Pluie d’hommages à Cambérène
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Au lendemain du rappel à Dieu du khalife général des layennes, Serigne Abdoulaye Thiaw Lahi, Cambérène a refusé du monde. Les fidèles sont venus en masse rendre un dernier hommage au 5e khalife de Seydina Limamou Lahi al Mahdi (PSL). Le moment, pour certains d’entre eux, d’exprimer leurs émotions.
Jour de deuil, ce mardi 10 août, à Cambérène. Sous le chaud soleil de midi, des versets coraniques retentissent encore dans la cité religieuse abritant la maison familiale du khalife général des layennes et la grande mosquée. Des fidèles, venant de partout, se ruent en masse vers les lieux de culte. Une forte mobilisation qui complique, de facto, la circulation routière, automobilistes, transports urbains et motards rencontrant toutes les peines du monde à se frayer un chemin. Tous de blancs vêtus, ou presque, les inconditionnels de Seydina Limamou Laye prennent d’assaut Kër Gu Mak (la grande maison de la famille layenne) pour présenter leurs condoléances.
Dans l’école coranique Abdoulaye Thiaw Lahi, des centaines de disciples y sont regroupés. Sous l’ombre d’une grande bâche, ils méditent avec attention les paroles coraniques émises par la sono de la mosquée layenne. Assis ou couchés à même le sol ou sur des nattes, ces fidèles n’ont que leurs yeux et leur langue pour pleurer et prier pour le repos de l’âme d’Abdoulaye Thiaw Lahi, rappelé à Dieu dans l'après-midi de ce lundi 9 août, à l’âge de 95 ans.
Le 5e khalife de Seydina Limamou Lahi, qui a succédé à Mame Alassane Thiaw Lahi, suite à sa disparition en avril 2001, a été révélé au grand public par son grand-père l’Imam Mahdi (PSL).
D’abord porte-parole des différents khalifes généraux qui se sont succédé, Baye Abdoulaye, comme l’appellent les disciples, était réputé pour ses ‘’grandes réalisations’’ au sein de la communauté layenne. Il a été inhumé le jour de son décès à 21 h, au mausolée de Cambérène, où repose son père Seydina Issa Rohou Lahi.
Dans la vaste étendue de terrain faisant face au pont de Cambérène, des fidèles traversent, pieds nus et avec difficulté, le sable échauffé par le soleil. Direction le mausolée de Seydina Issa Rohou Lahi, pour rendre hommage à leur 5e khalife. Sur place, un silence de mort fait la loi. Des centaines de disciples occupent tout l’alentour du sépulcre. D’aucuns, tenant le Saint Coran entre leurs mains, récitent à voix basse des versets coraniques. D’autres, visages orientés vers le bas, font des zikr et des prières avec leur chapelet. L’usage obligatoire du gel hydro-alcoolique est le seul ticket, ce jour, pour rentrer à l’intérieur du mausolée. Là, des fidèles, accroupis par terre, prient devant les tombeaux des deux guides religieux et rendent un dernier hommage à Abdoulaye Thiaw Lahi.
‘’Baye Abdoulaye a fait de nous des lions’’
Après avoir effectué son pèlerinage, Fatou Laye Guèye ressort du mausolée avec beaucoup d’émotion. Pour la dame au foulard blanc, la sueur perlant sur son visage et le masque au menton, le décès du 5e khalife des layennes est une grosse perte. “Notre réveil a été brutal, ce mardi. Notre sentiment, aujourd'hui, est indescriptible. Mais nous rendons grâce à Dieu, car c’était une très bonne personne. C’est lui qui nous a éduqués dans l’islam. On a sillonné tout le pays avec lui. C’est pour cela que la journée est très lourde pour nous”, témoigne-t-elle, toute triste.
Assis sur le mur bordant le mausolée de Seydina Issa Lahi, Chérif Ousseynou Lahi continue encore de prier à voix basse pour le repos éternel d’Abdoulaye Thiaw Lahi. Chapelet à la main gauche et téléphone portable à la main droite, l’homme au bonnet gris dit être partagé entre joie et mélancolie, suite à la nouvelle annonçant le décès du 5e khalife de l’Imam Mahdi. “Vraiment, j’ai le cœur apaisé. Nous sommes la dernière génération dans cette confrérie, mais Baye Abdoulaye a fait de nous des lions. Il nous a armés de science et nous a appris à nous imposer dans cette vie avant de partir. Mais quand j’ai su la nouvelle de sa mort, dans la nuit d’hier, j’avais trop mal. Parce que je me suis dit pourquoi Dieu a choisi de prendre Baye Abdoulaye et de m’épargner, moi qui ne représente rien dans cette vie ? Je suis vraiment désolé, je m’exprime le cœur lourd”, confie le jeune fidèle, frottant du coup son visage.
“En tant que femmes, il est temps de nous repentir...”
14 h. Les entrées et sorties s’enchainent dans le mausolée où gît désormais Serigne Abdoulaye Thiaw Lahi. Les disciples, dominés par une forte émotion, psalmodient en chœur un chant religieux rythmé par des claquements de doigts. Sous l’effet des paroles bénies, des layennes versent de chaudes larmes et couvrent leur visage.
Trouvée à l’entrée, Ramatoulaye Fall a les yeux rougis par la tristesse. Masque bien porté, sacoche dans sa main gauche, elle s’apprête à prendre un moyen de transport pour rentrer chez elle. Evoquant le rappel à Dieu de son khalife, Ramatoulaye ouvre du coup ses petits yeux et répond par des hochements de tête. Seulement pour elle, les femmes doivent tirer des leçons sur les enseignements d’Abdoulaye Thiaw Lahi et les appliquer. “Nous devons nous repentir auprès de Dieu, surtout nous les femmes. Je m’inquiète beaucoup pour nous, car nous sommes trop souvent négligentes dans l’adoration de Dieu. Certaines se dépigmentent et mettent des cheveux naturels. Nous ne prions même pas à l’heure, car nous accordons trop d’importance à cette vie d'ici-bas”, sermonne-t-elle.
Avant de rappeler : “Les deux khalifes de renommée qui nous ont quittés doivent nous interpeller sur la relation qu’on entretient avec notre Seigneur. Ils sont partis aujourd’hui avec de bonnes provisions. Mais nous, qu’est-ce qu’on a fait pour notre avenir dans l’au-delà ?”, se demande Ramatoulaye Fall, l’air désespérée.
Moustapha Diakhité (stagiaire)