«Finalement, on ne sait pas ce que Wade a fait, il s'est tout permis»
Pour le politologue et professeur à l'université de Rennes, la page Wade est tournée. Mais il cherche à impressionner le nouveau pouvoir afin de le dissuader de poursuivre des responsables de l'ancien régime.
Les «100 jours» du régime de Macky Sall approchant, quel bilan en-tirez-vous ?
La notion des 100 jours est très floue et les contours sont très mal déterminés. Ça me semble un peu trop prématuré. Ceci dit, il y a des actions positives qui ont été incontestablement menées. Il y a une volonté clairement affirmée de ne pas poursuivre les turpitudes de l’ancien pouvoir.
Est-ce que le cas pour la réactivation de la Cour contre l’enrichissement illicite ?
On peut évidement l’illustrer par tout. Notamment par la réactivation de la loi sur l’enrichissement illicite. On peut l’illustrer par l’état des lieux qui sont nécessairement dressés. Pas la chasse aux sorcières. Je n’aime pas cette expression : elle n’est pas propre à la culture sénégalaise. Ceci étant, il y a une gabegie vécue pendant 12 ans. Finalement, on ne sait pas ce qu’il (Wade) a fait, il s’est tout permis. Il avait un pouvoir totalement illimité en agissant à tort et à travers. Il faut le dire, Wade considérait le Sénégal comme sa propriété, son patrimoine.
Que pensez-vous de la posture de victime qu’il adopte ?
Cette posture de victime, c’est pour prévenir ce qui peut arriver des poursuites éventuelles. Ce genre de discours est habituel chez Abdoulaye Wade. Dans sa conquête du pouvoir vers les années 80, il menaçait, activait le levier militaire, le levier politique, tantôt le levier populaire. Ça ne marche pas ! 12 ans de travail, les Sénégalais ont tourné la page Wade. Lorsqu’il réagit de cette manière, c’est pour impressionner l’actuel pouvoir afin qu’il ne poursuive pas les enquêtes menées contre certains responsables de l’ancien régime.
Croyez-vous que Macky Sall va respecter ses engagements, notamment sur la réduction de la durée du mandat ?
On peut faire confiance à Macky Sall. Il a dit qu’il ramènerait le mandat à 5 ans. Je crois que c’est un principe qu’on brandit en France. Il faut un président normal. Ce terme convient bien et Macky Sall doit exercer une fonction normale. Cela signifie se tourner vers l’apaisement, la satisfaction d’un certain nombre de revendications qui sont quand même portées par la majorité des Sénégalais. Le pouvoir qui s’étend est inexplicable dans le contexte international. Il y a des rebuts de 7 ans, 10 ans. Il y a même certains qui sont là depuis 35 ans. Je crois que Macky Sall est suffisamment intelligent, il sait qu’il a été porté par un mouvement qui s’est levé contre un troisième mandat du président. Il aura la sagesse de s’en tenir à un 5 ans renouvelables une seule fois. Mais quand on exerce un pouvoir, on a toujours une cour derrière et qui vous pousse à rester le plus longtemps possible. Ils tentent de pousser vers des excès celui qui est à la tête de l’Etat. Je crois qu’il n' y a rien qui puisse dire que Macky Sall va renier cet engagement. Et même d’autres engagements.
PAR DAOUDA GBAYA