À propos des noyades en série, de jeunes surtout…
moment où nous écrivons ces lignes, la série noire et macabre continue, avec plus de huit (8) morts et disparus vendredi dernier (25 Juin 2021) à Mbao, une des plages de la Petite Côte, pourtant réputées moins dangereuses que celles de la Grande Côte
Qu’est ce qui peut bien expliquer cette situation dramatique qui perdure depuis des décennies ?
A notre humble avis, il existe, dans ce problème, des causes humaines et des causes physiques.
Les aspects humains sont liés à la démission totale de certains parents par rapport à l’éducation et à la surveillance de leur progéniture.
Il y a aussi qu’une partie de cette jeunesse têtue est désemparée, prête à tout pour satisfaire ses instincts et semble de plus en plus être candidate au suicide, comme l’a bien montré le phénomène « Barça ou Barsakh ».
De plus, des cours de natation n’existent nulle part dans les programmes d’éducation physique à l’école, même dans les localités où on trouve des « piscines naturelles » telles que fleuves, lacs, mer et bras de mer. A Dakar, la seule piscine olympique ne peut accueillir tout le monde !
Mais il y a aussi et surtout des aspects physiques qu’on ne semble pas mettre suffisamment en exergue.
Les noyades ont lieu un peu partout au Sénégal, là où il y a la mer et des cours d’eau, mais elles sont, et de très loin, plus importantes sur la Grande Côte, correspondant aux régions de Dakar et de Thiès, et qui présente quelques particularités.
Depuis la recrudescence de ces noyades, quelques personnes se sont exprimées sur le sujet dans les média écrits.
Nous avons particulièrement retenu les explications très intéressantes de Monsieur Riad KAWAR, environnementaliste et vice-président de l’Océanium (l’Observateur du mardi 15 juin 2021) et celles du major des Sapeurs-Pompiers Maguette WADE (Vox Populi du lundi 21 juin 2021) qui sont des hommes de terrain, spécialistes de la natation, de la plongée et du sauvetage.
Ils parlent tous les deux de baÏnes (mot bizarre et singulier, dérivé du gascon et signifiant, d’après le dictionnaire, une dépression temporaire ou mare résiduelle ressemblant à une piscine naturelle formée entre la côte et un banc de sable), de courants marins, de vagues, autant de facteurs qui ne sont peut-être qu’une partie des causes du problème.
Hormis les fameuses baÏnes, ce sont les causes au niveau du sur-sol, situées au-dessus du sol.
Dans le journal « Vox Populi » du mardi 15 juin 2021, nous avons aussi retenu le point de vue pertinent d’une anonyme qui a bien dit que les plages de Malika et de Malibu (du reste interdites à la baignade !) sont constituées de sables mouvants (ce ne sont sûrement pas les seules ! il faut aussi soupçonner des plages déjà autorisées à la baignade.)
Ce sont là les causes au niveau du sol, au ras du sol, peut-être aussi dangereuses, sinon plus que celles du sur-sol.
Comme l’ont montré des études réalisées par des géologues français durant la période coloniale, certaines parties de la Grande Côte sont, en fait, constituées de SABLES MOUVANTS.
Notre pays, le Sénégal, compte parmi ses enfants de nombreux spécialistes en sciences et techniques de la terre et de la mer : Géologues, Géophysiciens, Géotechniciens, Géomorphologues, Géographes, Pédologues, Environnementalistes, Océanographes, Océanologues, etc…compétents, sérieux et bien informés, qui devraient pouvoir servir de relais d’alerte par rapport à un phénomène aussi dangereux.
Car toutes ces personnes travaillent, en général, pour la plupart, dans l’administration et les services étatiques, que ce soit dans l’opérationnel, dans l’enseignement supérieur ou la recherche.
Gouverner, c’est prévoir, c’est anticiper …
Quand les géologues français du BRGM faisaient ces études sur la Grande Côte dans les années 1950, LA GRANDE BANLIEUE DAKAROISE N’EXISTAIT PRATIQUEMENT PAS, donc ces plages n’étaient que peu fréquentées, hormis celles de quelques villages Lébou tels que Malika.
Faut-il rappeler que l’actuelle ville de Pikine-Dagoudane, qui donne l’impression d’avoir toujours existé, avec plus d’un (1) million d’habitants aujourd’hui, ne date pourtant que de 1952?
Depuis des décennies, des centaines, voire quelques milliers de personnes ont trouvé la mort sur la Grande Côte, à cause de ces sables mouvants et d’autres facteurs, tels que ceux cités par Messieurs KAWAR et WADE.
Les gens de notre génération, qui fréquentaient parfois les salles de cinéma dans les années 1960, 70, 80, quand ce-dit 7ème art était à son apogée, connaissent très bien les sables mouvants. Beaucoup de scènes de films illustrent bien ce phénomène extraordinaire, où des personnes sont littéralement prises au piège par ces sables meurtriers qu’on trouve un peu partout dans le monde, aussi bien au bord des cours d’eau qu’en plein désert, comme c’est le cas en Iran.
Donc, certaines plages de la Grande Côte, dont peut-être quelques-unes où la baignade est déjà autorisée, SONT UN DANGER PERMANENT ET DES MOUROIRS CERTAINS POUR TOUT LE MONDE, Y COMPRIS LES NAGEURS AGUERRIS ET CONFIRMES, Y COMPRIS LES MAITRES-NAGEURS EUX-MEMES.
Suite à la récente hécatombe, le Chef de l’Etat vient de décider d’interdire la baignade dans les plages non autorisées avec surveillance permanente des forces de défense et de sécurité.
Cette mesure nous semble nettement insuffisante …
AUX GRANDS MAUX, LES GRANDS REMEDES …
Il faudrait interdire la baignade sur toutes les plages de la Grande Côte dans les régions de Dakar et de Thiès jusqu’à nouvel ordre et positionner, chaque année, l’Armée Nationale (qui est quand même chargée de défendre nos vies !) sur toute la partie de la Grande Côte proche des zones habitées et ceci, de début Juin à fin Octobre.
Toutefois, les populations pourraient continuer à venir au bord des plages pour se rafraîchir avec l’air marin, pour déguster les produits de la mer, faire du sport qui est bon pour la santé et notre prestige, si on se réfère au récent succès de notre équipe nationale de beach soccer, en attendant celle de beach volley…
D’ores et déjà, une commission scientifique et technique, pluridisciplinaire, de haut niveau, dotée de moyens conséquents, pourrait être mise sur pieds le plus rapidement possible, pour aller sur le terrain faire un round-up de la question, et délivrer des propositions concrètes pour la Grande Côte, qui a la particularité d’être une plage presque unique de Saint-Louis à Yoff.
Maintenant, nous voudrions faire ici quelques suggestions allant dans le sens de contribuer à régler ce problème dramatique.
Quelques-unes de ces suggestions vont peut-être faire rire ou sourire certains esprits tordus, soi-disant « réalistes » qui sont, en général des personnes peu ambitieuses, sans détermination, n’ayant aucune confiance en elles-mêmes, parfois bavardes, paresseuses et faibles d’esprit, intellectuellement malhonnêtes et toujours prêtes à traiter de « rêves » toute idée ou toute vision qui dépasse leur entendement ou nuit à leurs intérêts politiciens ou financiers.
Ce type d’individus, il en existe malheureusement beaucoup de spécimen dans notre pays, parfois même dans les plus hautes sphères de décision...
Ils sont, en partie, responsables de notre retard et de notre dépendance chronique vis-à-vis de l’étranger et des institutions financières internationales, et par là même, du désarroi de notre jeunesse qui n’a même plus d’espaces où s’épanouir.
Faisons tout de même ces suggestions, tout en espérant qu’elles seront bien lues par qui de droit et ne subiront pas un enterrement de première classe…
1) A l’instar de ce qui se fait dans le domaine de la foresterie, il ne serait pas inutile d’instituer désormais « des plages classées et réservées », exclusivement destinées au grand public et qui ne pourraient, en aucun cas, être déclassées pour des investissements hôteliers et touristiques et ce, quel que soit l’importance de ces projets.
2) L’Etat devrait sérieusement envisager la possibilité de dé-privatiser certaines plages privées, exploitées actuellement par des hôtels, surtout celles situées dans des zones urbaines très fortement peuplées, en indemnisant équitablement les propriétaires de ces hôtels et en leur proposant, comme lots de consolation, des terrains gratuits situés en face de l’océan, mais ailleurs (n’oublions pas que le Sénégal a quand même plus de 500 km de côtes!)
3) C’est principalement la canicule qui pousse les jeunes vers les plages. Cette canicule, dans les régions côtières, selon les années, débute entre les mois de Mai et Juillet et se termine généralement vers la fin du mois d’Octobre.
Pour rendre l’atmosphère plus vivable dans les maisons, il est indispensable que certains équipements soient plus accessibles à la plupart des ménages, au niveau du coût.
L’Etat devrait renoncer, totalement ou partiellement, aux droits de douane et aux droits fiscaux sur les appareils suivants : ventilateurs, brasseurs d’air, plafonniers, climatiseurs (surtout solaires, qui n’obèrent pas les factures d’électricité) pour les mettre à la portée du plus grand nombre.
Par-dessus tout, l’Etat devrait aider et encourager le secteur privé national à créer des usines de montage de ces appareils.
Ceci générerait plus d’emplois pour les jeunes et soulagerait un peu notre balance commerciale chroniquement déficitaire.
4) Même chose pour les baignoires…
Dans certains cas, un bain pris à la maison peut bien remplacer une baignade à la plage. Nous entendons déjà « nos amis » les pessimistes dire : mais il rêve, c’est un luxe ! Non, ce n’est pas un luxe, même si nous reconnaissons que cela pourrait renchérir les factures d’eau.
On devrait pouvoir aider ceux qui disposent de suffisamment d’espace dans leurs toilettes ou dans leurs maisons et qui n’ont pas trop de difficultés pour payer leurs factures d’eau, à installer des baignoires simples qui serviraient à prendre des bains pour atténuer un peu les rigueurs de la canicule.
Encore faudrait-il que ces baignoires soient accessibles pour le plus grand nombre, au niveau prix.
Une subvention ou une exonération de droits de douane pourrait régler le problème.
Là encore, il faudrait envisager une fabrication locale de ces produits faits en céramique ou en fer.
5) L’Etat devrait étudier, en collaboration avec les collectivités territoriales, la possibilité de construire des PISCINES DE QUARTIER, simples et fonctionnelles.
Une fois ces piscines (qui devraient respecter les normes, être propres et bien entretenues) créées, il est évident que beaucoup de jeunes se passeraient de faire de longues distances pour aller sur des plages où ils risqueraient leur vie, surtout si l’accès à ces piscines est gratuit ou fixé à un prix modique (mettons 100 F ou 200F CFA).
Notons aussi que pour la construction éventuelle de ces piscines, les jeunes eux-mêmes pourraient constituer l’essentiel de la main d’œuvre…
6) Il est temps pour l’Etat du Sénégal de mettre de l’ordre dans sa politique d’urbanisme.
Partout, les lois et règles d’urbanisme les plus élémentaires sont foulées aux pieds…
En ce qui concerne la banlieue et les cités dortoirs en général, seules des « opérations chirurgicales » d’envergure et douloureuses pourraient régler les problèmes.
Dans certains cas, des pâtés de maisons et des zones habitées entières devraient nécessairement être rasées pour laisser la place à des équipements collectifs et à des espaces verts.
Les ménages impactés devraient évidemment forcément être indemnisés et relogés ailleurs.
En effet, si les jeunes vont systématiquement à la plage, c’est, en partie, parce qu’ils étouffent dans leurs quartiers où il n y a, souvent, ni terrains de sport, ni terrains de jeux, ni bibliothèques, ni ludothèques, ne parlons surtout pas de piscines que nos amis les « réalistes » vont encore considérer comme un « luxe ».
Sadio MANE a bien eu raison de dénoncer l’état désastreux de la pelouse du Stade de Thiès.
Malheureusement, cela ne nous a donné que les réactions négatives, décevantes, à la limite puériles et franchement inacceptables d’un Ministre et d’un Président de Fédération sans ambitions.
De grâce, finissons-en, une bonne fois pour toutes, avec le misérabilisme qui n’a que trop duré…
Monsieur le Président de la République,
Mesdames/Messieurs les Ministres des forces armées, de l’économie, des finances, du plan et du budget, du commerce, de l’urbanisme, de l’industrie, des mines et de la géologie, de la recherche, de la jeunesse et des sports, bref tous les Ministres compétents qui se sentent concernés par cet article, voici quelques modestes propositions que nous voudrions vous faire pour essayer, un tant soit peu, de mettre un terme à ce problème douloureux et dramatique que sont les noyades sur nos plages.
Oumar KANE
Libraire résidant à Podor