Publié le 14 Jun 2024 - 21:31
ALLÈGEMENT DU COÛT DE LA VIE

Les premières mesures jugées ‘’plus urgentes’’

 

Le gouvernement décide de baisser les prix de certains produits et services de consommation courante : riz, sucre, pain, numérique, ciment, etc. De même, il a annoncé des mesures d’accompagnement et de régulation.

 

Le chef de l’État a demandé, avant-hier, au gouvernement d’annoncer des solutions pour alléger le coût de la vie. Hier, le ministre, secrétaire général du gouvernement Ahmadou Al Aminou Lo, accompagné du ministre des Finances et du Budget Cheikh Diba, entre autres, s’est prêté à l’exercice. Il a annoncé les décisions du gouvernement de baisser les prix de certains produits et services de consommation courante. Il s’agit de premières mesures jugées plus urgentes dans cette volonté de réduire la cherté du coût de la vie.

Pour M. Lo, il est question de ‘’réduire les prix, mais aussi veiller à l’approvisionnement correct des marchés, à la viabilité des entreprises, mais aussi à la soutenabilité de l'effort fiscal et budgétaire’’. La baisse des prix sera effective après la réunion du Conseil national de la consommation qui aura lieu la semaine prochaine, donc après la fête de Tabaski.

En ce qui concerne le sucre cristallisé, après échanges avec les importateurs et la Compagnie sucrière sénégalaise, il a été décidé d’homologuer le prix à 600 F CFA le kg, contre 650 F CFA actuellement, soit une baisse de 50 F CFA. ‘’Ça nécessite qu’on veille à l’application de ces prix, parce qu’il nous a été signalé que, notamment par la CSS, ces prix homologués ne sont pas réellement les prix qu’appliquent les commerçants’’, prévient le ministre.

Par rapport au riz brisé non parfumé, il a été décidé de fixer une baisse de 40 F CFA sur le prix actuellement pratiqué. Ainsi, le prix de vente ne doit pas dépasser 410 F CFA. D’après Ahmadou Al Aminou Lo, ce sont des efforts sur la base de l’approvisionnement actuel du marché qui se fait sans le riz indien qui est moins cher.

Il a, en effet, informé que pour le riz indien, le gouvernement sénégalais a engagé des échanges avec New Dehli. Il y aurait des bateaux transportant plus de 80 000 t. ‘‘Des échanges avec le gouvernement indien ont abouti au fait qu’un quota substantiel nous a été fixé pour permettre d’aller importer ce riz et baisser le prix en dessous de 400 F CFA à partir du mois d'août 2024. Avec cette arrivée prévue du riz indien (grâce notamment à l’extension période de validité quota 500 000 t négocié par le Sénégal), une nouvelle baisse est attendue à partir d'août’’, a-t-il soutenu.

En ce qui concerne l'huile raffinée, le gouvernement décide d’apporter une baisse de 100 F CFA. Afin de ne pas affecter la compétitivité de nos unités industrielles, des droits appliqués sur l'huile brute en vrac seront fixés.

Prix de la baguette de pain 160 F CFA ; la tonne de ciment baisse de 2 000 F CFA

En ce qui concerne le pain, le ministre, secrétaire général du gouvernement souligne que les échanges ont été ardus et soutenus avec les boulangers et les meuniers. À l'issue des discussions, l’État décide d’opérer une baisse de 15 F sur le prix de la baguette de 190 g. Une baisse supplémentaire est envisagée grâce à la contribution des meuniers.

En attendant de poursuivre les échanges notamment avec les meuniers, le prix de la baguette passerait à 160 F CFA contre 175 F CFA actuellement, au travers des droits de douane sur le blé et la TVA sur la farine de blé. Autrement dit, l’État suspend les droits de douane sur blé et la TVA sur la farine de blé.

Pour le ciment à base d’habitation, grâce à la suppression de la parafiscalité, le prix de la tonne baisse de 2 000 F CFA.

En effet, il y avait une taxe parafiscale de 2 000 F CFA qui devait aider à constituer une enveloppe pour le logement social, d’après les explications d’Ahmadou Al Aminou Lo. ‘’En attendant que ce programme qui s'appelait 100 000 logements soit désigné, cette parafiscalité de 2 000 F CFA a été suspendue. De façon ciblée, ça ne s’appliquera qu’au ciment à usage d’habitation. Donc, les grandes entreprises devront continuer à s’acquitter de cette taxe’’, a-t-il précisé.

Au titre de l’accès facilité au logement, il informe que le foncier de Mbour 4 et celui d’autres sites octroyés à des promoteurs qui n’ont pas procédé à la mise en valeur seront réalloués à d'autres promoteurs ‘’rigoureusement’’ choisis. ''Cela permettra d’offrir un terrain à de nombreux ménages aux revenus modestes’’, a-t-il soutenu. ‘’L’effort de l’État sera de l’ordre de 53,4 milliards F CFA, sans que cela bouleverse les équilibres financiers publics’’, a-t-il affirmé, estimant que des économies seront réalisées par le biais d’un ‘’meilleur’’ ciblage des subventions (surtout dans le domaine de l’énergie), la réduction du train de vie de l’État, l’élargissement de l’assiette fiscale.

Ces points cités plus haut concernent les mesures immédiates directes.

Engrais

Le point suivant est directement orienté vers le monde rural. Il s’agit de l’engrais. Cette année, les prix ont reculé de plus de 20 %, par rapport à la précédente campagne. En parallèle, le volume d'engrais minéral a crû de 35 % par rapport à l'année précédente. ‘’Grâce à la transparence dans la sélection de fournisseurs et les process, en collaboration avec organisations paysannes et les Industries chimiques du Sénégal (ICS), l'ensemble des réductions de prix a permis aux paysans de réaliser une économie totale de l’ordre de 7,506 milliards F CFA pour la présente campagne agricole’’, a renseigné Ahmadou Al Aminou Lo.

Des magasins témoins dans toutes les localités

Il y a des perspectives sur lesquelles le gouvernement compte travailler, suite aux mesures annoncées. On y relève des mesures d’accompagnement et de régulation. ‘’Nous devons revenir à une régulation et une maîtrise des prix. Ce qui se passe, c’est qu’il y a parfois de la spéculation. Le gouvernement a décidé, comme mesures d’accompagnement, de mettre la régulation et la maîtrise des prix au centre de tout par le renforcement des contrôles économiques. Ainsi, nous faisons un appel aux citoyens pour qu’ils soient des acteurs de la surveillance du respect des prix homologués’’, a expliqué le ministre, secrétaire général du gouvernement.

 Pour assurer cette régulation, le gouvernement va revenir au système des magasins témoins dans toutes les localités. ‘’Des magasins témoins vont être mis en place en impliquant les jeunes et les femmes. Ça créera des emplois et donnera une traduction de l’engagement du gouvernement de faire des volontaires civiques une arme de développement’’, a dit M. Lo.

Éliminer les intermédiaires, favoriser la production et la commercialisation des produits locaux

Au-delà de la réduction de certains produits, d’autres décisions importantes ont été prises. Désormais, pour l’approvisionnement en produits essentiels (pétrole, riz), l’État note qu’il y a des marges qui ne s'expliquent pas. ‘’Il est anormal qu’un produit pétrolier coûte moins cher au Mali et au Burkina qu’au Sénégal. L’analyse prouve qu’il y a des coûts indus. Donc, l’État va s’engager. On l’a fait pour l'engrais, ça a réussi. On le fera pour tous les produits de consommation’’.

De même, le gouvernement compte inciter les commerçants à commencer à investir dans la production ou dans la commercialisation des produits locaux. D’ailleurs, la délivrance des déclarations d’importation de produits alimentaires sera conditionnée à une implication dans la production ou la commercialisation de produits cultivés localement.

En outre, puisque l’électricité et le gasoil coûtent cher, l’État a décidé de centraliser tout ce qui est commande publique. ‘’Nous sommes engagés sur un chantier important de réduction du train de vie de l’État. Et tout gain tiré de la réduction va être réinvesti sur le filet social’’.

De plus, désormais, les mesures de subvention seront ciblées. ‘’Aujourd'hui, par exemple, le pétrole, l’essence, le gasoil sont subventionnés. Je ne trouve pas normal que les ministres, les diplomates, les directeurs généraux, la Sonatel, etc., bénéficient de ces subventions’’, a expliqué Ahmadou Al Aminou Lo.

 

CHEIKH CISSÉ, PRÉSIDENT DE L’UNACOIS YESSAL

‘’Ces prix homologués ne sont pas difficiles à appliquer’’

“Nous saluons la démarche du gouvernement, car dès leur arrivée à la tête de l'État, ils ont fait appel à nous, en affirmant vouloir concrétiser leurs promesses. Il y a un mois, ils ont organisé une rencontre à laquelle toutes les organisations faîtières de la société civile ont participé. Ils ont tenu de nombreuses réunions sous la direction du ministre du Commerce. Par conséquent, nous ne pouvons pas refuser d'accepter la décision de baisser les prix, car nous avons été consultés tout au long du processus.

J'adresse un appel aux commerçants en leur demandant d'appliquer les prix homologués sans aucun problème. Pour la Tabaski, ils se sont déjà approvisionnés, ce qui était ma seule crainte. J'ai interrogé le ministre à ce sujet et il m'a assuré que la décision ne serait mise en œuvre qu'après la réunion du Conseil national de la consommation. Ainsi, nous n'avons plus de problème à ce sujet.

Un suivi sera assuré, car ces prix homologués ne sont pas difficiles à appliquer. Les commerçants peuvent même les proposer à des prix inférieurs. Certains le font déjà, car le commerce est libre. La loi du marché veut que lorsque le produit est disponible en quantité suffisante, son prix devienne très abordable. Actuellement, aucun produit ne manque. Je suis convaincu que la décision sera appliquée à la lettre et les commerçants ne la ressentiront même pas. Cette réduction des prix n'aura pas d'incidence sur leurs stocks.”

 

CHEIKH DIBA (MINISTRE DES FINANCES ET DU BUDGET)

‘’Nos finances publiques sont assez stressées’’

"Le volume de subvention dans le budget constitue une problématique. Les subventions pour la finance publique sont ce que le cancer représente pour le corps humain. Et si on y prend garde, c’est un mal qui va finir par déstructurer tout le corps de nos finances publiques et rendre l’action de l’État inefficace. Il convient de régler définitivement cette question. En 2022-2023, rien que sur le coût de la vie chère, l’État a englouti 338 milliards, sans compter les subventions sur les produits énergétiques qui ont frôlé les 600 milliards. Voyez ce que cela représente au détriment de véritables activités de développement que le budget doit assurer. C’est intenable. Et cela a stressé à plus d’un titre. Quand nous disons que nous faisons référence à cette situation, aujourd'hui, il convient de la diagnostiquer. C’est ce que nous avons fait. Et en même temps que nous recherchons des améliorations sur le coût de la vie, il faut que nous puissions aussi adresser un début de réponse à cette situation qui est vraiment dramatique.’’

Une enveloppe de 53,4 milliards F CFA pour faire face à la cherté de la vie

"L'enveloppe qui est dégagée pour faire face à ces mesures s’élève à 53,4 milliards, qui se traduisent en termes de renonciation de recettes douanières. Cinquante-trois milliards contre les 142 milliards de l’année 2023, il y a un effort assez important qui a été fait. Mais la solution se trouve dans la technique fiscale. Il faut procéder à une redistribution de notre fiscalité indirecte de façon à pouvoir faire un meilleur ciblage sur les produits qui impactent réellement…’’

BABACAR SY SEYE

Section: