Publié le 9 Nov 2021 - 20:45
CONVOCATION DE BARTHELEMY DIAS

Jour de vérité pour l’opposition 

 

Après le 3 mars 2021 et la convocation d’Ousmane Sonko devant le juge, l’opposition passe un nouveau test dans son bras de fer avec le pouvoir, pour encore jauger le rapport de force.

  

Neuf mois après, l’opposition sénégalaise passe un nouveau test. Après la journée historique du 3 mars 2021, lors de laquelle l’arrestation d’Ousmane Sonko pour ‘’troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée’’, alors qu’il se rendait à une convocation du juge pour une accusation de ‘’viol et de menaces de mort’’, avait provoqué cinq jours d’émeutes sur le territoire national, un autre opposant va faire face à la justice, ce 10 novembre.

Candidat investi par la coalition Yewwi Askan Wi pour la mairie de Dakar, Barthélémy Dias est convoqué devant la 3e chambre de la Cour d’appel de Dakar. Seulement, sa convocation est survenue juste après l’officialisation de cette candidature. Une procédure somme toute normale, si l’on sait que l’ancien député socialiste a interjeté appel après sa condamnation en 2017 à deux ans de prison dont six mois ferme. Et que, comme l'a précisé le procureur général, ‘’cette date d’audience, connue de Barthélémy Dias et de ses avocats depuis le 7 juillet 2021, n’a rien à voir avec sa désignation comme candidat de ladite coalition à la ville de Dakar intervenue récemment’’.

Sauf que le maire de Mermoz Sacré-Cœur et ses coalisés ne l’entendent pas de cette oreille. Avant même son nouveau face-à-face avec le juge pour en savoir plus sur l’évolution de cette procédure, ils ont appelé à la résistance. A toute la jeunesse dakaroise, ils ont demandé d’accompagner ‘’le futur maire de la capitale’’ au tribunal de Dakar. Une manière de mettre la pression sur le pouvoir et sur l’appareil judiciaire dont ils accusent une partie d’être à la solde de l’Exécutif.

Mais la journée d’aujourd’hui sera surtout un test pour l’opposition et sur ses capacités de mobilisation de la jeunesse, comme ce fut le cas en mars 2021. Pendant plusieurs jours, les opposants ont surfé sur les vagues de la contestation, suite à l’affaire Sweet Beauté. Si la démonstration de force avait débordé en émeutes, il y a neuf mois, elle avait surtout poussé le pouvoir à reculer, pour une première fois, dans une affaire judiciaire comportant des soubassements politiques.

Placé sous contrôle judiciaire depuis, le leader du Pastef/Les patriotes a recouvré la liberté, mais garde une épée de Damoclès sur sa tête. La procédure pouvant être relancée à tout moment.

Une différence de taille entre l’affaire Ousmane Sonko vs Adji Sarr et la convocation pour ce procès en appel de Barthélémy Dias reste le contexte. Avec un déroulé des faits totalement imprévisible, la journée du 3 mars 2021 a débordé sur l’arrestation d’Ousmane Sonko sur des motifs pour lesquels le doute est permis.  En direct dans certaines télévisions, il a été arrêté, accusé de troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non-autorisée, sans qu’il n’ait quitté sa voiture. Cela a été vécu comme une injustice flagrante par ses partisans. A cela s’ajoute toute la tension autour de la véracité des accusations, la publication des procès-verbaux de la gendarmerie, la procédure de la levée de son immunité parlementaire. Sans oublier le contexte social instauré par la pandémie de coronavirus, le couvre-feu, la fermeture de divers lieux de travail, les obligations de respecter les mesures barrières, etc.

Autant de faits qui, selon beaucoup, ont installé un ras-le-bol dans la population que l’incident avec le leader du Pastef a fait exploser.

Contrairement à la ‘’précipitation notée’’ entre février et mars derniers, l’affaire Barthélémy Dias remonte à fin 2011. Armé, le maire de Mermoz-Sacré-Cœur avait ouvert le feu en direction de quelques nervis du Parti démocratique sénégalais (PDS) qui encerclaient la mairie. L’un des assaillants avait été retrouvé mort sans qu’il soit possible d’affirmer qu’il ait été l’auteur du coup de feu mortel. L’épisode lui avait valu une condamnation, en 2017, à deux ans de prison, dont six mois ferme, pour coups et blessures volontaires et détention illégale d’arme – une peine alors couverte par sa détention provisoire en 2012.

Toutefois, il avait interjeté appel de cette décision, et depuis juillet dernier, son audition était prévue pour le 10 novembre 2021.

Cette date peut ne pas être fortuite, comme l’affirme la coalition Yewwi Askan Wi. C’est le 10 mai 2021 qu’un communiqué du ministre de l'Intérieur a précisé que, ‘’conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi n°2021-24 du 12 avril 2021 portant report des élections territoriales, le président de la République, Macky Sall a, par décret nº 2021 - 562 du 10 mai 2021, fixé la date du prochain scrutin pour le renouvellement général du mandat des conseillers départementaux et municipaux au dimanche 23 janvier 2022’’.

Notifiée en juillet 2021 de sa date de passage devant le juge, Barthélémy Dias et ses conseils savaient également à quoi s’attendre, si le maire de Mermoz Sacré-Cœur devait être candidat à toute élection. Pourquoi alors attendre maintenant pour alerter sur une volonté de l’empêcher de se présenter ?

Elections locales, une affaire de politiciens

Pris en compte, tous ces éléments suffiront-ils à mobiliser la jeunesse autour du candidat à la ville de Dakar de Yewwi Askan Wi ? Malgré la tension actuelle, les élections départementales et municipales restent, pour beaucoup de Sénégalais, une affaire de politiciens. La participation, en 2014, tournait autour de 37 % de l’électorat. Même si l’arrivée de nouvelles têtes dans l’opposition et leur participation inédite à ce genre de scrutin pourrait changer la donne.

Depuis cet épisode, l’on note de plus en plus de discours va-t-en-guerre. Du côté de l’opposition comme dans le camp au pouvoir. Si l’on appelle à la mobilisation devant le tribunal de Dakar et à la résistance à Yewwi, au niveau de la coalition Benno Bokk Yaakaar l’on appelle les forces de l’ordre à la fermeté. D’autant plus qu’à plusieurs reprises, des autorités publiques ont répété que ce qui s’est passé en mars dernier ne se reproduira pas. A commencer par le président de la République.

Egalement, à moins de trois mois de la tenue des élections locales de janvier 2022, la violence s’est déjà invitée dans le processus électoral. Le dernier cas concerne un affrontement entre les forces de l’ordre et les partisans du député Moustapha Guirassy dont la liste pour le compte de Yewwi Askan Wi a été refusée par le préfet de Kédougou. Lundi, il y a eu des affrontements entre les militants de YAW et les forces de l’ordre. Hier, les violences ont repris dans l’après-midi, toujours entre les mêmes protagonistes. Les opposants s’insurgent contre le rejet de la déclaration de candidature de la coalition, pour non-respect du nombre de candidats suppléants sur la proportionnelle.

Ainsi, au moment où la violence prend ses aises, les acteurs politiques soufflent sur les braises, tandis qu’aucune voix ne s’élève pour appeler à la raison et éviter une escalade préjudiciable aux populations et à la démocratie.

Lamine Diouf

 

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