Les assurances du ministre Antoine Mbengue
Lors du vote du budget 2024 du ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires, samedi dernier, les députés se sont penchés sur la situation d'Air Sénégal. Confrontée à des difficultés dans le fonctionnement, la compagnie nationale est invitée à ouvrir des dessertes dans certaines zones et surtout à faire face à ses concurrents. Face aux préoccupations des députés, le ministre Antoine Mbengue a rassuré les représentants du peuple.
Le vote du budget 2024 du ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires a permis aux députés, samedi, de faire le ‘’procès’’ d’Air Sénégal. Fiers, pour la plupart, de disposer d’une telle compagnie nationale, ils se sont émus de la voir se débattre dans des difficultés sans fin.
Le député Guy Marius Sagna a porté l’une des premières banderilles, en soutenant que deux dirigeants d’Air Sénégal, dont Jérôme Maillot, travaillent pour Air France. ‘’Ils sont en train de cantonner Air Sénégal dans certaines zones d’Afrique de l’Ouest au profit d’Air Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui est derrière cela ? La France est actionnaire dans Air Côte d’Ivoire’’, a pesté le député. Qui ajoute : ‘’Ils déclarent des lignes non rentables, alors que Jérôme Maillot et Philippe Bohn font des affrètements sur 12 mois.”
En ce qui le concerne, le député Alioune Guèye a déploré la suppression temporaire de la ligne Dakar - Milan jusqu'au 20 juin. Il considère qu’il faut travailler de façon à ce qu’Air Sénégal devienne une compagnie de performance. D'après lui, il ne faut pas laisser trop de place aux concurrents. ‘’Une compagnie italienne desservira Dakar - Milan. Pourquoi Air Sénégal ne peut pas desservir Milan là où les privées italiennes réussissent ?’’, s’est interrogé le parlementaire.
Dans la même veine, des députés ont sollicité le renforcement des vols à destination de l’Italie, la reprise de Dakar - Johannesburg, la création de la destination Dakar - Sao Paulo et la ligne Dakar - Djeddah ainsi que l’ouverture de lignes directes sur Fès et Milan.
Ainsi, pour se soustraire à la concurrence directe des grandes compagnies espagnoles et italiennes, à l’instar d’Iberia et Alitalia, il a été suggéré qu’Air Sénégal ne fasse pas ses départs dans les aéroports de grandes villes telles que Rome, Madrid ou Barcelone qui restent la chasse gardée de ces compagnies. Pour Serigne Abdou Mbacké Ndao, il ne faut pas concurrencer les compagnies italiennes au niveau de leur pays. ‘’Les compagnies qui opèrent dans leur pays feront tout pour causer des retards à leurs concurrents. Ce qui n’est pas bien pour la clientèle’’, a-t-il averti.
À ce niveau, l’attention du ministre a été attirée sur l’opportunité, pour Air Sénégal, de collaborer avec les ‘’dahiras’’ qui concentrent un grand nombre de personnes, pour accroître sa clientèle dans ces zones.
Ouverture de dessertes dans certaines zones : la position d’Antoine Mbengue
Concernant les demandes d’ouverture de dessertes dans certaines zones, le ministre Antoine Mbengue a fait noter que les lignes à destination de l’Europe du Sud impactent négativement la rentabilité de la compagnie. Néanmoins, une analyse est en train d’être faite pour voir comment les rentabiliser et les maintenir ou, à défaut, les suspendre ou diminuer leur niveau de fréquence.
Pour ce qui est du Brésil, une étude est faite et partagée avec Air Sénégal pour un vol sur Sao Paulo et Las est en train, révèle-t-il, de chercher une compagnie brésilienne pour faire le trajet. Il a indiqué, en outre, que la ligne Dakar - Djeddah est à l’étude, tout comme le vol direct Dakar - Fès. En ce qui concerne Johannesburg, il annonce que les vols débuteront le 1er décembre avec South African Airways.
Par ailleurs, il reste d’avis qu’une collaboration avec les ‘’dahiras’’ constitue un apport qui permettra à Air Sénégal de développer sa clientèle. ‘’Ainsi, dira-t-il, la réflexion sera nourrie sur cette question pour voir la meilleure formule à adopter’’.
Arrivée de Corsair et de la Royale Air Maroc
La prise en charge du pèlerinage par la compagnie saoudienne Flynas a été déplorée par certains députés qui ont proposé le transport des pèlerins sénégalais par la compagnie nationale Air Sénégal. Demba Diop a plaidé pour que la compagnie entre en service pour la ligne Dakar - Marrakech.
Dans la même dynamique, ils ont souhaité que notre compagnie nationale puisse davantage diversifier ses connexions en Afrique pour desservir les grandes capitales africaines qui constituent un marché très lucratif. Ce qui nécessite d’avoir suffisamment d’avions et un partenaire stratégique performant, ont-ils mentionné.
Par ailleurs, des députés ont exprimé leurs inquiétudes par rapport à l’arrivée de Corsair et de la Royale Air Maroc (RAM) sur les mêmes lignes desservies par Air Sénégal, dont la présence risquerait d’impacter négativement la compétitivité de notre compagnie. Ils ont, à ce propos, rappelé que cette situation a été vécue par le passé, avec cette même Compagnie, la RAM, qui concurrençait Air Sénégal en faisant le dumping sur la ligne Dakar – Casablanca - Paris.
Ainsi, il a été préconisé de nouer des partenariats gagnant-gagnant avec ces compagnies, dans l’optique de préserver les intérêts d’Air Sénégal.
En réponse à cette préoccupation relative à l’arrivée de certaines compagnies étrangères, le ministre a fait part de la signature entre la RAM et Air Sénégal d’un accord de partage de ‘’codeshare’’ qui s’inscrit dans une dynamique de renforcement de leur position sur le marché aérien. ‘’C’est dans ce cadre de partenariat que la compagnie Corsair, tout comme d’autres, va nouer des conventions avec Air Sénégal’’, a-t-il ajouté.
À ce niveau, Antoine Mbengue a précisé que les compagnies se complètent pour accomplir leurs missions. Donc, dira-t-il, le plus important consiste à se doter de moyens techniques pour sceller des partenariats gagnant-gagnant et préserver les intérêts de notre compagnie.
S’agissant de l’implication de la compagnie au pèlerinage, le ministre a annoncé que cette année, il a été très tôt décidé que le hajj sera pris en charge par la compagnie nationale avec un quota de 50 %.
Ainsi, les structures de son département ont tenu une réunion avec le délégué général au Pèlerinage, afin de discuter des modalités du transport qui constituent un préalable à la réussite du hajj.
Reports et retards répétitifs
Dans un autre registre, les députés ont évoqué des problèmes liés, notamment, aux reports et retards répétitifs des vols. Ces retards, diront-ils, sont mal gérés, puisque, très souvent, "la compagnie ne prévient pas les passagers à temps et ne prend pas les dispositions nécessaires pour les mettre dans des conditions d’attente convenable’’. De surcroît, ils ont indiqué que la gestion des bagages ne répond pas aux attentes des clients. Selon eux, ces derniers déplorent la lenteur des tapis et l’absence d’un service contentieux ou de réclamation pour s’occuper des déclarations de perte ou de la détérioration des bagages.
‘’Il nous est arrivé de passer plus de deux heures, rien que pour attendre nos bagages. Quelle que soit notre fibre patriotique, il y a une éthique que nous mettons en bandoulière : le confort, la sécurité et le temps’’, s’est plaint le député Modou Bara Guèye. D’autres comme Sanou Dione ont abondé dans le même sens.
À ce niveau, le ministre a été interpellé sur le déficit de résultats notés dans la mise en œuvre du plan de relance qui devait servir de levier à l’équilibre financier et à l’amélioration de la situation de notre compagnie nationale.
Dans le même registre, les Modou Bara Gaye et Cie ont abordé la question de la cherté des billets qui constitue un frein à la compétitivité de notre pavillon national. Sur ce, il a été proposé de miser sur la qualité des aéronefs et de la compétitivité des tarifs intra-africains ainsi que sur le développement des vols charters, à l’instar des grandes compagnies comme Air France, et d’appliquer, durant la période estivale, une réduction de 30 à 50 % sur les billets des Sénégalais disposant d’une carte consulaire.
‘’L’absence de rapport qualité prix’’ dans le choix des classes n’a pas manqué d’être soulevée par certains commissaires qui ont recommandé que des bus spéciaux soient réservés aux passagers de la première classe. Il en est de même des mesures à adopter pour les informer à temps en cas de déclassement de passagers, afin qu’ils puissent prendre leurs dispositions.
La réponse du ministre sur les dysfonctionnements, retards de vols, la cherté des billets…
Parlant d’Air Sénégal et des dysfonctionnements relevés, le ministre a répondu que notre compagnie nationale, créée en 2016 et mise en service en 2018, a connu des difficultés dues aux impacts négatifs de la Covid-19. Face à cette situation, il a été organisé un Conseil présidentiel, le 28 octobre 2022, pour discuter des possibilités de mettre en place un plan de relance destiné à assurer sa compétitivité et son équilibre financier, ainsi qu’à pallier les problèmes opérationnels.
Les résultats obtenus, à travers la mise en œuvre de ce plan de relance, ont permis de passer d’un déficit de 7 000 000 000 F CFA à 3 000 000 000 F CFA, en plus des avancées notées par rapport aux difficultés relatives aux retards et reports de vols.
Antoine Mbengue a également rappelé les nombreux efforts consentis dans le cadre de la gestion des bagages avec, notamment, la mise en place d’un dispositif de surveillance qui a été d’un grand apport dans la diminution des pertes de bagages. À ce niveau, il a fait part de l’opportunité de mettre en place un service de réclamations.
Ensuite, il a tenu à expliquer que les lenteurs notées au niveau des tapis de bagages sont en bonne partie liées à l’inefficacité des services délivrés par les sociétés de l’assistance au sol. Le ministre a ainsi rassuré que les mesures nécessaires sont en train d’être prises par les services concernés de son département, afin de pallier, au plus vite, ces insuffisances, d’autant plus qu’il y va de l’image du Sénégal et de la survie de notre compagnie.
Poursuivant dans le même sens, il a révélé qu’à travers la rencontre organisée avec les autorités de la compagnie pour discuter du plan de relance, il est apparu que ‘’son application est en train de porter ses fruits, malgré quelques poches de résistance’’.
Sur ce point, a-t-il informé, des instructions ont été données pour que les lignes qui occasionnent le déficit de la compagnie soient suspendues ou supprimées, pour ne pas impacter l’atteinte de l’équilibre financier qui était prévu en décembre 2023, mais qu’il espère atteindre en 2024.
Revenant sur la question des déclassements de passagers, Antoine Mbengue a fait savoir qu’ils sont dus à des pannes d’avions qui conduisent à des affrètements d’urgence.
Ainsi, l’avion affrété peut ne pas disposer du nombre de places sollicitées en classe Business, ce qui impacte le service de la Compagnie. À cet effet, le ministre a exprimé ses regrets par rapport à ces manquements et s’engage à y remédier avec le concours de ses services.
Par rapport à la cherté des billets, il a fait remarquer que beaucoup de facteurs entrent dans leur définition, notamment, les contingences économiques mondiales qui ne permettent pas toujours de faire des propositions de billets qui répondent aux attentes des voyageurs.
Néanmoins, il souligne que, dans l’étude des tarifications, ‘’beaucoup d’efforts seront faits pour voir s’il y a des marges pour que ces billets soient revus à la baisse’’.
BABACAR SY SEYE