“Le jour où j’ai proposé Macky Sall à Benno…”
Abdou Diouf, Me Abdoulaye Wade, l’affaire Karim Wade, les dernières manœuvres avant l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême, lorsqu’un dinosaure de la politique comme Amath Dansokho évoque les sujets brûlants de l’heure, les tiroirs s’ouvrent presqu’automatiquement et les confidences ne manquent pas. Dans un mouvement de flux et reflux de souvenirs encore frais, le Président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), ministre d’Etat, Amath Dansokho évoque Benno Bokk Yaakaar (BBY), rappelle les conditions de sa naissance et parle d’un renouveau de la coalition présidentielle. L’affaire Karim Wade, la crise à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar ainsi que le bilan à mi-parcours du régime sont également abordés dans cette interview réalisée avant-hier à son domicile de Mermoz qui fut le siège de Benno Siggil Sénégal (BSS).
Vous ne nous aviez pas habitué au silence. Or depuis quelques mois, Amath Dansokho est de moins en moins loquace. Qu’est ce qui explique ce silence là ?
Il y a un temps pour parler et un temps pour agir. Quand on accepte d’assumer des responsabilités, il faut se rendre disponible. J’ai été plus de trois fois dans des gouvernements. Ce qu’on me confie, j’essaie toujours de le faire avec la plus grande rigueur. Ceux qui me connaissent le savent. Mon téléphone est ouvert 24 heures sur 24.
Je reste à l’écoute des populations pour savoir ce qu’elles pensent. Et je rappelle toujours lorsqu’on ne parvient pas à me joindre. Je pense qu’on ne peut pas s’enfermer dans un bureau et faire les choses sur télécommande. En politique, la chaleur des relations, le contact, le fait de se rendre disponible même si c’est souvent difficile fait partie des qualités requises. C’est cela qui vous permet de saisir le vrai pouls du pays.
Mais vous n’avez plus 30 ans…
Oui, j’en suis très conscient. Il y a ce poids-là. Jusqu’à présent, j’ai des difficultés avec mes jambes. Je suis handicapé sous ce rapport. J’ai été traité à Paris durant presque huit (8) mois avec d’ailleurs une attaque nosocomiale qui a failli m’emporter. C’est un miracle que je puisse encore vous parler comme cela. Il y a des témoins, qui sont passés me voir à l’hôpital. Mon silence est aussi lié à cela. J’en ai profité pour avaler des ouvrages énormes sur la marche du monde (...).
Avant de parler du monde, dites-nous d’abord quel regard jetez-vous sur le Sénégal, la marche du pays depuis la chute de Wade ?
Je crois que malgré tout ce qui s’est passé, malgré les difficultés et peut-être aussi les erreurs qui ont été faites, l’alternance sous le leadership du Président Macky Sall me semble tout à fait justifiée. Nous avons eu de la chance que Macky Sall était là et que tous, malgré des divergences de fond, nous avons pu nous donner la main pour mettre un terme à une gouvernance qui était devenue folle sous bien des rapports. Je dis bien ‘’folle’’ à bien des égards ; Abdoulaye Wade avait pris un chemin qui était aux antipodes du programme de la Coalition alternative 2000.
La CA2000 était un programme de démantèlement du parti-Etat. Il a été écrit sous cet angle. Il s’agissait de libérer le Sénégal d’une gestion de plus en plus calamiteuse pour le pays, libérer l’énergie du secteur privé. On avait même proposé une amnistie du fait de certaines contraintes dans lesquelles sont enfermées les affaires. Libérer le pays de cette pratique qui installait les non-méritants au sommet. Malgré le fait que la Constitution donnait à tout le monde la liberté de choix, il fallait être dans les partis pour accéder aux postes de responsabilité.
Il s’agissait de la sorte de promouvoir la pluralité des opinions et que toutes les compétences soient utilisées. Dès juin 1995, J’avais fait une interview dans Sud Quotidien pour dire que je ne comprenais pas pourquoi le Président Diouf insistait dans cette tendance à donner des responsabilités aux seuls membres de son parti. L’exemple le plus patent c’était Landing Savané qui était une autorité dans le service statistique sénégalais mais qui était discriminé, parce qu’opposant…
Beaucoup d’eau a entre temps coulé sous les ponts depuis…
(les yeux grandement ouverts). Oui, mais c’est important de rappeler. C’est le passé qui éclaire le présent. Il faut savoir que c’est Abdoulaye Wade qui avait fait la préface du programme de CA 2000 et qui ensuite a tout jeté à la poubelle. Tout ce qu’on avait rédigé. Il a renforcé le caractère partisan de l’Etat, d’exclusion de sénégalais qui ne sont pas de son camp. Et il est allé très loin pour que son projet politique en Afrique c’est le despotisme éclairé ou le césarisme démocratique.
Il a exécuté cette ligne de conduite proclamée dans le Figaro. Le plus grave, il a dit que son parti restera au pouvoir 50 ans. Il a dit qu’il était très fier d’avoir mis en place une oligarchie de milliardaires. C’est lui-même qui l’a dit. Du jour au lendemain, il a mis toutes les ressources publiques au service de cet impératif de construction de cette oligarchie qui devait durer 50 ans.
C’est un bilan bien noir. Mais l’actuel pouvoir…
(Il coupe). Mais attention, je ne dis pas qu’Abdoulaye Wade n’a rien fait. Ce n’est pas vrai. Personne ne m’a jamais entendu dire qu’Abdoulaye Wade n’a rien fait. J’ai dit qu’il a fait des choses palpables et historiquement importantes. Je ne suis pas de l’avis de ceux qui disaient pourquoi cette Corniche. Dakar est une grande ville, moderne, dans un monde qui bouge. Ce que je conteste, ce sont les sommes avancées. C’est la surfacturation. Un jour en Conseil des ministres, il est venu pour annoncer que la Corniche qu’il compte construire va passer dans le cimetière de Soumbédioune. Je lui ai dit, ‘’monsieur le Président, si vous faites cela, vous allez avoir des problèmes avec les dakarois’’. Finalement il a mis un tunnel là-bas qui est tout le temps en réparation et qui a coûté une fortune.
C’est de la surfacturation… D’un autre côté, l’autoroute est très utile même si le coût est élevé. Même en Europe, ça déborde souvent La corruption existe partout peut-être même plus graves dans les pays occidentaux qui nous emmerdent tout le temps. Mais l’histoire retiendra aussi que c’est Abdoulaye Wade qui a fait l’autoroute à péage. Lorsque vous allez à l’aéroport de Ndiass, c’est indéniable que c’est gigantesque. Seulement on nous avait annoncé 400 milliards de francs Cfa, maintenant nous sommes à 800 milliards Cfa. On n’arrive pas à l’achever. J’ai visité l’aéroport, parce que moi je ne critique jamais sans voir. Et donc, pour en venir au mérite de Macky Sall, sous ce rapport, il travaille d’arrache-pied. Moi, je le sais. C’est énorme ce qu’il fait. Les gens vont être très surpris lorsque les chantiers sortiront de terre.
Vous allez sans doute dire que c’est encore prématuré, mais on ne voit pas les chantiers sortir de terre et c’était peut-être cela la force de Wade ?
Mais pourquoi on dit que du temps de Wade, l’argent circulait ? Wade a trouvé combien de milliards dans les caisses de l’Etat ? Près de 400 milliards, qu’Abdou Diouf lui a laissés ici. Son premier séjour à Paris, il a été accueilli en héros. Il a dit : je ne viens pas chercher de l’argent à Paris. Je ne vous demande pas de l’argent, il y en a plein au Sénégal. C’était bien sûr une exagération et d’ailleurs ses savoirs en finance et économie sont douteux, parce que les 400 milliards, il les a trouvés ici, alors que Macky Sall lui n’a rien trouvé, car ils avaient tout pris.
Ce que le Pds a contesté
Mais comment ? Personne ne pourra changer les faits. Ce n’est sans doute pas en essayant de manipuler comme tentent le faire certains qu’on va tourner la tête des sénégalais. Abdou Diouf a laissé des fonds, Abdoulaye Wade lui, a dit qu’on sera incapable de gérer la situation, car il sait ce qu’il a fait. Et quand il partait, il nous a dit que les salaires ne seront pas payés. Il nous a suppliés de lui laisser quelques années pour mettre de l’ordre dans tout ça. Parce que lui-même il disait qu’on sera incapable de gérer ce méli-mélo. Il savait ce qu’il a fait.
Et parlant d’avancée, notre législation sur les questions de corruption a avancé dans tous les sens. Je ne dis pas que ça règle les problèmes, car si c’était cela, il n’y aurait pas de vol, ni aux Etats-Unis, ni en Europe encore moins en Chine. C’est la nature humaine, les appétits, la cupidité, la volonté d’accaparement etc. Nous avons négocié de grands accords avec les Etats-Unis, la Chine etc. Il suffit de se documenter pour savoir.
De grands accords ? Bientôt trois ans, on ne voit pas encore de chantiers, à part Diamniadio…
Mais les accords ont eu lieu quand ? Il faut du temps pour réaliser concrètement les choses. Maintenant, il faut que j’en revienne à la CREI. Je dis que les gens ont également peur. Nous avons des gens qui ont gagné des ressources énormes, sur la base d’activités qui sont licites, en tout cas dont personne n’a encore décelé la provenance mafieuse, qu’ils ont reçu selon les règles de droit existant en société libérale et capitaliste. Tous ces gens ont peur.
Ils ont peur, parce qu’on dit que si quelqu’un est accusé, c’est à lui de faire la preuve de son innocence. Et non l’accusateur qui doit donner la preuve de ses affirmations. Et tous ont planqué leur argent. Certains qui, l’année dernière, avaient envoyé 20 pèlerins à La Mecque, cette année, ont eu peur d’envoyer plus de 3 ou 4 personnes. Il y en a ici. Parce qu’ils disent qu’ils ne sont pas rassurés, n’importe qui peut les envoyer en prison. Et la Banque mondiale, depuis 1980, dans le grand rapport sur la crise en Afrique, a dit quelque part que les investisseurs privés n’interviennent dans un pays que si le secteur privé national est dans des rapports de confiance avec l’Etat. Ils ne viendront jamais, parce qu’eux aussi ont peur. C’est là que je dis que cette loi est une loi quelque part perverse et qu’il faut en sortir le plus rapidement possible.
Je suis pour des sanctions très dures contre ceux qui s’accaparent des ressources publiques, mais nous sommes dans l’économie mondiale. Je souhaite qu’elle disparaisse, telle qu’elle est, un jour, mais je ne me fais aucune illusion et je ne pense pas que c’est de mon vivant que ça se passera. Nous devons pouvoir travailler normalement. Il faut que les conditions d’une activité puissante du secteur privé national et étranger. Ce n’est pas une adhésion au capitalisme, je ne ferais jamais de reniement. Mais ça c’est ma responsabilité de penser à la société toute entière. L’intérêt de la société prime, sinon nous resterons là ou nous rentrerons dans des tragédies aux conséquences incalculables.
A l’épreuve de l’exercice du pouvoir, beaucoup de choses semblent changer dans votre perception ? L’opposition, c’est visiblement différent.
C’est clair que beaucoup de choses ont changé dans ma perception car seuls les imbéciles ne changent pas. Je connais mieux le monde. Je réalise que la crise n’est pas seulement nationale, c’est une crise mondiale. Voyez ce qui se passe en France. Ils sont plus riches que nous, mais voyez les turpitudes de Hollande sont extrêmement graves. Aux Etats-Unis aussi. Il n’y a qu’un pays qui s’en sort, au fond, c’est la Chine. Et même là-bas, écoutez bien ce qui s’y passe. Il faut juger les choses de façon lucide. Quand ils disent maintenant que Macky Sall n’a rien fait, ils savent que c’est totalement faux.
Des fondements solides d’un Etat plus vertueux sont en train d’être posés et cela va résister aux manipulations. Ils ont de l’argent, suffisamment de sous pour retourner les gens qui sont faibles. Devant l’argent, devant leur volonté de tout transformer dans le sens de leurs intérêts, il y a un grand vacarme médiatique, qui va dans un seul sens, il faut bien le dire. Ce ne sont pas tous les journalistes. Beaucoup font leur travail. On se retourne du jour au lendemain, pour encenser, pour défendre l’indéfendable. Par exemple, pourquoi Karim Wade ne peut pas être jugé ? Chirac a été jugé en France, non ? Sarkozy, il a au moins 4 procès en cours et il sera jugé.
Justement ils dénoncent une justice sélective. Pourquoi seulement Karim Wade, disent-ils ?
Je leur ai dit, déjà, que ce n’est pas un argument. A propos de l’affaire Karim, c’est quoi cette logique de dire qu’on ne doit juger le voleur que quand tous les voleurs sont arrêtés. D’ailleurs, ils n’ont jamais dit qu’il n’a pas pris. C’est eux-mêmes qui reconnaissent qu’ils ont pris, mais ils disent : non, nous ne sommes pas seuls. Est-ce un argument ? Pourquoi il ne serait pas jugé ? Aux Etats Unis, on juge ceux qui font preuve d’indélicatesse, pris en flagrant délit d’indélicatesse. En Chine, les membres du Bureau politique sont exécutés, pour des cas pareils. Moi je ne suis pas pour la peine de mort, mais je dis qu’ils doivent passer devant le tribunal. Je leur avais dit, j’ai lancé des appels en leur disant : ‘’remettez l’argent et on aura tous la paix !’’. Ils ne l’ont pas fait.
Aviez-vous initié des démarches dans ce sens ?
(avec une mine désolée). Mais oui, j’en ai parlé, j’en ai parlé, sans conséquence.
Il y a une critique récurrente à propos de la CREI qui est perçue comme une juridiction quelque part liberticide ?
J’ai déjà exprimé mes doutes sur la procédure, la nature de la CREI en tant que Cour d’exception. On fait une accusation, ce n’est pas l’accusateur qui doit donner ses preuves, mais c’est l’accusé qui doit fournir les preuves montrant qu’il n’a pas volé. C’est presque de l’inquisition. Cela dit, cette loi, on l’a trouvée ici. Elle était en désuétude, on l’a réveillée. Mais je crois qu’on en finira dès que ce procès-là se terminera. Mais pour le moment, c’est la loi et c’est cette Cour, telle qu’elle est, qui doit faire le jugement. Il faut rester républicain.
Personnellement, vous connaissez bien la famille Wade, comment expliquez-vous le mutisme de Me Abdoulaye Wade depuis quelque temps, alors que son fils est jugé ?
Vous avez tous été témoins. De façon régulière, je disais à Wade que si quelque chose arrive à Karim, je porterais plainte contre lui. Je l’ai dit du fond du cœur, parce que c’est lui qui a mis son fils dans cette situation. Devant tout le monde, il a présenté son fils comme le plus grand économiste de l’Afrique, le plus grand spécialiste d’ingénierie financière, alors qu’aucune Académie ne l’a attesté. L’affection du reste normale qu’on peut porter pour son fils ne peut pas expliquer cela. Et comme le dit si bien l’adage, ‘’qui trop embrasse, mal étreint’’.
Il faut donc reconnaître que c’est Me Wade qui a créé cette situation. Et ça, tout le monde devait être d’accord pour le lui dire. Il y a eu des gens qui disaient qu’il devait rendre compte et qui se sont retournés brutalement pour dire autre chose. Cela ne m’étonne pas, nous sommes un pays de petits-bourgeois. Le petit-bourgeois, politiquement, on le sait, surtout dans des situations de crise, ça s’affole. Dans l’affolement, les gens ne savent plus où aller. Je sais, il y a les souffrances, les gens ne vivent pas bien, ils ne mangent pas bien, ils n’ont pas de bonnes écoles pour leurs enfants…
Vous savez, nous avons une société invertébrée et avec le programme d’ajustement structurel, tout a été modifié. Nous n’avons plus de classe moyenne. Nous n’avons que des individus, chacun face à son destin. C’est pourquoi aussi nos sociétés son complexes. Mais je crois que les gens doivent rester dignes. Les causes que nous devons défendre son celles qui peuvent nous pousser de l’avant. La vie est certes difficile, mais voyez un peu ce qui se passe à l’intérieur du pays. Les gens sont fatigués, mais ils ne sont pas excités, ils gardent leur lucidité, leur dignité. Personne ne rêve de déstabiliser le Sénégal.
Mais voyez ce qui se passe à l’Université. Des gens se lèvent, ils veulent faire des coalitions à la faveur d’un crise universitaire tragique, ils vont, ils viennent, ils financent quotidiennement des groupes pour déstabiliser davantage l’université parce qu’ils ont leurs hommes placés là-bas.
Mais est-ce que la preuve a été donnée que c’est eux. Ce ne sont pour le moment que des soupçons ?
Mais non, ils ont des comités là-bas. Il y a des membres de bureaux politiques de certains partis qui, quotidiennement vont et viennent, et qui paient des groupes qui n’ont rien à voir avec l’université. Ce ne sont pas les étudiants qui font l’agitation, il y a une minorité d’étudiants, mais les principaux fauteurs d’agitation n’ont rien à voir avec l’université.
Ce sont des affairistes qui sont installés là-bas, qui vivent de trafic de chambres, qui gagnent des millions par mois, qui sont là-bas depuis plus de 10 ans pour certains, qui sont des groupes de violence qui ont été financés par Abdoulaye Wade, que son système avait installés à l’université. Le Kékendo, on oublie qu’il avait été installé pour casser la gueule aux étudiants qui faisaient des revendications. Il faut avoir le courage de le dire. Et tout ça, Macky est chargé historiquement de régler ce problème.
Aujourd’hui quel est l’état de votre compagnonnage avec l’APR. Vous êtes dans le cadre d’une coalition, Benno Bokk Yaakaar, mais on a entendu beaucoup de critiques, on a parlé de déficit de dialogue. Est-ce que la situation s’est améliorée ?
J’ai été le premier à avoir défendu que Macky Sall nous rejoigne dans l’opposition, dans le Benno Siggil Senegaal. Ce n’était pas facile. Et quand j’en ai fait la proposition, des gens dans la Coalition ont dit non, que la bagarre entre Macky et Abdoulaye Wade, c’est leur cuisine interne. C’était ici, dans ce salon.
Des noms ?
Je ne peux pas donner de noms. J’ai dit : attention, si c’est pour les richesses, tous les prétendants au fauteuil présidentiel sont ici riches. Tous ont des milliards. Ce n’est donc pas les purs contre les impurs. Par contre, nous avons une obligation, sur les bases des travaux qui ont été faits par les Assises, qui ont rassemblé les forces intellectuelles les plus déterminantes de l’opposition. Notre tâche, c’était de finir cela, pour ne pas plonger notre pays dans les turpitudes. Car, si Abdoulaye Wade avait gagné, on ne serait pas dans le salon là en train de parler.
J’assure que les tous les ingrédients d’une explosion grave allaient se produire. Heureusement, avec la lucidité de tous, nous sommes allés ensemble. Bon, après la victoire, maintenant, vous avez entendu ceux que je considère comme des étourdis dire qu’on n’avait pas besoin d’aller ensemble, que Macky aurait gagné de toutes les façons sans l’alliance ; il faut dissoudre le Benno Bokk Yaakaar. Cette campagne a été soutenue par des gens qui, manifestement, leur préoccupation essentielle, c’est le partage du gâteau.
Politiquement et sur le terrain, est-ce que le Benno existe toujours ?
Le Benno existe. Le Benno a aussi été perturbé, ça il faut le dire. La façon dont ces réformes administratives ont été introduites, c’est ça qui nous a désaxés. Et puis la polémique contre Mbow (Amadou Makhtar Mbow) ; je trouve inadmissible ce qu’on a fait à Mbow. Le Président commande un rapport (…) qui ont beaucoup d’autorité, qui aiment ce pays, qui ne se sont pas remplis les poches. Ils suggèrent des solutions pour améliorer notre système démocratique, voie dans laquelle nous nous sommes tous engagés.
Du jour au lendemain, on tombe sur Mbow comme ça. J’ai failli piquer une crise cardiaque dans mon lit. Je me demandais comment Mbow allait pouvoir supporter ça. Cet homme, je le connais depuis l’âge de 15 ans, au lycée, à Saint-Louis. Il était professeur au lycée Ameth Fall et c’est grâce à lui que j’ai pu passer le baccalauréat.
Parce qu’on m’a arrêté et je devais être exclu définitivement. C’est lui qui a négocié pour qu’on me permette de passer mon Bac. Je ne l’ai jamais vu rentrer dans des combines et il nous a tous rassemblés, pour une réflexion collective. Mais ces gens s’acharnent, après tout ce travail qu’il a fait. Je me souviens encore du jour où le Président Macky Sall est venu au siège des Assises. Il a pris l’engagement de réduire son mandat.
Il y avait déjà qui commençaient à contester, il les a calmés. C’est ça qui a été à la base de cette dispersion à laquelle on a assisté. Grâce à Dieu, peut-être à la lucidité de certains, on a pu assurer une victoire globale. Mais ils en ont profité, les autres, avec leur argent et leurs appuis occultes, ils ont réussi à gagner des forces importantes au cours de cette confrontation électorale (élections locales du 29 juin 2014), par la faute de ces gens qui vociféraient, qui ne réfléchissaient pas.
C’est quoi la suite. Vous ne nous dites pas encore l’avenir de Benno
Le Président a décidé qu’on reprenne le travail de concertation. Il l’a confirmé encore, il y a trois jours. J’espère qu’on va aller vers ça. Personne n’est l’esclave de quelqu’un ici. Je suis un homme libre, en quête de libération. Que personne ne croit que les avantages qu’on me donne, ça peut me perturber et me déporter de ma ligne de conduite. Que personne n’y pense ; j’ai vécu jusqu’à présent très bien.
Vous voyez, cela fait plus de 20 ans que je suis dans ce salon, il est exactement le même, il n’y a pas une chaise de plus, il n’y a pas un fauteuil de moins, je peux vivre comme ça. Alors, soyons sérieux, nous avons une tâche à faire qui est de remembrer notre pays, reconstruire la force du changement et d’appliquer les engagements que nous avons pris à l’égard du pays : lutter contre la corruption, rompre avec la culture de commission.
On insiste quand même. Concrètement, quel avenir pour Benno ?
L’avenir de Benno ? Le président vient de dire que nous sommes d’accord, en tout cas qu’il faut reconstruire notre cohésion. Ce sera l’objet de concertations que nous allons commencer. En tout cas, le président de la République m’a affirmé que nous allons commencer. Je vais voir Tanor (Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du Parti socialiste) ces jours-ci et je sais que d’autres dirigeants travaillent dans le même état d’esprit.
On va donc vers la consultation dans Benno.
Oui, oui. On a même le siège qui fonctionne.
PAR M. WANE & M. KANE