Les contours d’une nouvelle stratégie d’investitures
Les responsables de Yewwi Askan Wi (Yaw) ont mis fin aux investitures et laissent aux partis le choix de désigner leurs candidats. Cette stratégie vise à éviter des frictions à la base et les divisions chez les militants de Yaw. Ce choix d'opérer les investitures au sommet de la coalition, a aussi pour but d'éviter toute démobilisation de la base face à des choix non reconnus par les militants.
Les investitures sont des moments charnières dans la vie de tout parti ou coalition de partis politiques. Au sein de Yewwi Askan Wi, à peine après avoir passé le test des investitures pour les élections territoriales, voilà que se profilent les Législatives où les places sur les listes électorales vaudront très cher. Il y a donc le risque d'assister à des remous, à l’approche des prochaines élections législatives du 31 juillet 2022. Les batailles de positionnement des leaders et des personnalités politiques de cette coalition de l’opposition, soucieuses de surfer sur la dynamique de l’opposition, ont déjà occasionner des foires d’empoigne ai niveau de la base.
Pour éviter toute déflagration et garder toutes les chances de succès de Yaw, le président de la commission nationale des investitures de ladite coalition a informé, lundi dernier, que ’’les coordonnateurs départementaux et les présidents de commission départementale des investitures sont priés d’arrêter immédiatement les assemblées générales d’investitures ; chaque parti ou mouvement politique procédera à ses propres investitures ; les leaders et mouvements politiques présenteront leurs candidats investis au CMA (Conseil de médiation et d’arbitrage) qui statuera en dernier ressort’’.
Selon les responsables de Yewwi Askan Wi, les courts délais pour le dépôt des candidatures à la base et le souci d’alléger davantage le processus d’investitures pourraient justifier ce choix.
Ainsi, la bataille pour les positionnements sur la liste majoritaire et proportionnelle risque d’être plus dure. Déjà, la non-investiture de Cheikh Bamba Dièye (Saint-Louis) et de Moussa Tine (Thiès) lors des dernières Locales, avait déjà fait quelques vagues au sein de la coalition de l’opposition. Cette stratégie de forger des consensus depuis les plus hautes instances de Yaw risque de se heurter à la volonté des leaders politiques de figurer en bonne place sur la liste proportionnelle, pour se donner toutes les chances de rejoindre l'hémicycle.
D’autant que, certaines personnalités en quête de reconnaissance et de légitimité à la base, voudront figurer en bonne place sur les listes départementales de Yaw, afin de se constituer un bastion politique. De ce fait, des personnalités comme Déthié Fall, Malick Gakou, Habib Sy et les partisans du Pur peuvent vouloir s’imposer sur la scène politique, à la veille de la Présidentielle de 2024.
Prendre exemple sur BBY
Par ailleurs, la prééminence du duo Khalifa Sall-Ousmane Sonko dans les grandes orientations de la coalition peut constituer un souci. Mais, tout porte à croire qu’elle est nécessaire pour la bonne marche de ce conglomérat de partis et de mouvements citoyens. Tout édifice politique a besoin d’un socle solide pour se perpétuer dans le temps. Et YAW ne fait pas exception. Ces Législatives constituent un autre test d’envergure qui va mettre à rude épreuve la solidité de la coalition.
Ils peuvent prendre exemple sur BBY où le Président Macky Sall a réglé cette question en centralisant tout le processus d’élaboration des listes. Lors des dernières élections législatives, les listes n’avaient été dévoilées qu’au tout dernier moment. Mettant ainsi tout le monde devant le fait accompli. Vu la tournure des choses au sein de la majorité présidentielle, on risque d’assister au même scénario. Car, après avoir envoyé des missions de conciliation dans tous les départements, pour taire les divergences et faire cause commune, le seul écueil qui pointe à l’horizon est la place des alliés qui râlent de plus en plus de voir leur nombre d’élus être réduit en peau de chagrin. Est-ce qu’ils vont pousser le bouchon jusqu’à claquer la porte de la coalition ? L’avenir le dira.
En tout cas, en ce qui concerne YAW, l’absence d’ancrage territorial national de Taxawu Sénégal dont les principaux bastions sont situés à Dakar, pourrait faciliter les négociations d’investitures dans les semaines à venir. D’autant plus que cette stratégie d’investitures ambitionne d’éviter toute démobilisation de la base militante de Yaw en concentrant les divisions au sein des hautes instances de cette coalition. Le processus de quête du parrainage, avec la publication de la liste des délégués régionaux pour le parrainage, sonne comme une première étape pour partir à la conquête des 53 circonscriptions électorales qui correspondent aux 46 départements du pays.
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, sera le délégué régional chargé du parrainage à Dakar pour Yewwi. Sans surprise, Sonko a été choisi pour Ziguinchor, tandis que Déthie Fall est chargé de la diaspora.
Une alliance avec la société civile pour élargir la base électorale de Yaw
Sur ce, les responsables de Yaw seraient aussi susceptibles de perpétuer ce dynamisme qui a permis de faire émerger des ‘’homos novis” dans les mairies, à l’issue des Locales de 2022. Ce renouvellement du personnel politique traditionnel pourrait ainsi être incarné par des personnalités de la société civile alors investies sur les listes de Yaw.
Par ailleurs, le développement du tissu associatif et militant dans les quartiers peut aussi constituer une voie de réserve pour les troupes de Yaw. Des alliances avec l’Union citoyenne Bunt Bi, qui est apparue comme un véritable épouvantail dans plusieurs contrées du pays, constituent des voies à explorer pour l’opposition sénégalaise. Cette mouvance citoyenne qui dispose d’une base au plan local peut constituer un relais de la coalition Yaw soucieuse d’élargir sa base électorale. L’Union citoyenne Bunt Bi a même remporté toutes les communes ainsi que le département de Ranérou Ferlo, à l’issue des élections locales du 23 janvier dernier.
Selon le docteur Moussa Diaw, Enseignant en sciences politiques à l’UGB, ce renouvellement marque une rupture avec la politique classique faite par des barons locaux. ‘’On assiste à un renouvellement de l’élite dirigeante qui est capital pour réformer l’espace politique local. On a de nouveaux acteurs qui connaissent les réalités locales et cette percée de nouveaux hommes politiques témoigne aussi de la défiance des populations envers les politiciens professionnels qui n’ont pas su garder la confiance des électeurs. Ces personnages sont souvent porteurs de projets et de programmes qui sont en phase avec les défis et les enjeux locaux sur le plan local. Ils ont des projets de développement avec une implication accrue des citoyens dans la gestion des affaires de la cité’’, a-t-il affirmé.
Makhfouz NGOM