''Les Sénégalais s’habillent très mal''
Créateur de la marque Sartorisen (Ndlr : Sartoria veut dire haute couture en italien), Ibrahima Sène est un styliste sénégalais qui a tissé une partie de sa saga en Italie. Il est rentré au Sénégal à l'invite à venir œuvrer pour le développement du pays faite à la diaspora par le président Abdoulaye Wade. Depuis lors, le natif de Pikine a dans ses bagages un projet de cité textile qui requiert un investissement de 11 milliards de F Cfa. Dans cet entretien avec EnQuête, Ibrahima Sène parle de ce projet et retrace sa vie de couturier dans la botte européenne. Au passage, il apprécie le style d'habillement sénégalais : plutôt de mauvais goût.
Où avez-vous appris le métier de styliste ?
Je suis né au Sénégal, j’y ai grandi et j’ai appris le métier de couturier à Pikine Gazelle (Ndlr : banlieue dakaroise).
Et voudriez-vous nous parler de votre parcours au Sénégal ?
J’ai ouvert mon premier atelier de couture en 1994. Mon business s'est élargi en 1997 avec deux ateliers. En 1998, j’ai eu l’opportunité d’aller en Europe et je suis allé m’installer en Italie où j’ai travaillé avec des blancs pendant deux ans et demi avant d’ouvrir mon propre atelier. J’ai travaillé pour mon propre compte jusqu’en 2007. Puis un ami m'a informé que le Président Abdoulaye Wade avait lancé un appel aux émigrés et souhaitaient qu'ils viennent l’aider à développer le Sénégal. C’est ce qui m’a fait revenir à l’époque.
Qu'avez-vous laissé tomber pour rentrer au bercail ?
J’ai commencé dans un espace de 45 mètres carrés pour finir dans un autre de 4500 mètres carrés. J’avais donc un grand atelier. Les gens trouvaient qu’il serait mieux de poursuivre au Sénégal, car j’employais des Italiens. Donc je faisais marcher l’économie de ce pays alors que celle de mon pays est en retard. Chaque fois que nous autres émigrés venons au pays, nous rentrons en disant que rien ne marche ici. Mais nous ne nous demandons pas ce que nous avons fait pour que la situation change. Il était temps de rentrer et de se consacrer au développement de notre pays. Au début, je faisais des allers-retours entre le Sénégal et l'Italie. J’ai décidé d’ouvrir quelque chose pour montrer mon savoir-faire et faire valoir une expérience de 32 ans. Mes partenaires trouvaient aussi que je perdais mon temps en Italie vu que la main d’œuvre est moins chère au Sénégal. Cependant, j’ai constaté que les choses sont lentes ici.
Pourquoi ?
Je suis venu avec deux projets. J’ai soumis l’un deux, Bissentex, à beaucoup de ministères et à l’ex-Président Abdoulaye Wade. Il avait même donné des directives pour sa réalisation. Malheureusement, ses collaborateurs ne les ont pas suivies. J’ai finalement appelé des Sénégalais qui sont venus volontairement mettre leurs mains à la pâte. Nous avons monté une société anonyme. Le projet peut créer 8 500 à 10 000 emplois dont 75% seraient des femmes avec au moins 2% de handicapés. Les populations de Sébikotane ont participé en donnant les terres nécessaires.
En quoi consiste exactement le projet ?
L’objectif est de produire 100 000 vêtements par jour. Les 80% seront réexportés. La clientèle est déjà acquise. Ce sont des Italiens qui envoient leurs commandes. Ce sont les partenaires qui envoient les tissus. Ils nous appuient aussi dans la production. Ces partenaires sont présents en Chine, au Maroc, en Tunisie et autres. Ils cherchent les pays [dont la main-d’œuvre et les coûts de production] sont les moins chers. Le Sénégal est une bonne destination. On va donc créer une cité du textile qui va abriter un centre de formation avec 1000 élèves par an. Il est prévu sur le site 137 unités de productions spécialisées chacune dans un domaine. Le projet comporte un volet entreprises dans lesquels s'inséreront les élèves formés. Une plate-forme de coupe avec des systèmes automatisés est prévue en plus d’une salle de préparation. La perfection sera au rendez-vous et le travail ne sera pas difficile, car les Sénégalais ont des notions dans la couture. Des salles de repassage figurent dans le projet avant de faire passer les vêtements au niveau du contrôle qualité. En outre, le marché de l’emballage pourrait connaître un boom tout comme la culture de coton. Le secteur textile suffit à développer le Sénégal. Là le terrain est acquis et on est en phase de terrassement. Le projet coûte 11 milliards. On est 70 actionnaires et on cherche encore le financement.
BIGUE BOB
A suivre ....
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