La Task Force pousse le Sénégal à respecter ses engagements
Des organisations et associations pour la défense des droits humains (Task Force) ont décidé d'amener l’État à respecter les engagements pris par rapport au protocole de Maputo. Ce, en changeant la loi sur la santé de la reproduction et du code pénal pour permettre l’accès à l'avortement médicalisé aux femmes victimes d'abus sexuel.
Pousser l’État à mettre le code pénal et la loi sur la santé de la reproduction en conformité avec le protocole de Maputo. C'est ce que veut la Task Force, ou associations et organisations pour la défense des droits humains, qui lutte pour l’accès à l’avortement médicalisé des femmes victimes d'abus sexuel. Elle a demandé à l’État, hier au cours d'un point de presse, de respecter les engagements pris par rapport au protocole de Maputo. Selon ces organisations, l'Article 14 du protocole de Maputo indique clairement que ''les États prennent toutes les mesures appropriées pour (…) protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l'avortement médicalisé en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du fœtus''. L'État du Sénégal a signé et ratifié le protocole en 2005, mais tarde à l'appliquer, déplore la Task Force.
De l'avis de Mme Fatou Kiné Camara de l’Association des femmes juristes, ''nous devons faire en sorte que les victimes de violences sexuelles puissent avoir accès à un avortement médicalisé pour éviter les risques de décès suites à des avortements clandestins et prévenir les infanticides''. A l'en croire, en refusant à ces femmes et à ces filles l’accès à l'avortement médicalisé, l’État leur inflige une forme de violence basée sur le genre, tout en violant ouvertement leurs droits qu'il s'est engagé à respecter en faisant réviser la loi sur la santé de la reproduction.
Pour sa part, la présidente de l'Association des femmes médecins du Sénégal, docteur Amina Ndao estime que quand la loi et la vérité sont là, il faut aller au fond. ''Nous sommes prêts à nous battre pour sauver la vie de ces personnes. Parce que les riches font l'avortement médicalisé pendant que les pauvres meurent par avortement clandestin'', a fustigé docteur Ndao.
8 à 13% des décès maternels causés par l'avortement clandestin
Par ailleurs, la présidente du Comité de lutte contre les violences faites aux femmes, Penda Seck, a fait savoir qu'''au Sénégal, l'avortement pratiqué dans de mauvaises conditions d’hygiène et de sécurité est la cause de 8 à 13% des décès maternels. Il constitue avec l'infanticide 38% des causes de détention des femmes''.
Selon Mme Seck, la loi relative à la santé de la reproduction a interdit l’interruption volontaire de grossesse sauf lorsqu'elle est autorisée par la loi. A cela s'ajoute le fait que la loi pénale considère l'avortement comme une infraction grave. Et le code de déontologie des médecins ne l'autorise que lorsque la vie de la mère est gravement menacée et qu'elle ne pourra être sauvée que par cette intervention. ''A cause de cette interdiction et n'ayant pas d'autre solution, les femmes et les adolescentes porteuses de grossesse non désirée se tournent vers l'avortement clandestin. L'avortement médicalisé mettra fin à cet avortement clandestin'', a-t-elle soutenu.
Une discrimination injuste
Pour le médecin chirurgien Seynabou Diakhaté, seule la population démunie se retrouve en prison pour avortement clandestin ou infanticide. ''Lorsqu’elles n'ont pas pu se procurer à temps cet avortement, elles cachent tant bien que mal cette grossesse pour s'en débarrasser à l'accouchement, commettant alors un crime, celui de l'infanticide puni par le code sénégalais en son article 285. Pendant ce temps, ceux qui ont les moyens font tranquillement leur avortement médicalisé. Donc, c'est une grande discrimination que nous n'accepterons pas'', a pesté docteur Seynabou Diakhaté.
Selon les statistiques de la direction de l'administration pénitentiaire, rien que le 1er semestre en 2013, il y a eu 4 cas d'infanticide et d'avortement. Ce qui fait dire à docteur Diakhaté qu'ils vont lutter contre ce fléau pour sauver des vies et des ressources. ''Aucune femme ne doit mourir au Sénégal pour non accès à l'avortement médicalisé et que plus un seul enfant ne meurt étouffé à la naissance et jeté dans le caniveau ou rejeté par sa mère et son père privé d'affection'', a-t-elle martelé.
La Task Force a dans son combat lancé une pétition en faveur de l'avortement médicalisé. Mais dans un communiqué du Service diocésain de l'information et de la communication de l'archidiocésaine de Dakar (Sedicom), publié il y a quelques jours, l’église catholique est restée catégorique ; elle s'est toujours opposée à l'avortement proposé par le protocole de Maputo, même en cas d'inceste et de viol, a rappelé avec force le père Armeil Duteil.
Viviane DIATTA