La Loi sur le domaine national en procès
«Le nouveau régime semble s’inscrire dans le même sillage que Abdoulaye Wade en ce qui concerne la réforme foncière et le type d’agriculture à promouvoir’’. Cette certitude est celle de Ibrahima Sène, chargé des questions économiques au Parti de l’indépendance et du travail (PIT), et membre de la majorité présidentielle. Il était ce week-end l'un des invités du présidium mensuel du «Samedi de l’économie» consacré à la question foncière et certains de ses démembrements : accaparement des terres, montée de l’agrobusiness et impact sur l’avenir des paysans et producteurs du Sénégal.
«Domaine privé des collectivités locales»
Pour corriger cette situation, Sène a recommandé aux autorités compétentes de transformer le domaine national en domaine privé des collectivités locales. «Il faut réformer la Loi (sur le domaine national) pour transformer (justement) le domaine national en domaine privé des collectivités locales», a indiqué le responsable du Pit. Cette évolution permettra, selon lui, de «soustraire (le foncier) de plus en plus du contrôle de l’Etat, des couches aisées rurales, de l’aristocratie religieuse et coutumière’’.
A cette rencontre organisée par la Fondation Rosa Luxemburg et l'Africaine de recherche et de coopération pour l'appui au développement endogène (ARCADE), Ibrahima Sène a indiqué que la réforme qu'il propose devrait traiter le foncier de façon conforme aux intérêts des exploitations agricoles familiales sans terre et/ou exclus de la modernisation de l’agriculture pour insuffisance de terre. «Cela permettrait de pouvoir annuler toutes les affectations antérieures non conformes à la Loi, de redistribuer les terres prioritairement aux paysans pauvres identifiés comme étant les 56,7% de chefs de ménages ruraux et aux paysans moyens, qui sont de l’ordre de 17,5% et qui aspirent à la motorisation.»
D'autre part, cette nouvelle disposition ferait également de l'innovation «en créant un droit de propriété privé avec un titre foncier sur les terres du domaine national à usage d’habitation ou d’activités commerciales ou de service, comme cela est le cas dans les villes», a-t-il soutenu.
«650 000 hectares aux étrangers»
Au cours de ce panel, Amadou Kanouté (Cicodev) a révélé que d’après une étude menée par son agence, 650 mille hectares ont été octroyés à des étrangers entre 2000 et 2010. Et comme pour rejoindre Ibrahima Sène, il a averti qu’aucune réforme foncière n'est possible si plus de 70% des gens concernés sont exclus du débat. A ce propos, Kanouté a brandi cinq fonctions principales préalables : nourrir les hommes et les bétails, protéger les ressources naturelles, créer des emplois, créer des richesses pour les populations, et créer des richesses pour l’investir sur les populations.
Pour sa part, Mariam Sow, de Enda Tiers-monde, a soutenu que le monde rural est aujourd'hui envahi par de puissantes multinationales qui cherchent à s’accaparer des ressources fondamentales à partir desquelles survit le monde rural : la terre et l’eau. «Il faut que les décideurs comprennent qu’il y a des gens qui ont compris le jeu et qui disent non à l’accaparement des terres», a-t-elle souligné avec force.