Publié le 17 Apr 2025 - 13:57
CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE

Qui trop embraSe, mal éTeint

 

Dans le tumulte de la sphère politico-médiatique une vérité surgit : qui trop embraSe, mal éTeint.  Dans ces moments où tout le monde veut mettre le feu pour mieux briller, il faudrait peut-être rappeler que l’éclat d’une flamme est aussi éphémère que dangereux. L’art de gouverner, de militer ou d’informer ne devrait pas ressembler à un concours de pyrotechnie, mais à un exercice d’architecture : un peu de hauteur, beaucoup de méthode, et une solide charpente intellectuelle pour éviter que tout parte en fumée.

La scène publique du moment est digne d’un western : regards foudroyants, promesses de tolérance zéro, invectives et « contre-invectives » qui claquent comme des coups de feu. Pourquoi construire quand on peut cramer ? Pourquoi dialoguer quand on peut hurler ? Pourquoi argumenter quand on peut incendier ? À chaque coin de débat, un bûcher est dressé. Un tweet malheureux ? Feu. Une déclaration maladroite ? Feu. Une opinion contraire ou dissidente ? Feu. Doit-on s’attendre à un déluge de napalm en prime ? A force de jouer avec l’allumette de la surenchère, certains finiront par se brûler eux-mêmes, et avec eux, tout espoir d’un débat lucide.

Le gouvernement, lui, n’est pas en reste. Il embrase à coups de décisions expéditives, de menaces à peine voilées et de discours enflammés sur la justice et les libertés. Il allume une plateforme numérique de régulation pour la presse. Il enflamme des mesures pour « encadrer » la liberté d’informer. Et convoque pour garder à vue, au nom de l’ordre public. Une forme de bûcher, sans bois ni flamme,  Et pour couronner le tout, des prises de parole publique aux tons dramatiques, dignes d’un scénario de film catastrophe, où l'on brandit des réformes comme un extincteur miraculeux.

Et les médias ? Certains jouent les sentinelles, d’autres les incendiaires. Une info posée, vérifiée et nuancée ? Peu vendeur. Une phrase sortie de son contexte, une photo bien cadrée, une fausse exclusivité ? Là, on a du combustible. La concurrence pousse à la pyromanie éditoriale : le scoop avant la vérité, l’émotion avant la raison, le clash avant l’analyse. Les plateaux télé deviennent des barbecues géants où l’on grille à petit feu du responsable politique, qu’il appartienne ou pas à la majorité, du magistrat, de l’homme d’affaire (des affaires), du confrère…. Les réseaux sociaux ? Des champs de bataille numériques où les clashs font office de torches. Et pendant que les journalistes indépendants tentent de jouer les pompiers, d’autres arborent fièrement le casque de l’outrance pour booster leurs vues.

Résultat : on distingue mal, la fumée du feu. Et que dire des éditorialistes pyrophiles ? Ceux qui, à la moindre étincelle, sortent leur plume comme d’autres dégainent un lance-flammes. Le moindre mot de travers devient brasier, le plus petit froncement de sourcil est érigé en bûcher de la pensée et de la culture démocratique. Sur les plateaux télé ou dans les studios radio, ce ne sont pas des idées qu’on échange, mais des cocktails Molotov rhétoriques. Sur certains sites devenus casernes d’incendie improvisées, zones de départ de feu, « plus ça chauffe », plus ça plait. Chacun jouant au leader de l’allumette. L’analyse ? Réduite en cendres. Puis, tout retombe en fumée, laissant les lecteurs, les téléspectateurs ou les internautes avec une légère odeur de poudre dans les marines.

Le plus savoureux, c’est que ceux qui ont craqué l’allumette en premier, multiplient les prises de parole pour dire que « les allumettes, c’est dangereux », et appellent au dialogue entre deux braséros lancés sur leurs opposants. La contradiction ? Aucune, voyons. C’est de la stratégie de communication. L’art de hurler au feu tout en versant discrètement un litre d’essence sur la nappe.

Le plus ironique, dans ce climat inflammable, c’est qu’on finit par oublier la question initiale : pourquoi allume-t-on tous ces feux ? Pour cacher l’absence de solutions ? Pour remplir un vide idéologique avec du bruit ? Ou tout simplement, parce que c’est devenu un réflexe pavlovien : dès qu’un problème surgit, les uns accusent, les autres ripostent. Que reste-t-il de l’incendie dont on croyait être la seule manière d’éclairer l’opinion et qu’on a pris pour un feu d’artifice passé ? De la suie, et de la désolation. Et au milieu de cette combustion généralisée, qu’on ne s’étonne pas que les extincteurs institutionnels puissent fondre sous la chaleur.

Qui trop embraSe, mal éTeint. Dans ce théâtre des vanités, personne ne semble avoir prévu de plan d’évacuation. À force de faire monter la température, les institutions suffoquent, les citoyens transpirent, et les extincteurs finiront par céder à la chaleur. Parce qu’en politique comme en mathématiques, les soustractions s’additionnent. Ainsi, on finira en haut d’un tas de cendres, à contempler les restes fumants d’un pays dont des citoyens croyaient encore au feu sacré du débat d’idées.

Allez, sur ces mots, je souffle un bon coup… et je garde un seau d’eau à portée de main. Parce que dans cette époque inflammable, même les métaphores peuvent prendre.

Par Henriette Niang Kandé

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