Un appel au respect des médias

Dans un communiqué reçu hier à ‘’EnQuête’’, Reporters sans frontières (RSF) a demandé aux autorités d’accélérer les réformes pour une meilleure stabilité et aussi de prioriser les chantiers pour améliorer l’économie des médias.
Le directeur du bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières (RSF), Sadibou Marong, a dressé un état des lieux préoccupant de la situation de la presse au Sénégal. Il rappelle qu’un an après l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence, certaines réformes positives ont été amorcées dans le secteur des médias. Parmi elles, l’enregistrement des organes de presse sur une plateforme dédiée, visant à renforcer la transparence du paysage médiatique et de l’aide publique ainsi que l’actualisation de la loi sur la publicité destinée à améliorer la régulation du secteur.
Cependant, selon lui, le défi primordial aujourd'hui est de garantir la survie économique des médias, alors que plusieurs d'entre eux font face à des difficultés croissantes telles que des suspensions de contrats publicitaires, l'accumulation d'impayés et, en résumé, la fragilisation générale du secteur. Ainsi, la question de la soutenabilité économique des médias doit être davantage prise en charge à travers de larges concertations entre les autorités et les professionnels des médias.
Il exhorte donc, le président Bassirou Diomaye Faye vu, qu’il entame sa deuxième année à la tête du pays, à continuer à mener des actions concrètes et rapides, afin d'éviter l'effondrement d'un secteur vital pour la démocratie sénégalaise.
Dans ce sens, il relève des chiffres en rapport avec les journalistes agressés ou interpellés. ¨ Alors que sous la précédente mandature, 60 journalistes avaient été arrêtés, agressés, interpellés ou détenus entre 2021 et 2024, le président Bassirou Diomaye Faye, à peine arrivé au pouvoir, s’est engagé à promouvoir une presse libre et pluraliste¨, dit RSF. Grande déception ! Les réformes engagées au cours de sa première année n’ont pas échappé aux critiques. Plusieurs acteurs du secteur déplorent, en effet, un manque de concertation dans leur élaboration. Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) a dénoncé ce qu’il considère comme ¨une tentative de museler la presse¨, organisant en réaction une ¨ journée sans presse¨ le 13 août 2024, une mobilisation largement suivie par la quasi-totalité des journaux et radios du pays, rappelle Reporters sans frontières.
Les recommandations de RSF
Dans ce contexte où les défis demeurent nombreux, notamment sur le plan économique, Reporters sans frontières (RSF) dresse un état des lieux préoccupant sur la soutenabilité du secteur médiatique et appelle à la mise en œuvre de mesures concrètes pour garantir l’indépendance financière des médias, renforcer la protection des journalistes et encourager la diversité des voix dans l’espace public. Il recommande la nécessité d’un dialogue autour des charges fiscales. ¨Le 9 juin 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko déclarait que les impayés d'impôts des entreprises de presse pourraient être assimilés aux détournements de fonds. Depuis, l'effacement de la dette fiscale des entreprises de presse, décidée peu avant par l'ancien président Macky Sall, a été annulé et plusieurs médias ont fait l'objet de redressements fiscaux, tandis que d'autres ont vu leurs comptes bancaires gelés¨, rappelle RSF. Une situation qui s'est aggravée au cours de l'été 2024.
Il cite également l’affaire des quotidiens ‘’Stades’’ et ‘’Sunu Lamb’’ qui ont suspendu leur parution après plus de vingt ans d'existence, invoquant des difficultés économiques insurmontables.
De ce fait, il recommande une réforme pour une meilleure gouvernance des aides publiques.
Ainsi, l’organisation suggère que les aides à la presse se fassent via l'accompagnement des médias vers plus de professionnalisation, en ¨soutenant les travaux de la commission d'examen des médias, en concertation avec des acteurs comme le Conseil pour le respect de l'éthique et la Commission de la carte de presse, revalorisant, comme annoncé, le budget des aides publiques à la presse ; mettre en place une nouvelle autorité de régulation, comme annoncé, qui inclut un représentant des patrons de presse et en promouvant notamment la certification Journalism Trust Initiative (JTI), avec des incitations fiscales pour les médias et leurs partenaires¨.
Pour la suspension de contrats publicitaires, RSF informe que selon le directeur de la Communication au sein du ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Habibou Dia, ¨l'objectif est de permettre d'identifier les entreprises de presse conformes au Code de la presse devant en bénéficier face au phénomène de dépenses non maîtrisées de l'administration, dans le cadre de ces conventions avec des montants importants engagés en l'absence de livrables, de cadre de gouvernance et en violation des dispositions qui régissent les procédures de contractualisation des établissements publics et des démembrements de l’État¨.
Par ailleurs, la RSF recommande l’adoption d’un nouveau Code de la publicité adapté aux réalités actuelles. Avec des enjeux sécuritaires. Car la première année de mandat de Bassirou Diomaye Faye a été marquée par des enjeux sécuritaires pour les journalistes. ¨Si les violences ont reculé, plusieurs convocations ont soulevé des inquiétudes quant au respect de la liberté de la presse. Le 11 février 2025, Pape Sané, journaliste et chroniqueur à Walf TV, a été longuement auditionné par la Brigade des affaires générales (Bag), qui aurait tenté d'identifier ses sources. En octobre 2024, Cheikh Yérim Seck, journaliste et analyste politique, a quant à lui été placé en garde à vue, après avoir mis en doute, lors d'une émission sur 7TV, des chiffres présentés par le Premier ministre, peut-il confirmer. Poursuivant, il rappelle qu’en mai 2024, les directeurs de publication des journaux ‘’La Tribune’’ et ‘’Le Quotidien’’ ont également été convoqués puis relâchés, à la suite d'articles sur l'affectation d'un officier supérieur de l’armée. Il ajoute que ¨plus récemment, en fin mars 2025, une tentative d'attaque contre les locaux de la chaîne privée TFM a été déjouée grâce à la vigilance des agents de sécurité. Quelques jours plus tôt, un ministre et des cadres du parti présidentiel avaient appelé au boycott de cette chaîne après les propos jugés ¨inélégants¨ d'un chroniqueur envers un député et le Premier ministre.
Plus inquiétant est le fait que de nouvelles menaces, jusque-là inédites dans le paysage médiatique sénégalais, ont émergé : ¨Une série d'attaques informatiques a eu lieu en février et mars 2025. Les sites d'information Seneweb et Dakaractu, puis la chaîne YouTube de PressAfrik Group, ont été visés, incitant les autorités à déclencher une alerte de sécurité, le 28 mars, appelant à renforcer les dispositifs de protection des plateformes numériques.¨
Thécia P. NYOMBA EKOMIE