Publié le 29 Jan 2014 - 20:05
CRISE DE LA PRODUCTION

Quand le net et l'industrie musicale font mauvais ménage

 

L’avènement de l’internet, à l’instar des nouvelles technologies de l’information et de la communication, a changé la donne dans tous les secteurs de développement. L’industrie musicale n’est pas épargnée par la tempête numérique à laquelle se conjugue le monde moderne de nos jours. Une crise de la production est notée dans cet environnement économique difficile, au moment où les rappeurs sénégalais font face en s’organisant et en prenant eux-mêmes leur destin en main.

 

‘’Il fut un moment où les Européens étaient séduits par les sonorités africaines, en découvrant des instruments comme la kora, le xalam, etc. Aujourd’hui, les gens n’achètent plus de disque, à cause du net et des téléchargements sur des supports numériques’’, déclare le producteur britannique Robert Urbanus dont le label Stern music a distribué toutes les productions africaines de Syllart entre Londres et New York.

La musique africaine en général et sénégalaise en particulier est loin des années de grâce où il suffisait à un artiste de vendre 100 000 exemplaires dans l’Hexagone pour se voir attribuer un disque d’or, ou un disque de platine en carats massifs en vendant le double.

Jadis confrontée à un piratage incohérent et sans limite, l’industrie musicale plie aujourd’hui l’échine face à la vitesse éclair de la technologie à l’échelle mondiale. L’incursion de l’internet semble avoir anéanti tous les efforts consentis pour faire barrage aux pirates et autres fossoyeurs de l’entreprise musicale. Pour la simple raison qu’il suffit d’un seul clic pour télécharger gratuitement ou acheter sur la toile une musique pensée et composée par des artistes.

‘’L’avènement de l’internet a des avantages et des inconvénients dans la musique. Je veux dire que malgré son aspect positif, l’internet a fait trop de dégâts irréparables dans la musique. Les gens arrivent à télécharger gratuitement une musique quelconque sur le net en toute impunité’’, juge  l’artiste-chanteur et producteur Thione Ballago Seck.

La conséquence directe de cette incapacité à affronter le pouvoir du net a amené les grands majors de la production à plus de prudence. Il n’est plus question, à l’ère du numérique et du net, d’injecter plusieurs centaines de millions de francs Cfa pour un album dont on n’est pas sûr de récolter des retombées financières bénéfiques.

‘’Disons qu’on était à une époque de cassettes et de CD. Avec la technologie qui avance à une vitesse éclair, nous sommes laissés en rade. Aujourd’hui, les CD ne se vendent plus. Parce qu’on est à l’ère de la clé USB et du téléchargement’’, confirme Robert Lahoud qui préside aux destinées de la coalition des producteurs de musique au Sénégal. Le rappeur Malal Talla embouche la même trompette : ''Même l’artiste qui compose une musique préfère l’écouter avec son iPhone ou Ipad qu’en Cd’’.

''Un artiste comme Mory Kanté, disque d’or, est tombé dans l’anonymat''

Incontournable dans l’industrie musicale de nos jours, le net propose plusieurs perspectives aux acteurs culturels en général. Président de la Coalition inter professionnels des producteurs et éditeurs phonographiques du Sénégal (Sipeps), après la disparition de Mamadou Konté, Robert Lahoud a une lecture transversale des apports du net dans la musique.

‘’L’avantage de l’internet dans la musique aujourd’hui, c’est qu’un musicien qui joue du ''riiti'' (violon africain) à Tambacounda peut se faire entendre partout dans le monde. Cela évite à ce musicien d'aller faire des courbettes devant les majors, comme ce fut le cas pour bon nombre d’artistes africains. Aujourd’hui, un artiste comme Mory Kanté, qui a été disque d’or, est tombé dans l’anonymat. Grâce au net, certaines contraintes que les musiciens avaient pour se produire se sont dissipées.

Tout le monde est au même pied. C’est l’internaute qui décide. Il n’y a pas de promotion qui va influer. Parce qu’à un moment donné, cette promotion a beaucoup joué. Et plusieurs talents sont restés dans l’anonymat’’, a-t-il dit. Plusieurs artistes se sont fait une notoriété et ont gagné beaucoup d’argent, sans produire le moindre CD, rien qu’avec les visites sur le net.  

Comment le Sénégal culturel utilise le net

Au-delà des facilités d’accès à un grand public qui sont à la portée de  l’artiste de Kédougou, il reste que les avantages du net semblent ne pas être utilisés à bon escient pour un développement culturel digne du Sénégal, selon Robert Lahoud. ‘’Au  même titre que les autoroutes modernes, on devait faire des carrefours culturels, en numérisant notre patrimoine culturel. Les chansons classiques de Laye Mboup, Ndiaga Mbaye et tant d’autres devraient être numérisées.

Elles croupissent dans des bibliothèques ou quelque part sous forme de bandes. Peut-être même qu’elles sont détériorées. Ce projet de numérisation coûte moins cher qu’un feu de signalisation. Tant que nos États ne mettent pas les personnes ressources qu’il faut aux places qu’il faut, les choses ne pourront jamais évoluer. Aujourd’hui, prendre tout le patrimoine culturel sénégalais, le numériser et le mettre en ligne sur le net, pourrait générer des entrées faramineuses d’argent.

Si le diamant du Congo a besoin d’être taillé et transformé en Europe pour se valoriser, notre patrimoine a déjà de la valeur, sans aucune transformation étrangère. Il suffit simplement de le numériser pour le mettre à la portée de tout le monde sur le net. Il y a suffisamment de grands informaticiens pour faire ce travail. Les artistes sénégalais gagneront dans cette perspective.

Parce qu’au lieu de se faire distribuer dans une cantine de 2 mètres carrés, ils seront disponibles dans le monde via le net’’, fait-il savoir. La question qui se pose est de savoir si les autorités culturelles sont prêtes à se pencher sur les avantages du net, pour booster le patrimoine culturel sénégalais.

ALMAMI CAMARA

 

 

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