À la recherche des financements perdus
Le FMI vient de publier une étude sur ‘’La grande pénurie de financement’’ en Afrique subsaharienne. Les perspectives économiques pour cette partie du continent ne sont pas réjouissantes et nécessitent, selon le fonds, des mesures hardies et une grande résilience. La croissance, cette année, va en prendre un coup.
Selon le document, plusieurs facteurs concomitants sont à l’origine de la pénurie de financement que connaissent de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Le FMI liste la hausse des taux d’intérêt au niveau mondial, la hausse des spreads sur les obligations souveraines et la dépréciation des monnaies de la région par rapport au dollar’’.
A ces contraintes, s’ajoutent les ‘’difficultés que rencontrent déjà les pouvoirs publics en raison des répercussions de la pandémie de Covid-19 et de la crise du coût de la vie’’.
Ainsi, compte tenu de cette situation, les perspectives ne sont pas bonnes. Le FMI affirme que l’activité économique dans la région restera atone en 2023. ‘’La croissance s’élèvera à 3,6 %, avant de se redresser à un niveau de 4,2 % en 2024, en supposant que l’on assiste bien à une reprise économique au niveau mondial, que l’inflation ralentisse comme prévu et que le resserrement de la politique monétaire prenne progressivement fin’’, souligne le document. Qui parle d’un coup d’arrêt à la reprise économique. Même si l’on souligne que cette moyenne occulte des différences marquées au sein de la région. Car ‘’de nombreux pays afficheront un modeste regain de croissance cette année, en particulier ceux dont le PIB n’est pas fortement dépendant des ressources naturelles, mais la moyenne régionale sera tirée vers le bas par l’atonie de la croissance dans certains des pays les plus importants d’un point de vue économique, dont l’Afrique du Sud’’.
En effet, selon l’analyse du FMI, ‘’la persistance de l’inflation mondiale et le resserrement des politiques monétaires ont entraîné une hausse des coûts d’emprunt pour les pays d’Afrique subsaharienne et exercé une pression accrue sur les taux de change. De fait, aucun pays n’a été en mesure d’émettre une euro-obligation depuis le printemps 2022’’. Pire, soulignent les rédacteurs, la pénurie de financement aggrave une tendance de fond qui est à l’œuvre depuis des années : ‘’La charge des intérêts de la dette publique augmente, parce que les pays de la région se tournent de plus en plus vers les marchés financiers, où les coûts d’emprunt sont élevés et parce que les budgets d’aide au développement ne cessent de baisser.’’
Tout ceci n’est pas sans conséquence, dans une région déjà aux prises avec de profonds déséquilibres macroéconomiques. En effet, selon l’étude, ‘’la dette publique et l’inflation sont à des niveaux plus atteints depuis des décennies ; la moitié des pays de la région sont en proie à une inflation supérieure à 10 %, qui réduit le pouvoir d’achat des ménages, frappe de plein fouet les couches de la population les plus fragiles et attise les tensions sociales’’. D’ailleurs, le FMI estime à plus de 132 millions le nombre de personnes qui étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë en 2022.
Ainsi, ‘’l’activité dans la région devrait ralentir pour la deuxième année consécutive, dans un contexte d’essoufflement de l’activité économique au niveau mondial’’. Et si l’on en croit le FMI, les conséquences ne seront pas qu’immédiates. Leur répercussion devrait se faire sentir encore longtemps.
Selon le document, ‘’la pénurie de financement aura également des conséquences pour les perspectives régionales à plus long terme. Elle risque de contraindre les autorités à consacrer moins de moyens à des domaines essentiels pour le développement comme la santé, l’éducation et les infrastructures, au détriment du potentiel de croissance de la région’’.
Comment remédier aux déséquilibres macroéconomiques
Pour inverser cette tendance, les analystes du FMI indiquent quatre domaines d’actions prioritaires qui peuvent permettre de remédier aux déséquilibres macroéconomiques dans ce contexte de contrainte financière.
La première solution sera de rééquilibrer les comptes publics et de renforcer la gestion des finances publiques dans un contexte de durcissement des conditions financières. Pour cela, les autorités sont invitées à poursuivre l’augmentation des recettes publiques, à améliorer la gestion des risques budgétaires et à faire preuve de plus de volontarisme dans la gestion de l’endettement. Ils ajoutent que l’aide internationale demeure essentielle pour réduire les contraintes de financement auxquelles sont soumis les États. ‘’Certains pays, poursuit-on, nécessitent une restructuration ou un rééchelonnement de leur dette. À cet égard, il est indispensable de pouvoir disposer d’un cadre efficace de traitement de la dette, afin que ces pays puissent créer l’espace budgétaire qui leur fait défaut’’.
La deuxième solution émise par le FMI est de juguler l’inflation. En effet, l’institution de Bretton Woods considère que la politique monétaire doit être menée avec prudence, tant que l’inflation n’aura pas emprunté une trajectoire clairement descendante et qu’elle ne se sera pas rapprochée de la fourchette visée par les banques centrales.
Les dirigeants des pays de l’Afrique subsaharienne sont aussi invités à laisser le taux de change s’ajuster, tout en atténuant les effets économiques néfastes des dépréciations, comme l’accélération de l’inflation et la hausse de l’endettement.
Enfin, le FMI leur demande de veiller à ce que les importantes actions climatiques ne soient pas financées au détriment des besoins élémentaires comme la santé et l’éducation. Car ‘’le financement de l’action climatique par la communauté internationale doit venir s’ajouter aux montants d’aide actuels’’.
AMADOU FALL