Les députés dénoncent une volonté de cacher les vrais problèmes
Hier, lors du vote du budget du ministère de la Santé, les députés se sont penchés sur la mortalité infanto-juvénile et sur la mortalité maternelle. Des questions que le rapporteur a essayé de cacher dans le rapport, selon certains députés qui dénoncent une mauvaise habitude de faire la communication du gouvernement.
Y a-t-il une volonté des rapporteurs des commissions de l’hémicycle d’occulter les questions essentielles ? Dès le début du vote du budget 2023, Guy Marius et Cheikh Bara Mbacké ont été les premiers à alerter. Rouge de colère, M. Sagna s’est indigné du fait que le rapport n'a pas évoqué le manque de traduction dans les langues nationales, alors que cette question a été longuement évoquée en commission. ‘’Qu’ils soient de l’opposition ou du côté du gouvernement, les nombreux députés qui ne parlent pas français sont largués. En commission, nous avions aussi demandé un système de traduction des signes pour les personnes en sourds-muets. Nous sommes en direct à la télé, eux aussi ils sont largués'', a-t-il dénoncé.
L’actualité sénégalaise a été marquée par la mort de 11 bébés calcinés à l’hôpital de Tivaouane et la mort de femmes qui donnaient la vie. Hier, lors du vote du budget du ministère de la Santé, ces sujets n'ont pas été bien relevés dans le rapport, alors qu'ils ont été soulevés en commission. Le rapporteur général s'est justifié en estimant ‘’qu’un rapport est différent d'un PV’’. Et qu’’’on ne peut pas tout y mettre’’.
Mais Thierno Alassane Sall a dénoncé une volonté de cacher des problèmes. ‘’En commission, nous avons beaucoup insisté sur les incidents graves à Linguère, à Tivaouane, etc.’’, a fait remarquer TAS qui demande des analyses approfondies pour savoir les causes réelles, pour que de pareils incidents ne se reproduisent. Il note qu’un travail approfondi a été fait pour que la plénière puisse avoir une appréciation du sujet, afin qu’elle aille plus vite. Ainsi, il fustige le fait que ces incidents aient été évoqués à la sauvette. ‘’Ce n'est pas normal qu'on ne consacre qu'une ligne par euphémisme ou par allusion aux incidents passés à Tivaouane et à Linguère qui constituent des événements majeurs dans notre système hospitalier. Et dans quelques années, quand les gens vont consulter les archives, comment on va juger les parlementaires qui sont censés contrôler l'action gouvernementale ? Ce n'est pas un problème de rédaction ou de manque de temps, mais une culture qu'il faut changer’’, a-t-il pesté.
Occasion pour Aliou Sall, député de la diaspora, de dénoncer les problèmes notés dans les hôpitaux et que les femmes enceintes ont notamment vécus. ‘’Bien souvent, dans les hôpitaux sénégalais, une femme donne la vie en y laissant sa vie. Et depuis l’accession de Macky Sall en 2012, les stratégies se sont multipliées''. D'après lui, les causes de ce dysfonctionnement sont bien connues : plateaux médicaux vétustes, manque drastique de ressources humaines, de médecins soignants, ''déficit d'innovation de gouvernance à tous les niveaux’’.
Le message des femmes ‘’insultées et bousculées’’ dans les hôpitaux
La députée Aïssatou Touré a porté le message des femmes ‘’insultées et bousculées’’ dans les hôpitaux, se souvenant le cas de Fatou Sokhna. ‘’Je porte les combats de toutes les femmes, parce que je me demande déjà qui est sur la prochaine liste ?’’, dit-elle. S’adressant à la ministre de la Santé, elle a demandé des sanctions. ‘’Vu que vous n’avez pas encore pris des mesures, il faut des sanctions. Les mesures devront être sincères pour qu'il y ait un suivi et de la consistance’’, a-t-elle soutenu. ‘’Il faut prendre des sanctions sévères, parce que ce n’est pas une question de moyens. Il n’est pas question qu’on humilie des personnes dans les hôpitaux’’, a insisté Aïssatou Touré.
La parlementaire relève que, dans certains pays, on effectue une sorte de sondage dans lequel on demande au patient celui qui l’a marqué le plus au niveau du personnel de l’hôpital par rapport à la gentillesse. Elle invite le gouvernement à prendre ce modèle pour éliminer la psychose chez le patient sénégalais.
Par ailleurs, les députés se sont intéressés à la dette de la CMU, son ancrage au sein du département de la Santé et aux investissements prévus dans le secteur au titre de l'année 2023. Ils ont aussi souhaité la décentralisation du Samu national à Kolda et à Sédhiou.
Diop Sy : ‘’Tivaouane remercie le président Macky Sall’’
Ainsi, les députés ont suggéré le renforcement des capacités des agents pour une meilleure prise en charge des patients. Ils ont aussi demandé davantage de spécialistes, notamment des cardiologues, néphrologues, pédiatres, ophtalmologues, entre autres, sur toute l'étendue du territoire national.
Par contre, certains députés ont estimé que la question des onze bébés calcinés, ainsi que les mortalités maternelles récentes ont été une volonté divine. Des questions sensibles qu’il ne faudrait pas évoquer, pour le ‘’bien des familles victimes’’. ‘’Tivaouane remercie le président Macky Sall. Toute ville aimerait avoir un hôpital de niveau 3. Et des chantiers sont en cours à Tivaouane’’, s'est félicité le député-maire Diop Sy. Il a, néanmoins, demandé la réfection du service prénatal qui a brûlé. ‘’Je voudrais juste vous signaler que les femmes souffrent’’, a-t-il ajouté.
Dans la même veine, le député Idrissa Baldé a dénoncé l'attitude des collègues de l’opposition ‘’qui ne parlent que pour faire le buzz’’. ‘’Ils refusent de voter les budgets, alors que dès la fin du mois, ils partent récupérer leur carburant. Ils sont des populistes’’, a-t-il lancé, avant de lister les réalisations de Macky Sall dans le domaine de la santé.
Prenant la parole, la ministre de la Santé et de l’Action sociale a apporté quelques réponses aux interpellations. Au sujet de l'accueil des patients et accompagnants au niveau des structures sanitaires, Marie Khémesse Ngom Ndiaye a souligné la nécessité d'établir un climat de confiance entre le personnel de santé et les populations. Poursuivant, elle a souligné les difficultés pour les agents de santé d'assurer des gardes pouvant durer jusqu'à 24 heures, avant d'inviter les uns et les autres à faire preuve d'empathie et de compréhension.
Sur les équipements et le plateau médical au niveau des structures sanitaires, Mme Ndiaye a insisté sur l'importance des produits certifiés pour, notamment, plus de sécurité, ainsi que la maintenance et la mise en œuvre de la politique QHSE.
En outre, la ministre de la Santé a dit être du même avis que les députés sur la nécessité de doter les îles de vedettes-ambulances, avant d'ajouter que l'évacuation par voie aérienne constitue également une alternative, même si elle a un certain coût.
BABACAR SY SEYE