Les interrogations légitimes des députés et les réponses fermes du ministre
Le budget du ministère du Tourisme et des Loisirs a été voté hier. Il s’élève à 8 692 891 127 F CFA en autorisation d’engagement. Il va prendre en charge le programme, la coordination et la gestion administrative et le développement de l’offre touristique. Durant les débats, les députés ont soulevé diverses préoccupations sur lesquelles Mame Mbaye Niang a tenté de les rassurer.
Les députés ont voté, hier, le budget du ministère du Tourisme et des Loisirs qui s’élève à 8 692 891 127 F CFA en autorisation d’engagement. Cette séance a permis de poser des questions qui tournent autour du tourisme, du Prodac, entre autres.
Ouvrant le bal, la députée Mame Diarra Fam a insisté sur une meilleure valorisation du site de Deukheulé (Darou Mousty) ou repose Lat Dior, pour en faire un site touristique. Le député Mamadou Bara Gaye s’est intéressé, lui, au projet d’Akon City. Il a rappelé qu’une superficie de 55 ha a été donnée à la star de la musique américaine depuis deux ans et rien n’a été fait sur le site. Il se demande pourquoi l’État ne résilie pas le contrat avec lui. Par ailleurs maire de la commune de Yeumbeul Sud, le député Bara Gaye s’est aussi interrogé sur les mécanismes que l’État compte mettre en œuvre pour réussir le pari d’avoir trois millions de touristes par an.
Une question pertinente, suivant la remarque de Sanou Dione. Il a souligné que le Sénégal fait partie des pays qui vendent les billets d’avion les plus chers au monde. ‘’Les Boeing A320 ne viennent plus au Sénégal à cause du tarmac de l’aéroport. Vous ne pouvez pas avoir trois millions de touristes, car les billets d’avion et les hôtels sont chers. À cela s’ajoutent les embouteillages, car les touristes aiment traverser des villages et faire leurs achats. Il a aussi demandé au ministre de donner le vrai montant de l’hôtel Riu de Baobab. ‘’Édifiez-nous par rapport aux chiffres, les soucis d’argent, vous en avez connu. Nous ne voulons pas entrer dans la guerre des chiffres. Là où vous étiez, il y en avait’’, a ironisé l’ancien agent de la compagnie Air France.
Beaucoup plus pessimiste, le député Abass Fall reste convaincu que le chiffre de trois millions ne sera pas atteint, à cause d’une instabilité politique qui se profile à l’horizon. ‘’Vous êtes accusé de détournement de 29 milliards et c’est vous qui êtes là devant nous à cause du simple vouloir du président de la République. Un ministre qui est là et qui est à l’origine de l’instabilité de ce pays avec ses déclarations pour un troisième mandat. Nous en sommes à 1,7 million de touristes, alors que nous voulons atteindre les trois millions. Nous n’aurons rien de tout cela à cause de l’instabilité politique qui nous attend. Personne ne va venir dans ce pays avec ce qui nous attend entre 2023 et 2024. C’est un rapport qui vous a épinglé’’, a soutenu M. Fall.
Moussa Diakhaté va bien plus loin. ‘’Nous n’allons pas voter le budget pour que vous en fassiez ce que vous avez fait au Prodac. On vous a nommé ministre parce que vous défendez le troisième mandat. Ce qui est sûr est que vous allez nous trouver sur votre chemin. Nous n’allons pas nous laisser faire’’, a menacé le député Moussa Diakhaté.
L’ambition de l’État d’avoir trois millions de touristes laisse beaucoup de parlementaires perplexes. Chacun y va de son argument. Le député Alioune Sall trouve déjà qu’un budget de 7,9 milliards pour le développement de l’offre touristique avec tout ce qu’il peut emporter en termes de gain est un manque d’ambition de la part du ministère. ‘’Le souhait d’avoir 10 millions de touristes d’ici 2030 est un rêve fantaisiste. Il y a 25 000 touristes et 3 000 familles impactés pour deux hôtels, à savoir Club Aldiana et Domaine de Nianing qui sont fermés depuis des années. Qu’avez-vous fait pour eux ?’’, s’est interrogé M. Sall.
Ces hôtels sont fermés, mais d’autres restent ouverts et ont des problèmes. Dans ce cadre, Thierno Alassane Sall a évoqué le cas du King Fahd Palace (KFP) qui ne respecte plus les normes de santé, de salubrité, d’environnement, sans oublier les autres difficultés qui secouent cet établissement hôtelier. Beaucoup, poursuit-il, ont quitté, selon lui, cet hôtel à cause de cette situation. Ce que ne veut pas entendre son collègue de l’APR Farba Ngom qui a pris la part du directeur général du King Fahd Palace, Racine Sy.
Mais Guy Marius Sagna n’est pas de cet avis, naturellement. Il se demande d’ailleurs si les hôtels comme KFP, le Café de Rome, le Novotel, le Radisson Blu appartiennent au Sénégal. Ils se demandent pourquoi les travailleurs de ce secteur travaillent pendant 48 heures et on leur paye 40 heures par semaine depuis 1956. ‘’Cela a trop duré. Il est temps qu’on applique la convention à ces agents-là. Saviez-vous que les agents du King Fahd partent dans les gargotes pour manger ? On ne leur donne même pas à manger. Qu’on arrête cela, d’autant plus qu’il a été subventionné. Cet hôtel est le pire de tous. Ce qui s’y passe est inadmissible. Aussi, qu’on mette fin à la nouvelle taxe de 500 F CFA qu’on impose aux visiteurs à Goréé’’, a demandé M. Sagna.
Biram Souleye Diop est lui préoccupé par les fenêtres de financement prises en compte dans ce budget. Il regrette que la promotion du tourisme intérieur ne soit pas prise en compte dans ce budget. Dans ce sens, il a demandé au ministre de lui dire concrètement ce qu’il compte faire pour ce secteur. ‘’Il faut créer un écosystème d’échanges entre les ministères. Ceci va beaucoup participer à la promotion du tourisme. Il y a eu 75 % de licenciements pour motif économique dans ce secteur durant la Covid-19, alors que ce n’est pas ce qui a été dit. Donc, où se trouve le problème ?’’, a confié le président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi.
‘’Notre parti pour tous s’appelle le Sénégal’’
Des échanges entre ministères qui devraient peut-être commencer avec celui de la Culture et de la Communication. Dans ce sens, Demba Diop a demandé à Mame Mbaye Niang de mener le plaidoyer auprès du président de la République pour qu’il emmène au cours de ses voyages des danseurs du ballet national La Linguère, par exemple, afin de mieux vendre la destination Sénégal.
Le président du groupe parlementaire BBY, Omar Youm, lui, est d’avis que le secteur du tourisme se porte mieux depuis que Macky Sall est arrivé au pouvoir. D’après lui, beaucoup d’hôtels étaient fermés en 2012, les bureaux de promotion du tourisme à Paris et New York étaient aussi fermés. À cela s’ajoutait un manque de formation des agents du secteur hôtelier. Aujourd’hui, beaucoup de choses ont été faites pour rendre à ce secteur son lustre d’antan. Tous les grands hôtels du pays sont pleins grâce aux bonnes conditions sécuritaires, à l’allègement des procédures administratives, à la diminution de la TVA des touristes qui est de l’ordre de 10 %, à l’exonération de la fiscalité et de droits de douane, ainsi que la suppression des visas payants, entre autres.
‘’Le Sénégal avance et chaque Sénégalais peut le constater. Donc, ne nions pas cela pour des partis pris. Notre parti pour tous s’appelle le Sénégal. Je ne vais pas dire que tout est rose, mais je n’ai vu aucun député vous critiquer lors des sessions plénières. Vous pouvez vous opposer, mais il est indécent de dire certaines choses. Le tourisme occupe la deuxième place après la pêche. C’est un secteur qui crée de l’emploi, fait entrer des recettes. Il faut voter le budget, car il est au-dessus de la mêlée’’, a expliqué Me Youm.
Il n’avait pas besoin de défendre le ministre ou le secteur. Mame Mbaye en est bien capable et c’est à lui que revient le rôle. Il a soutenu que tout va bien dans le pays. Le rapport économique et financier a montré un taux de croissance de 3,2 % en 2021, contre un repli de 19,8 % en 2020. À titre illustratif, il a annoncé que 836 784 touristes ont été enregistrés en 2021, contre 454 450 touristes en 2020.
Il a, en outre, informé que la croissance des chiffres des services d'hébergement et de restauration est établie à 6,2 %, contre 3,1 % en 2021. Il a précisé, enfin, que tous ces éléments montrent à suffisance la reprise qui a été amorcée dans le secteur après la Covid-19.
‘’Les députés de cette institution ont beaucoup de considération pour le tourisme. Face à la prolifération des établissements hôteliers, des opérations de contrôles régulières sont menées avec nos services. En cas de non-règlement, des mesures vont être prises. Sur les plages, des opérations de sécurisation sont menée de jour comme de nuit. Des polices de secours vont être érigées à Toubacouta et à Pointe Sarène. Des codes du tourisme vont bientôt vous être soumis pour organiser définitivement notre secteur, car le dernier décret date de 1974. Un cadre de concertation aussi a été mis en place. Il regroupe toutes les entités qui gravitent autour de ce secteur. Le ministère a eu à financer 27 campements dans la région de Casamance. Le crédit hôtelier a financé à hauteur de 10 milliards F CFA. Aucun secteur n’a été laissé en rade’’, a confié le ministre.
Selon Mame Mbaye Niang, tous les hôtels qui ont été soutenus sont pleins. Il n’y a pas de crise de tourisme intérieur. Il s’est aussi engagé à développer le tourisme religieux avec les acteurs compétents en se basant sur les concepts des familles religieuses.
Le coût de l’hôtel Riu Baobab, selon lui, est de 250 millions d’euros (162 milliards F CFA). ‘’Il ne s’agit pas d’un financement de l’État, mais d’un privé qui a la confiance du Sénégal pour le faire. Cet hôtel a été construit en pleine crise de Covid-19. Le gouvernement ne construit pas des hôtels, mais il met des conditions pour les construire. Ce secteur va se développer. La phase 2 de Riu va démarrer. Il sera un hôtel qui aura 800 chambres.
D’ici 18 mois, nous allons inaugurer des établissements hospitaliers forts de 2 000 chambres. Le ministère ne peut pas régler des problèmes dans les hôtels, car c’est au tribunal du travail de les régler. Le Code du tourisme que nous allons mettre sur place va les régler aussi. Je ne crois pas que dans ce pays, il y a des agents qui travaillent 48 heures et qui sont rémunérés à hauteur de 40 heures. Pour les autres questions qui relèvent de la politique, je n’y réponds pas’’, a indiqué Mame Mbaye Niang.
Avant d’ajouter : ‘’C’est faux de dire qu’un rapport m’a épinglé ! C’est juste des accusations. C’est mauvais. Je ne vais pas donner des détails, mais vous avez la possibilité d’aller vérifier ce que je vous dis. Vous faites une accusation dont vous n’avez pas les preuves. Depuis lors, vous le dites sans apporter de preuves. Je dis aussi à Bara Gaye que je ne me dédis jamais. J’avais dit que je ne vais pas soutenir Macky Sall s’il autorise l’homosexualité. Je suis un homme de parole. Je ne suis pas là pour parler de politique, car je respecte l’endroit où nous sommes. Discutons dans le respect, car le contraire ne vous honore pas. Pour le King Fahd, c’est moi qui l’avais audité à l’époque. C’est nous qui leur devions de l’argent quand j’ai reçu le rapport. On a eu des discussions par la suite.’’
CHEIKH THIAM