L’aveu d’impuissance des tradipraticiens
A la bonne heure ! La médecine traditionnelle avoue son incapacité à soigner le sida ! Cet aveu a été fait lors d’une « rencontre de plaidoyers », le 26 juin dernier, à Thiès, et dont le journal dakarois Le Populaire s’est fait l’écho. Venus des quatorze régions du Sénégal, en partenariat avec l’Alliance nationale contre le sida (Ancs), ces guérisseurs encouragent leurs patients à se rapprocher aussi des services de la médecine moderne ! « Il y a beaucoup de duperie chez nous les tradipraticiens. Nous annonçons pouvoir guérir toutes les maladies, et même le sida. Ce qui est faux. Nous n’avons aucun médicament qui peut guérir le sida », rapporte Le Populaire citant ces tradipraticiens présents aux assises de Thiès.
Cela a désormais le mérite d’être clair et honnête, humble surtout. Depuis quelques années, se développe un discours d’autoglorification de la médecine traditionnelle qui en est même venue à contester la crédibilité de la médecine moderne, celle enseignée dans les facultés et instituts universitaires. Et c’est à peine si cette dernière n’est pas contestée dans sa légitimité, dans ses compétences. Malgré tout, certains tradipraticiens n’hésitent pas à user des outils de la médecine moderne qu’ils contestent pourtant : sphygmotensiomètre, tensiomètre, glucomètre sont visibles chez des tradithérapeutes et y sont en usage…
Mais, posons-nous la question de savoir si un tradipraticien peut diagnostiquer un accident vasculaire cérébral (Avc), un coma diabétique, entre autres, et dissoudre un caillot de sang qui a plongé un malade dans le coma et tant d’autres pratiques salvatrices ?
Les médicaments modernes sont toxiques et peu efficaces, serinent-elles pour mieux valoriser leurs décoctions et autres mixtures qui, quoiqu’ayant, pour certaines, des vertus thérapeutiques, n’en comportent pas moins des aléas.
Et, d’un autre côté, on emprunte à la médecine moderne ses titres à un point tel que des guérisseurs envahissent les radios pour faire leur propre publicité et se faisant appeler qui « professeur » qui « docteur ». Sur une radio de la lointaine banlieue de Dakar, la grille des programmes s’ouvre largement, complaisante et certainement en raison de la tranche commerciale ainsi payée par l’annonceur, à un tradipraticien qui fait témoigner des malades dont le discours, souvent, se réduit à calomnier leurs précédents soignants pour mieux vanter les exploits de leur nouveau guérisseur. Où est l’éthique médicale dans tout ça ?
Il faut que la médecine traditionnelle soit honnête et humble dans ses pratiques et ses réalisations. Elle est complémentaire de la médecine moderne et non son adversaire. C’est indéniable. Néanmoins, la politique de santé d’un pays ne peut pas être déléguée à des guérisseurs traditionnels jaloux de leurs savoirs, pas du tout disposés à l’enseigner comme le fait un professeur de la faculté de médecine de Dakar et pratiquant dans un hôpital universitaire.
Il est tant qu’on mette de l’ordre dans une tendance qui se généralise. Avec la complicité d’individus issus de la médecine moderne et qui flattent jusqu’à l’exagération la médecine traditionnelle. Nul ne conteste la légitimité et les exploits de la pharmacopée, mais cette dernière doit aussi rester dans son propre champ et ne pas s’escrimer à discréditer la médecine moderne. Les pouvoirs publics ne devraient pas tolérer cela.
Nous n’avons rien contre la pharmacopée, mais il ne faut pas que ses acteurs en viennent à s’attaquer à la médecine moderne qui a - quand même – de mérites qu’autant de fois qu’il y a de patients y ayant recours à travers le monde et depuis des siècles qui remontent même à l’antiquité. Cette médecine moderne-là est marquée par son ouverture et sa générosité, son désintérêt. Peu sont les détenteurs de savoir médical traditionnel à être enclins à partager leurs expériences et leur savoir avec autant d’individus portés à en être les héritiers et à les perpétuer. La plupart des tradithérapeutes sont des savants trop jaloux de leur savoir pour le partager avec la même générosité que le font les professeurs de facultés de médecine. En cela, et aussi en ses résultats de tous les jours, de tous les instants, la médecine moderne mérite le respect de toute l’humanité. Et c’est le cas d’ailleurs, en dépit du discours calomniateur de ceux qui croient en être l’alternative.
Jean Meïssa DIOP