Publié le 30 Nov 2013 - 21:38
CHEIKH TIDIANE DIEYE, DIRECTEUR EXECUTIF DU CACID

‘’L’OMC ne fait plus rêver les pays membres’’

 

La conférence de Bali, c’est dans une semaine, quels enjeux ? 

L’enjeu principal sera d’essayer de faire avancer le système commercial multilatéral. Le blocage actuel à quelque peu délégitimé le processus de négociation, mais aussi l’institution multilatérale. Et on peut dire que l’OMC ne fait plus rêver les pays membres, notamment les pays en développement. Il y a un statu quo dans les négociations et ce statu quo favorise les pays développés. La promesse qu’ils avaient faite sur la question du coton pour un traitement rapide n’a pas été tenue, et les questions essentielles comme le traitement spécial pour différencier les pays les moins avancés n’a pas été opérationnalisé.

Au total, nous allons à Bali avec l’espoir que toute la communauté internationale prendra conscience de la nécessité de remettre le développement au cœur du commerce international et que le commerce n’est qu’un instrument pour promouvoir le développement et lutter contre la pauvreté. Malheureusement, les règles actuelles ne permettent pas de libéraliser un potentiel parce que les pays développés s’accrochent encore à tirer de leur côté.

Quels sujets principaux sur la table ?

Il y a trois questions essentielles qui seront au devant de la scène. Il y a principalement la question de la facilitation des échanges. La facilitation des échanges est un accord important parce que ça rend rapide les processus de dédouanement et l’entrée sur les territoires d’un certain nombre de marchandises. Les pays en développement ont fait valoir les arguments que nous partageons pour dire que même si cet accord est important, les pays en développement ne doivent pas porter le coût de la modernisation de l’administration douanière, de la transformation des produits. L’autre élément, c’est l’accord sur l’agriculture. Les pays en développement sont réunis dans un groupe G33 pour dire que le plus important ce sont les questions de la sécurité et de la souveraineté alimentaire.

Les règles internationales ne doivent pas contraindre un pays, notamment en développement, à prendre les mesures appropriées pour assurer et garantir la sécurité alimentaire. Le dernier, c’est le paquet développement. Les pays les moins avancés ont dit que pour tirer profit du commerce international, il faut qu’il leur soit facilité un certain nombre de traitements et qu’ils ne doivent pas être logés à la même enseigne que les pays développés. Il faut qu’on leur ouvre le marché des pays développés, pour qu’ils puissent y vendre, sans douane et sans contingent, et que la question du coton soit traitée de manière rapide et ambitieuse, pour que les pays producteurs puissent en profiter.

Quelle sera la position du Sénégal ?

Le Sénégal y participera avec une délégation de 6 personnes ; et Enda Cacid est membre de cette délégation. Mais, le Sénégal ne négociera pas seulement, en tant qu’Etat, ses propres positions. Chaque État est membre de l’OMC, mais dans le cadre de la stratégie globale africaine et des PMA (pays les moins avancés), nous avons complété la faiblesse de nos capacités de négociations par l’unité et la multiplication de nos ressources. Le Sénégal a élaboré sa stratégie dans le groupe des PMA. Les positions que le Sénégal portera à Bali sont aussi les positions qui reflètent les intérêts de l’ensemble des pays du continent africain et des pays les moins avancés.

Les conséquences d'un échec de Bali sur les économies africaines et sénégalaise par exemple ?

Ces négociations sont très importantes. Ce ne sont pas seulement des cas traités par des experts et qui sont des cas aériens. Ce sont des cas qui ont des impacts durables sur la vie des hommes, des producteurs agricoles, y compris le panier de la ménagère, y compris les fonctionnaires et les travailleurs du secteur privé. Pour cette raison, un échec à Bali pourrait avoir des conséquences lourdes parce qu’on continuerait le statu quo et le statu quo dans les règles actuelles favorise plutôt les pays développés.

Un accord à Bali sur la facilitation des échanges, dans lequel les pays développés s’engageraient à couvrir les ressources nécessaires pour moderniser les administrations  et renforcer le système de dédouanement, ça peut être utile pour tout le monde et surtout si on renforce la facilitation pour le commerce intra-régional. Si on a un accord sur l’agriculture qui favorise la souveraineté alimentaire de nos populations et de nos paysans, c’est quelque chose d’utile pour nous parce que ça enlèveraient les subventions inutiles que les pays développés utilisent pour leurs agriculteurs.

Si nous accordons le paquet développement aux pays en développement, ça nous permettra de tirer profit du commerce intra-national. Le Sénégal fait partie de ce groupe et un accord à l’OMC équilibré et bien négocié peut faire avancer les intérêts stratégiques du Sénégal.

 

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