Un débat au ras des pâquerettes
En lieu et place des débats de programme, certains candidats aux prochaines Législatives rivalisent surtout de vulgarité et de haine dans leurs discours.
Il ne reste plus que 24 jours pour les élections législatives. Ailleurs, le débat politique aurait tourné autour des offres programmatiques des différents candidats. Au Sénégal, on parle surtout des ethnies des uns et des autres, de ‘’l’assassinat’’ de tel ou de tel autre candidat…
À ce jour, à l’exception de la coalition Aar Sénégal, rares sont ceux parmi les candidats qui ont daigné présenter aux électeurs leur offre pour une transformation véritable de la société. Pour paraphraser le leader du think thank Legs Africa, ‘’nous sommes, au quotidien, agressés par des paroles et des images dépourvues de sens et bordées de vulgarité. L'indécence est devenue (dans le landerneau politique) la mode et ça ne semble gêner grand nombre. Les esprits moyens s'accommodent et les esprits avertis se replient dans leur zone de confort…’’.
La plupart du temps, ces insanités et autres langages orduriers sont alimentés directement ou par militants interposés par des aspirants aux plus hautes responsabilités de la République. Certains sont même prêts à tenir des discours dignes des animateurs de la ‘’Radio mille collines’’ au Rwanda pour arriver à leurs fins. Dans cette catégorie, responsables de Yewwi Askan Wi et de Benno Bokk Yaakaar semblent tenir le haut du pavé. Et les électeurs ainsi que les médias peu exigeants sur les offres programmatiques semblent bien s’en accommoder.
Pourtant, ces mêmes hommes politiques qui cautionnent expressément ou de manière tacite les discours haineux de leurs ouailles sont parfois les premiers à monter au créneau pour s’indigner du niveau du débat. Il y a quelques jours, la tête de file de Yewwi Askan Wi défiait les journalistes en ces termes : ‘’Est-ce trop de demander à la presse de relever le niveau du débat au lieu de diffuser haine et attaques contre la vie privée… ? La presse doit être un vivier de débats d’idées sur l’agriculture, la pêche, l’éducation, les ressources, le chômage…’’ Saisissant la balle au bond, le journaliste du groupe Emedia Invest, Mamoudou Ibra Kane, l’invitait publiquement sur sa page Facebook, comme pour lui dire que ce n’est pas toujours de la faute des journalistes si des hommes politiques comme lui refusent les interviews et débats contradictoires.
Le 14/14
Dans tous les cas, dans ce désert de débat démocratique, il faudrait saluer l’initiative de la coalition Aar Sénégal qui est, à ce jour, la seule à proposer aux électeurs ce qu’ils appellent ‘’un contrat de législature’’ avec des engagements clairs sur des thématiques bien précises, qui vont du Fonctionnement de l’Assemblée nationale au patriotisme économique, en passant par l’Ecole, la Gouvernance foncière, la Citoyenneté, la Diaspora… Cela a au moins le mérite d’offrir aux populations la possibilité de demander des comptes, d’évaluer et de sanctionner positivement ou négativement, si les engagements ne sont pas respectés à l’avenir.
Selon les camarades de Thierno Bocoum, le Sénégal a connu plusieurs législatures, les unes plus laborieuses que les autres, les unes plus inféodées au pouvoir Exécutif que les autres et il est temps de changer de paradigme. Ce contrat, s’engageaient-ils, donne l’opportunité de les juger, de les contrôler, de leur demander des comptes et de les sanctionner. ‘’Ce présent contrat de législature contient quatorze réformes phares. Elles ne sont pas exhaustives. Elles sont destinées à garantir le succès de la quatorzième législature. C’est le 14/14, symbole numérique des quatorze réformes majeures pour une quatorzième législature de rupture. C’est notre serment ! Des engagements pour les cinq années à venir’’, lit-on dans le document.
Au plan économique, les chantres de la troisième voie préconisent le patriotisme pour transformer l’économie sénégalaise. Parmi leurs engagements, il y a : l’institution d’une loi sur le patriotisme économique qui replacerait notre secteur privé national au cœur de notre économie, dans le respect de nos engagements internationaux ; la création d’un cadre préférentiel opérationnel pour l’accès des PME à la commande publique (ce cadre couvrira les allègements fiscaux, le raccourcissement des délais de paiement, la souplesse des conditions de qualification, et toute autre mesure incitative permettant de mettre le secteur privé local au cœur de l’économie sénégalaise) ; la clarification de la notion de société de droit national au profit du secteur privé sénégalais, etc.
Relativement au système éducatif, d’importants changements ont aussi été annoncés aussi bien dans l’enseignement classique que dans l’enseignement coranique. Dans la même veine, pour ce qui est de la gouvernance foncière, Aar Sénégal s’engage à favoriser l’émergence d’une politique foncière qui concilie les urgences de développement à travers des investissements stratégiques et productifs et les nécessités de prise en compte des contingences sociocommunautaires traditionnelles ; à mettre fin à l’appropriation privative des terres communautaires par l’octroi de titres fonciers arbitraires ; à assurer la sauvegarde nationale des espaces verts, la création de réserves écologiques stratégiques, la création massive de zones agricoles et la préservation du littoral sénégalais.
RAPPORT COSCE Dakar et Ziguinchor, capitales des violences verbales et physiques Malgré les inquiétudes, les observateurs du programme ‘’Nietti Election’’, dans le cadre de leurs rapports hebdomadaires, invitent à relativiser le phénomène. ‘’Dans l’ensemble, les échanges ont été assez corrects. Toutefois, il a été remarqué une concentration des propos incendiaires ou incitations à la haine dans la zone 5 (Ziguinchor, Sédhiou, Kolda). Onze pour cent des observateurs ont pu le constater par eux-mêmes : 89 % n’en ont ni vu ni entendu parler. Dans toutes les autres localités du pays, c’est «Rien à signaler» (RAS), selon les observateurs’’, informe le Cosce dans son dernier bulletin d’information. A côté des propos incendiaires et incitations à la haine qui sont plus fréquents, selon les observateurs, dans la zone 5, il y a les cas d’attaque sur des activités politiques qui ont été surtout notés dans la zone 1 qui regroupe Dakar, Thiès et Diourbel et la zone 5. ‘’Au niveau de la zone 1, environ 9 % ont observé des cas d’attaque sur une manifestation politique, 91 % n’ont ni vu ni entendu d’attaque dans leurs localités. Dans la zone 5, environ 11 % ont constaté des cas d’attaque, contre 91 qui n’ont ni vu ni entendu’’, soulignent les observateurs du Cosce. |
MOR AMAR