Ngagne Demba Touré à Matam pour compléter “l’effectif”
Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall, a procédé à l’affectation de 61 greffiers. La mesure a été prise le vendredi 16 juin 2023. Parmi les greffiers qui ont été mutés, figure Ngagne Demba Touré de Pastef.
Au ministère de la Justice, soixante-et-une notifications d'affectation ont été délivrées à des greffiers. Pour les motifs de ce mouvement massif, le garde des Sceaux a principalement évoqué le "complément d'effectifs". Ainsi, ces fonctionnaires de l'État sont désormais appelés à servir dans les tribunaux d’instance et de grandes instances de Dakar, Pikine, Saint-Louis et Tambacounda, entre autres localités.
Mais sur cette longue liste, un nom attire toutes les attentions. Il s'agit de celui de Me Ngagne Demba Touré, membre de Pastef. Il est affecté au tribunal de grande instance de Matam.
Mais pour le principal concerné, cela ne fait l'ombre d'un doute : cette décision n'est qu'arbitraire, voire punitive. Il l'a d'ailleurs commenté sur sa page Facebook : "Par arrêté n°022016 en date du 16 juin 2023, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Monsieur Ismaïla Madior Fall, m’a affecté au tribunal de grande instance de Matam pour «complément d’effectif». La résistance constitutionnelle contre la dictature continue."
Le greffier avait annoncé dans la foulée revenir sur cette affaire plus largement via une "déclaration importante". Mais jusque-là, il ne l’a pas fait.
Par ailleurs, lors de la dernière conférence de la coalition Yewwi Askan Wi (vendredi dernier), Me Ngagne Demba Touré s'en est pris à sa tutelle. Selon lui, la prérogative d'Ismaïla Madior n'est pas de se prononcer sur une décision judiciaire. "Un ministre de la Justice ne commente pas une décision de justice, d’autant plus qu’elle n’est pas encore définitive. Il ne doit pas entrer dans l’esprit du juge. Est-ce que cela ne signifie pas que cette décision émane de lui, en tant que ministre de la Justice ? Le ministre de la Justice dépasse maintenant son attribution.
Il ne lui revient pas de commenter une décision de justice. Il tente d’influencer la juridiction d'appel. Le juge n’a sorti qu’un dispositif qui est un prononcé. Tant que le juge ne sort pas la décision, la cour d'appel ne peut pas statuer. Le juge qui doit rendre la décision ne s’est pas encore prononcé. Je me demande sur quelle base le ministre de la Justice se permet de parler de la décision. Elle émane sûrement de lui. Cela signifie tout simplement qu'il s'est immiscé dans le jugement. Qu’il ait le courage de le dire’’, a déclaré le greffier.
Pour rappel, lors de la récente conférence de presse du gouvernement à laquelle avait pris part le ministre de la Justice, ce dernier était revenu sur le jugement du 1er juin, tout en donnant les suites possibles à celui-ci. "Premier élément de réponse, il faut que la décision soit disponible et qu’elle lui soit notifiée. Une fois que la décision lui est notifiée, lui-même se constitue prisonnier ou alors le parquet va le cueillir. C’est une fois ceci fait qu’il a dix jours pour se constituer prisonnier et accepter la décision ou alors, il peut dire qu’il n’est pas d’accord. Dans ce cas, il pourrait être rejugé par la même juridiction, voire la même chambre. Ce n’est pas un appel, mais plutôt une opposition qu'il peut faire", a expliqué le garde des Sceaux Ismaila Madior Fall.
Mamadou Diop