L’instrument d’un retour de la puissance hégémonique américaine ?
Deux semaines après son investiture à la Maison-Blanche, Donald Trump a lancé une série de mesures chocs qui redéfinissent la place des États-Unis sur la scène internationale. Entre le retrait des instances onusiennes, les coupes budgétaires, les menaces commerciales et la fermeture d’agences fédérales, ces décisions, saluées par sa base électorale, suscitent inquiétudes et condamnations à l’étranger. Jusqu’où le président américain compte-t-il aller dans sa politique ‘’America First’’ ?
Le 4 février 2025, Donald Trump a signé un décret exécutif retirant les États-Unis du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU où ils n’étaient pourtant que simples observateurs depuis 2018. Cette décision, justifiée par un ‘’profond biais antiaméricain’’ selon son conseiller Will Scharf, vise à ‘’interdire toute future implication’’ de Washington dans cet organisme. Un geste symbolique fort, mais dont les implications pratiques restent floues, le mécanisme de retrait en tant qu’observateur étant juridiquement inédit.
Parallèlement, le texte prolonge la suspension des financements américains à l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, gelés depuis janvier 2024 après des accusations israéliennes de complicité avec le Hamas. Les États-Unis, historiquement premier contributeur de l’agence, privent ainsi des millions de Palestiniens d’aide humanitaire, aggravant la crise à Gaza.
Cette posture s’inscrit dans une logique plus large : Trump ordonne également une révision de l’implication américaine à l’UNESCO, accusée de partialité, et exige un audit des contributions financières à l’ONU, dénonçant des ‘’disparités injustes’’. En toile de fond, une méfiance envers le multilatéralisme, déjà illustrée par le retrait de l’OMS en janvier 2025.
USAID : vers une fermeture controversée sous l’influence d’Elon Musk
Dans un coup d’éclat, l’Agence américaine pour le développement international (USAID), pilier de l’aide humanitaire depuis 1961, est menacée de fermeture. Elon Musk, conseiller milliardaire de Trump, a annoncé, lors d’un live sur X Spaces : ‘’L’USAID est une boule de vers. Il faut s’en débarrasser.’’ Cette décision fait suite à un conflit interne : des responsables de l’agence ont refusé de remettre des documents classifiés à l’équipe Doge de Musk, chargée de réformer l’efficacité gouvernementale. La mise en congé de deux hauts responsables de la sécurité, John Voorhees et Brian McGill, a précipité la crise. Musk accuse l’USAID d’être ‘’une organisation criminelle’’, tandis que les défenseurs des droits humains dénoncent une privatisation dangereuse de la politique étrangère américaine. La fermeture de l’agence priverait de millions de personnes dans le monde d’accès à l’eau, à la santé et à l’éducation, tout en affaiblissant l’influence Soft Power des États-Unis.
Gaza : relocaliser les Palestiniens, une proposition explosive
Alors que Gaza peine à se relever des destructions massives causées par la guerre, Trump a relancé l’idée d’une relocalisation des Palestiniens vers des pays voisins comme la Jordanie ou l’Égypte. Une proposition qualifiée d’’’inhumaine’’ par les dirigeants arabes, mais défendue par des responsables américains. ‘’Trump cherche des solutions réalistes pour une vie normale à Gaza’’, ont-ils plaidé, évoquant une reconstruction qui prendrait ‘’10 à 15 ans’’.
Cette approche, alignée sur les souhaits de l’extrême droite israélienne, contredit les engagements de l’ère Biden et isole davantage les États-Unis. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le roi Abdallah II de Jordanie ont appelé à une position arabe unie, rejetant toute solution imposée.
Afrique du Sud : menaces de sanctions et tensions agraires
L’Afrique du Sud est devenue la cible inattendue de Trump. Sur Truth Social, il a accusé Pretoria de ‘’confisquer des terres et de maltraiter certaines catégories de personnes’’, menaçant de couper tout financement américain. Le président Cyril Ramaphosa a répliqué : ‘’Aucune terre n’a été confisquée’’, rappelant la sensibilité historique de la question agraire dans un pays marqué par l’apartheid.
La promesse de redistribuer 30 % des terres aux Noirs, centrale depuis 1994, cristallise les tensions. Les menaces de Trump risquent d’exacerber les clivages sociaux et de fragiliser les relations avec un partenaire stratégique en Afrique.
Guerre commerciale : escalade et reculade
Dans un revirement spectaculaire, Trump a suspendu les droits de douane de 25 % prévus contre le Canada et le Mexique, après un accord de dernière minute avec Justin Trudeau et Claudia Sheinbaum. Cependant, les tensions avec la Chine persistent : Pékin impose, depuis le 10 février, des tarifs supplémentaires de 10 à 15 % sur des produits américains, en réponse aux mesures protectionnistes de Washington.
Ces fluctuations illustrent une stratégie commerciale erratique où la menace prime sur la négociation. Si les alliés nord-américains respirent, l’escalade sino-américaine menace l’économie mondiale.
Face à ces mesures, la communauté internationale se divise. L’Union européenne, par la voix de Josep Borrell, dénonce un ‘’isolationnisme destructeur’’, tandis que des pays comme la Russie et la Hongrie saluent une ‘’défense des intérêts nationaux’’. Les États arabes, bien que critiques sur Gaza, évitent une confrontation directe, dépendant de l’aide militaire américaine.
En Haïti, le gel du financement américain à la mission policière de l’ONU plonge le pays dans l’impasse sécuritaire. L’ONU, par son porte-parole Stéphane Dujarric, déplore une ‘’rupture de solidarité’’.
Beaucoup de citoyens s’interrogent jusqu’où ira le président américain ? Donald Trump, en deux semaines, a confirmé sa volonté de démanteler l’ordre international post-1945. Si ses partisans y voient un rééquilibrage juste, ses détracteurs craignent un monde plus instable où le droit international cède face aux rapports de force. Entre la fermeture de certaines agences, la guerre commerciale et le soutien à des politiques controversées, le président américain semble prêt à aller loin, quitte à sacrifier alliances et normes globales.
La question reste : les contre-pouvoirs institutionnels et l’opinion mondiale parviendront-ils à freiner cette trajectoire ou assisterons-nous à un bouleversement géopolitique sans précédent ?
AMADOU CAMARA GUEYE