PARLONS COMMUNICATION
Le 1er février, le Président de la République Bassirou Diomaye Faye a annoncé la mise en pause de l’initiative citoyenne « Setal Sunu Rew », après près de (dix) 10 éditions, avec pour objectif de permettre aux citoyens de s’investir dans des actions de nettoyage et d’assainissement à l’échelle nationale. Loin de représenter un échec catégorique, cette décision témoigne d'une réflexion nécessaire sur les causes qui ont conduit à une faible participation populaire et, surtout, sur les lacunes dans la stratégie de communication qui, de mon point de vue, a été un facteur déterminant dans la faible mobilisation des populations.
Alors que cette initiative se présentait comme une réponse ambitieuse à la problématique du salubrité publique, l’implication des citoyens et la pérennisation de cette action collective n’ont pas été au rendez-vous.
Rappelons que, lancé sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, « Setal Sunu Rew » était une initiative citoyenne de grande envergure censée mobiliser les Sénégalais autour d’une action collective de nettoyage dans leurs localités. Ce projet visait à renforcer la culture de la propreté au sein de la population, impliquer les citoyens dans la gestion de leur environnement immédiat et réduire les nuisances liées à l’insalubrité dans les quartiers et les espaces publics.
La première édition, annoncée avec grande pompe, a suscité un enthousiasme visible parmi les autorités, mais au fur et à mesure des éditions suivantes, la participation a diminué et la dynamique s’est essoufflée.
Malgré l'importance capitale de l’assainissement public pour le bien-être de tous, la communication autour de l'initiative a été insuffisante pour susciter un réel enthousiasme populaire.
Nous avons noté un manque de sensibilisation en amont. En effet, la communication n’a pas suffisamment été préparée et articulée avant chaque édition de « Setal Sunu Rew ». La sensibilisation préalable a été insuffisante pour créer une prise de conscience durable auprès des populations. En effet, si le projet de nettoyage est sans doute une bonne idée, sa mise en œuvre nécessite une information régulière et continue, pas seulement quelques jours avant l'événement.
De plus, la cible n’a pas été clairement définie dans les messages. Les populations ne se sentaient pas personnellement concernées par cette initiative. Il aurait été crucial d’expliquer en détail les bénéfices directs d’une telle action sur leur quotidien, par exemple en soulignant l’impact positif sur la santé publique, l’environnement, ou encore l'amélioration de la qualité de vie dans les communautés locales.
Par ailleurs, dans le contexte actuel où la communication passe massivement par les réseaux sociaux et les plateformes numériques, il est surprenant de constater que « Setal Sunu Rew » n’a pas exploité pleinement ces canaux. L’utilisation des réseaux sociaux, tels que Facebook, Instagram, X (Twitter), ou même YouTube, aurait pu permettre de sensibiliser un large public, surtout les jeunes, à l'importance de leur participation.
Les initiatives précédentes ont manqué de création de contenu visuel attractif (comme des vidéos de sensibilisation, des témoignages, des images avant-après de nettoyages, etc.), qui auraient facilité l’engagement de la communauté et montré des exemples concrets de l'impact de l'initiative. À l'heure actuelle, les jeunes générations sont beaucoup plus enclines à s’impliquer dans une activité lorsqu'elles y sont appelées via des canaux modernes, interactifs et bien ciblés.
Une autre erreur fondamentale réside dans le fait que la communication a été trop centrée sur l’aspect institutionnel et officiel de l’initiative, avec des messages diffusés principalement à travers les médias traditionnels (radio, télévision, presse écrite). La dimension citoyenne de « Setal Sunu Rew », axée sur la participation active des populations, n’a pas été suffisamment mise en avant. Au lieu de cela, l'accent a été mis sur la gestion étatique et l'obligation de participer, ce qui a créé une distance avec le citoyen moyen.
La mobilisation populaire aurait été plus efficace si la communication avait été plus inclusive, associant les leaders d’opinion locaux, les communautés religieuses, les organisations de la société civile et les groupes de jeunes à la promotion et à l'animation de l'événement.
Enfin, l’absence de rétroaction et de suivi des éditions précédentes a nui à l’efficacité de l’initiative. Les citoyens, ayant participé une fois ou deux, n’ont pas vu de résultats concrets ni de récompenses pour leurs efforts. En outre, une fois le nettoyage effectué, l’absence de mesures de suivi (comme des campagnes pour maintenir la propreté) a engendré un sentiment de futilité chez les participants. La communication devrait être axée sur des résultats tangibles et une évaluation continue des actions entreprises.
Dans l’avenir, il faudra impérativement définir un plan de communication structuré et inclusif. Il est primordial que la stratégie de communication autour de ce type d’initiative inclut des actions de sensibilisation continues, allant au-delà des simples rappels avant l’événement. Les autorités doivent engager les médias, les leaders communautaires et les organisations citoyennes dès le début, et renforcer cette dynamique sur plusieurs mois avec des campagnes régulières, des témoignages d’impacts positifs, et des actions locales.
Il est aussi crucial de dynamiser la communication digitale. Une campagne sur les réseaux sociaux, appuyée par des influenceurs locaux, des vidéos engageantes et des publications interactives, peut contribuer à une mobilisation massive des jeunes et des populations urbaines, souvent plus actives en ligne. La mise en place d'une plateforme dédiée à l’initiative, qui propose des contenus éducatifs et des moyens de participer à l’effort collectif, serait un excellent complément.
Au demeurant, rappelons que les initiatives citoyennes doivent devenir des initiatives locales. Il faudra alors impliquer les leaders communautaires, les associations locales, les jeunes et même les écoles dans le processus de mobilisation renforcerait l’engagement. Le nettoyage doit être perçu comme un travail collectif et non comme une obligation imposée par les autorités.
Il est aussi crucial de mettre en place un système de suivi et de récompense. Le suivi des actions entreprises après chaque édition est essentiel. Il est également important de mettre en place des systèmes de récompense ou des compétitions locales pour encourager les quartiers à maintenir la propreté. La récompense symbolique, sous forme de certification, de distinctions ou même de bourses de formation, peut être une incitation efficace.
Souleymane Ly
Spécialiste en Communication