont été engendrées. Nos pays devraient aussi développer des mécanismes pour renforcer par exemple le lac de Guiers, en donnant la possibilité de mettre davantage d’eau dans des vallées comme celle du Ferlo, en aménageant les défluents pour alimenter un peu plus de mares’’, analyse le président de Global Water Partnership en Afrique de l’Ouest.

Crue, décrue, affluent, défluent : qu’est-ce que c’est ?

Ces termes sont maintes fois revenus dans le débat public, ces derniers jours. Beaucoup les utilisent sans savoir ce que ça signifie concrètement.

D’abord, tient à préciser Abdoulaye Sène, les fleuves tropicaux comme le fleuve Sénégal sont alimentés par les eaux de pluie pendant l’hivernage. ‘’De manière simple, quand ces eaux de pluie alimentent le fleuve, on dit que le fleuve entre en crue. Alors le fleuve gonfle ; il sort de son lit mineur pour occuper progressivement son lit majeur. C’est la période de crue’’, a-t-il expliqué. En revanche, quand la pluviométrie s’arrête, le fleuve se rétrécit progressivement, diminue de volume et libère les terres inondées dans le lit majeur. ‘’C’est ce qu’on appelle, pour faire simple, la décrue. C’est pour ça qu’on parle d’ailleurs de cultures de décrue. Ce sont des cultures que l’on pratique quand le fleuve libère les superficies qu’il avait occupées au moment de la crue. Il laisse alors des terres humides et très fertiles, qui permettent de faire des quantités importantes dans certaines variétés’’, enseigne-t-il.

Pour comprendre le phénomène des crues et des décrues du fleuve, il est aussi utile de parler des concepts comme les affluents et les défluents. Car, explique M. Abdoulaye Sène, le fleuve est constitué de ce qu’on appelle les affluents. ‘’Ce sont de petits cours d’eau, de petites rivières qui alimentent progressivement le fleuve. Le défluent, par contre, c’est le contraire. C’est quand le fleuve qui grossit sort de son lit pour alimenter des dépressions, ces canaux naturels qui ne sont pas censés alimenter le fleuve, mais qui sont alimentés par le fleuve. C’est la différence entre l’affluent et le défluent’’.

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