Cheikh Tidiane Gadio accuse Senghor
Pour l'ex-chef de la diplomatie sénégalaise sous le régime Wade, Senghor a sans doute involontairement organisé l'échec du continent dans la construction de l'unité africaine.
Le cinquantenaire de l'Union africaine (UA) a servi de prétexte au Dr Cheikh Tidiane Gadio pour animer une conférence sur le panafricanisme hier à Daniel Brothier. Entrant vite dans le vif du sujet, l'ex-chef de la diplomatie sénégalaise sous le régime Wade a convoqué le débat opposant déjà, en 1963, l'ancien Président du Sénégal Léopold Sédar Senghor et son homologue ghanéen Kwamé Nkrumah. Le premier cité a porté le projet d'une ''Afrique des États'' et le deuxième défendait le principe du fédéralisme.
''Senghor disait lors de cette réunion à Addis Abeba qu'une fois toute l'Afrique unie sur le modèle proposé par Nkrumah et ses partisans, il serait difficile de trouver nos voies et moyens'', a déclaré M. Gadio. ''Je suis en total désaccord avec Senghor sur ce point-là. Et à cette réunion, autour de la même table, il y avait quelqu'un qui a démontré le contraire. Mais quand on est opposé (sur un ou des points), on ne s'écoute pas'', a ajouté le conférencier du jour.
Toujours dans la perspective de montrer que Senghor a manqué de vision sur ce sujet-là, Cheikh Tidiane Gadio s'est souvenu d'une phrase prononcée par ce dernier : ''Nous avançons pas à pas et par étape'', rapporte-t-il. ''Voilà le bout de phrase qui a plombé tout le processus des Etats-Unis d'Afrique'', s'est désolé Cheikh Tidiane Gadio. A l'époque, le Président Senghor proposait à ses pairs dirigeants de passer par l'étape de la régionalisation avant de penser à unir tous les pays d'Afrique.
''Cinquante ans après, on constate que si la mission de l'Union africaine était les Etats-Unis d'Afrique, elle a échoué. Qu'on ne vienne pas nous dire que la vision de Senghor était juste et que ce sont les acteurs qui ont failli dans sa réalisation'', a-t-il prévenu. Pour le président du mouvement Luy Jot Jotna, ''cinquante ans plus tard, si une vision ne marche pas, il faut s'interroger''. Aujourd'hui, l'Afrique paie les pots cassés comme l'avait prédit Nkrumah à cette même réunion quand il affirmait avec force : ''Dans le moindre retard, réside le danger''.
Aujourd'hui, la situation de crise généralisée qui prévaut au Mali semble donner raison à Cheikh Tidiane Gadio car, dit-il, ce qu'il s'y passe «pouvait être évité si l'Afrique s'était entendue depuis 1963». Entre-temps, l'ingérence étrangère a pris de l'ampleur sur le continent. ''L'Afrique n'a pas été en mesure de gérer à elle seule le conflit malien. Seuls les soldats tchadiens sont descendus sur le nord Mali après que la France a décidé d'agir quand la capitale fut menacée'', a dénoncé Cheikh Tidiane Gadio. Pour lui, l'Afrique devait sévir depuis longtemps.
Pour parer à de telles éventualités et éviter que des puissances étrangères viennent aider dans la défense des territoires africains, Gadio propose ''la création d'une force de réaction rapide en Afrique''. L'idée est que les bases militaires étrangères soient remplacées par des bases militaires africaines. Mieux encore, ''on pourrait réunir dix mille soldats africains sur un même territoire, les entraîner pour qu'ils défendent l'Afrique. (Mais) pour cela également, il faudra leur donner les moyens de leur existence'', a-t-il indiqué.
BIGUÉ BOB
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