«Mes frères, les femmes et moi. . .»
Artiste musicien, auteur et compositeur, Ousmane Seck est issu d'une grande famille griotte qu'il aime comparer à une industrie musicale. Chez sa femme, dans un salon décoré avec goût et où s'échappent des effluves de «thiouraaye», il s'est lâché avec EnQuête, notamment à propos de ses rapports ses frères dont un certain...Thione Ballago Seck.
Parlez-nous de vos débuts dans la musique.
J'ai commencé à faire de la musique dans les années 1990, des chœurs avec Fatou Guéwel. Je suis resté six ans dans son orchestre. Puis, j'ai rejoint la formation musicale de Mapenda Seck où j'ai passé cinq ans avant d'atterrir au Raam Daan. Après 10 ans de services auprès de Thione (NDLR : Thione Seck, son frère), j'ai monté mon propre groupe avec sa permission. Je suis la première personne à qui il a dit : maintenant, tu peux mener ta carrière solo. C'est lui qui m'a donné un orchestre. Dieu merci, c'était mon rêve de mener un jour une carrière solo. J'ai atteint mon objectif.
Dix ans dans un orchestre à faire des chœurs. C'est beaucoup. Pourquoi n'avoir pas fait comme tes grands-frères ?
Je rends grâce à Dieu et à mes parents. Il n'est pas dit que je suis meilleur que ceux qui sont passés au Raam Daan, au contraire ils sont sans doute beaucoup mieux que moi. C'est peut-être une chance. Ce n'était pas facile. J'ai fait le maximum pour suivre mon grand-frère. Ma mère y a joué un grand rôle, de même que mon père. Ma maman m'a appris à être endurant et patient. Elle me disait que tout arrive à son heure et que nul ne devait s'impatienter au risque de perdre tout ou beaucoup. Ses conseils m'ont beaucoup aidé ainsi que ceux de mon ami El hadji Faye qui est mon compagnon de longue date, et de Dj Fox. Ils m'ont soutenu et m'ont fait éviter beaucoup d'erreurs que j'aurai pu commettre. Les gens doivent juste savoir et accepter que chacun a le droit de vivre sa vie et de faire ses propres erreurs.
Pendant ces années, y a-t-il eu des immixtions dans vos rapports familiaux ?
Ils sont nombreux et incalculables. Au temps, Thione m'avait imposé au Raam Daan de sorte que les gens se bousculaient pour ses premières parties de soirée au Kilimandjaro (NDLR : une boîte de nuit située au village artisanal de Soumbédioune). Il y en avait qui arrivaient après ma prestation et qui disaient être découragés parce que j'avais déjà joué. Je remercie aujourd'hui Thione Seck pour cela. C'est lui qui m'a donné la chance en me laissant une bonne place lors de ses premières parties. Ce n'était pas évident que je puisse être aimé par ce public car Thione a des fans qui n'ont d'yeux et d'oreilles que pour lui. Au début, quand je chantais, c'était deux ou trois personnes qui se levaient. Mais à un moment, les gens faisaient tout pour être là pour la première partie. Certains rentraient après mes prestations... Thione a vraiment beaucoup fait dans ma carrière ! Il m'a remis du matériel quand il m'a donné la permission de monter mon propre groupe. C'est d'ailleurs lui qui a baptisé mon groupe «Ouz Band». Au début, il m'a demandé de choisir un nom. Je lui ai proposé «Alé Baba» comme ma maman. Il m'a dit : «c'est bien mais ce n'est pas commerciale.» Ainsi, a-t-il proposé le nom final et on est tombé d'accord. Je prie pour lui. Je prie aussi pour Mapenda, il est mon ami. On a voyagé partout ensemble. De même que pour Assane Ndiaye. Notre famille est une industrie musicale !
Avec les succès de vos soirées, il ne vous est jamais arrivé de vous dire qu'il était temps de rouler pour et par vous-même ?
Réagir de la sorte peut être une erreur car le talent ne suffit pas toujours. Il y a un chemin à suivre. En plus, cela revenait à trahir. Il ne faut pas oublier que c'est Thione qui m'a amené au Kilimandjaro, c'est lui qui m'a imposé à son public qui me fait sentir ce que vous dites là. Quand je jouais avec Fatou Guéwel, j'avais mon public. Il y avait des gens qui ne venaient que pour écouter les chœurs. Elle est la première personne avec qui j'ai voyagé à l'étranger. Je l'ai quittée parce qu'elle faisait de la musique tradi-moderne. Moi, je voulais faire de la musique moderne. Quand Mapenda a formé son groupe, Thione m'a mis en rapport avec lui et je suis allé le rejoindre. A ses côtés, j'ai eu mon propre public parmi son public à lui. Quand je devais aller au Raam Daan, je suis allé voir Mapenda pour lui dire : «je veux tenter une nouvelle expérience. Vous êtes tous passés entre les mains de Thione, moi aussi j'aimerais un jour dire que je suis passé au Raam Daan à condition que tu me laisses partir.» Il n'y a trouvé aucun inconvénient. On est tous de même père et de même mère. C'est comme çà que j'ai quitté le «Takander». Thione ne voulait pas qu'on dise qu'il m'a pris.
C'est au Raam Daan que vous avez passé le plus de temps. Quelle valeur ajoutée en avez-vous tirée ?
J'ai beaucoup appris là-bas ! Le Raam Daan est une école, Thione une université. Faire de la musique suppose suivre un long chemin. Évoluer dans le show-biz au Sénégal est difficile. Tout le monde chante, le milieu est saturé. Il suffit de sentir ce que l'on fait. J'ai une philosophie personnelle que j'ai apprise chez Thione. Cela me sert beaucoup aujourd'hui. Je dis souvent à mes musiciens que vous ne pouvez me surprendre ou m'étonner. Toutes sortes de générations m'ont trouvé au Raam Daan. J'ai beaucoup retenu des départs et des arrivées, des comportements des uns et des autres. Alors, si j'avais écouté ceux-là qui me disaient de quitter Thione, j'aurais peut-être eu honte aujourd'hui, et mon espoir pouvait être brisé. C'est comme quand on voyage qu'avec des musiciens et qu'ils te lâchent une fois à l'étranger. Ils te créent des problèmes à l'ambassade qui a délivré leurs visas. Et il faut le dire, la plupart d'entre eux n'ont pas réussi parce qu'ils ont trahi. Un musicien est un ambassadeur, il peut aller où il veut. Si j'avais des conseils à donner modestement à mes amis musiciens, je leur dirais : fais d'abord ton travail à l'étranger et reviens ensuite au bercail ; si tu souhaites t'établir à l'étranger, fais ta demande, c'est facile. Et dans tous les cas, tu auras la conscience tranquille et tu garderas ta dignité !
Aujourd'hui, vous êtes donc en solo mais vous peinez à décoller...
La vie est dure. Dieu nous crée pour qu'on soit fatigués. C'est le sens de la vie ! J'ai entendu un jour quelqu'un dire qu'il y a un artiste américain qui a déclaré que sa vie n'était pas agréable. Tout dans sa vie était facile. A mes yeux, le sens de la vie, c'est de vivre la difficulté. Vous vouliez quoi ? Que je commence et que mon succès éclate sur le coup ?
Pourquoi pas, il y en a qui l'ont bien vécu !
Où sont-ils aujourd'hui ? Que le succès soit vite arrivé, et qu'il dure, ça n'existe pas. Je veux aller lentement et sûrement. Je ne me précipite pour rien du tout et sur rien du tout. Ce que je dois avoir, je l'aurais car c'est Dieu qui l'aura décrété.
Vous avez un public très féminin. Quels rapports entretenez-vous avec les femmes ?
J'ai un secret, et il est unique : le travail. Les femmes sont tout à la fois dans ce monde. On doit les aimer et leur donner la place qu'elles méritent. Elles sont souvent sans défense, mais elles ont du cœur. Parmi ces femmes là, certaines sont mes amies, d'autres mes enfants. Elles m'appellent «papa». Quand une femme t'appelle comme çà, c'est parce qu'elle t'aime vraiment ! Quand elles me disent «papa !» je leur répond : «ma fille !». Il y en a même dont je pourrais être le père. Mais je les considère comme mes filles.
Côté projets, il y a quoi ?
Je prépare mon deuxième anniversaire à Sorano. On l'a fait une première fois en juin 2011 et on a été agréablement surpris. Les choses nous avaient dépassés. On veut la confirmation cette année. C'est donc un grand problème. Le plus important dans une carrière n'est pas de faire boom boom mais d'être là. C'est très important. Une carrière, c'est un long chemin, c'est souvent toute une vie. Cela ne vaut pas la peine de courir.
L'anniversaire, c'est quand et que peuvent en attendre vos fans ?
C'est prévu le 5 janvier 2013. Ce sera un mardi et ça va coïncider avec le jour de ma naissance. Mes fans vont la fêter. Mais avant, je compte sortir ce samedi (NDLR : aujourd'hui) un nouveau single. «Galagne» est le titre de la production qui parle des tares de la société. Je jouais le morceau en boite et il a été piraté. Je l'ai rejoué sur des rythmes de bon «mbalax».
BIGUÉ BOB
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