Une loi aux mille problèmes
A l’échelle où se situe aujourd’hui le coût élevé de la location des logements, beaucoup de locataires n’auraient jamais souhaité voir cette loi qui n’a fait que créer des difficultés plus qu’elle en a résolues. Pour dire vrai, les bailleurs ont complètement contourné la loi donnant application de la baisse du prix des loyers. (LOI no20l4-03 du 22 janvier 2014). La réplique de ces derniers est de servir aux intéressés un papier dûment signé par un huissier et sur lequel il est mentionné une sommation de quitter les lieux dans un délai de 3 à 6 mois. Ils se sont tous réfugiés dans le motif de la réhabilitation qui n’est en réalité qu’un prétexte pour trouver d’autres demandeurs plus prompts à casquer plus. Ensuite quelques couches de peinture par ci, par là et le tour est joué. Ainsi, les prix passent du simple au double comme si c’était une revanche contre les bénéficiaires de cette loi, victimes en même temps.
Dans le contexte actuel, il est quasi impossible de trouver un appartement de 3 pièces à moins de 125 000 F, sans compter les 3 mois d’avance dont 1 pour les courtiers et qu’il faut payer obligatoirement avant d’emménager. Que de conflits et même de violences physiques quelquefois entre bailleurs et locataires tout au début de l’application de cette fameuse loi. Même si tout semble redevenir normal aujourd’hui puisqu’on entend de moins en moins des empoignades de ce genre, c’est parce que les pauvres locataires se sont résignés et ont accepté malgré eux le diktat des bailleurs.
Pourtant, les textes juridiques en matière de location sont formels : d’abord, même si l’occupant doit quitter les lieux pour cause de réhabilitation, le bâtiment ne doit pas rester plus de trois mois sans que les travaux ne débutent. Cette loi accorde également la priorité à l’ancien occupant pour reprendre le logement dès l’achèvement des travaux avant toute autre locataire. Exception est faite pour le propriétaire, sa conjointe, ses enfants, bref tous ses ayants-droit si l’un d’entre eux décide de venir occuper la maison. Tout manquement exposerait le bailleur à verser une indemnité forfaitaire au locataire évincé ou à ses ayants-droit. Cette indemnité est égale à vingt-quatre mensualités de loyer calculée au dernier taux payé par le dit locataire, sans préjudice de tous autres dommages et intérêts. (Veuillez lire le contenu de l’article 583 du nouveau code des obligations civiles et commerciales : Exercice du droit de reprise-Sanctions).
Nonobstant, même si les pauvres victimes ont la possibilité d’ester en justice, le sénégalais de pure souche n’aime pas trop les questions de tribunal et préfère toujours souffrir dans le silence. Ce qui est tout heureux pour les bailleurs véreux. La question est de savoir maintenant où se situent les responsabilités face à cette loi empoisonnée. Où sont passées les associations consuméristes qui ont le devoir d’être les sentinelles de cette loi ? Le Président Macky Sall veut bien atténuer la souffrance des sénégalais mais force est de constater que cette baisse a connu des manquements. La première erreur est que les bailleurs n’ont pas été bien préparés à cette loi, ce qui fait que l’intérêt personnel a pris le dessus sur le respect de l’institution.
La deuxième est qu’il n’y a pas eu de péréquation des prix selon chaque localité, donc certains bailleurs étaient lésés par rapport à d’autres qui avaient fixé un prix plus élevé avant l’application de la baisse. Enfin la troisième erreur est que cette loi n’a pas bénéficié d’instruments de suivi rigoureux de l’application stricte de cette loi qui demeure une véritable demande sociale compte tenu des nombreuses charges familiales des chefs de famille. Une des alternatives du moment, c’est d’encourager les investisseurs privés dans la promotion de la location vente avec, bien entendu, une politique de surveillance des prix pour éviter la boulimie de certains promoteurs.
Ngor Faye, Inspecteur de l’Education, membre de la CCR/APR