Publié le 24 Jan 2022 - 14:14
BURKINA FASO

Au Burkina Faso, un couvre-feu décrété après des mutineries dans plusieurs casernes

 

Le gouvernement a démenti « une prise de pouvoir par l’armée » et « appelle les populations à rester sereines ». Le siège du parti au pouvoir à Ouagadougou a été incendié.

 

La capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, est le théâtre de tensions et de manifestations violentes depuis que des tirs ont été entendus dans la nuit de samedi à dimanche 23 janvier, notamment dans trois casernes de la ville. Le gouvernement, qui a confirmé ces tirs, a toutefois démenti « une prise de pouvoir par l’armée » et assuré que les institutions n’étaient pas menacées « pour le moment ». Un couvre-feu a été instauré à 20 heures (21 heures à Paris), jusqu’à 5 h 30 lundi matin.

Plus tard dans la journée, des manifestants partisans des militaires qui se sont mutinés ont incendié le siège du parti au pouvoir à Ouagadougou, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. L’incendie a détruit le rez-de-chaussée du bâtiment du Mouvement du peuple pour le progrès, dont la façade a également été saccagée par les manifestants qui ont ensuite été dispersés par la police à l’aide de gaz lacrymogène.

Ces mouvements dans les casernes du Burkina, pays qui a connu par le passé plusieurs coups d’Etat et tentatives de coup d’Etat, illustrent la fragilité du pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré face aux violences djihadistes qui s’accroissent dans son pays depuis 2015.

Internet coupé

Des habitants ont affirmé que des militaires du camp Sangoulé-Lamizana étaient sortis de leur caserne, tirant des coups de feu en l’air, et avaient verrouillé le périmètre alentour. Ce camp abrite la maison d’arrêt et de correction des armées, où est détenu le général Gilbert Diendéré, proche de l’ancien président Blaise Compaoré, renversé en 2014 et qui vit depuis en Côte d’Ivoire.

Le général Diendéré a été condamné à vingt ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015 et est actuellement jugé pour son rôle présumé dans l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara, icône panafricaine, en 1987.

Des coups de feu ont également été entendus dans un autre camp militaire de la capitale, celui de Baba Sy, à la sortie sud de la ville, et à la base aérienne proche de l’aéroport, selon des sources militaires. Des coups de feu se sont aussi produits dans des casernes de Kaya et Ouahigouya, selon des habitants joints par l’AFP.

Une centaine de personnes qui tentaient de se rassembler place de la Nation, en plein centre de Ouagadougou, pour exprimer leur soutien au mouvement des soldats, ont été dispersées à coups de gaz lacrymogène par les policiers, a constaté une correspondante de l’AFP. L’Internet mobile a été coupé dimanche dans la matinée.

Le gouvernement dément un coup d’Etat

Le gouvernement a rapidement réagi en démentant une tentative de coup d’Etat. « Des informations véhiculées dans des réseaux sociaux tendent à faire croire à une prise de pouvoir par l’armée en ce jour [dimanche] », fait savoir un communiqué du porte-parole du gouvernement, Alkassoum Maiga. « Le gouvernement, tout en reconnaissant l’effectivité de tirs dans certaines casernes, dément ces informations et appelle les populations à rester sereines », ajoute-t-il.

« Aucune institution de la République n’a pour le moment été inquiétée », a de son côté affirmé le ministre de la défense, le général Barthélémy Simporé, dans une intervention à la télévision nationale. Il a ajouté que les mouvements observés « dans quelques casernes » sont « localisés, circonscrits », et qu’il était « en train de rentrer en contact avec ceux qui sont à la manœuvre pour comprendre les motivations ».

Militaires détenus

Le Burkina Faso est pris, depuis 2015, dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al-Qaida et à l’organisation Etat islamique. Les attaques qui visent civils et militaires sont de plus en plus fréquentes et en grande majorité concentrées dans le nord et l’est du pays.

Samedi, des incidents avaient éclaté à Ouagadougou et dans d’autres villes du pays entre les forces de l’ordre et des manifestants qui ont bravé l’interdiction de se rassembler pour protester contre l’insécurité. Ce jour-là, au moins deux soldats ont été tués et plusieurs blessés dans l’explosion d’un engin artisanal, sur l’axe entre Ouahigouya et Titao (nord), au passage de leur véhicule qui escortait des commerçants, selon des sources sécuritaires et locales.

Les violences des groupes djihadistes ont fait depuis six ans plus de 2 000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leur foyer. Plusieurs militaires sont détenus depuis la mi-janvier pour des faits présumés de « tentative de déstabilisation des institutions ». Parmi eux, le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ex-chef de corps du 12régiment d’infanterie commando, qui était jusqu’à présent commandant du groupement des forces du secteur ouest, engagées dans la lutte antiterroriste.

Le Monde avec AFP

 

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