Djiby Ndiaye risque un an ferme

Djiby Ndiaye a comparu hier, devant la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar pour diffusion de fausses nouvelles, organisation d’un attroupement non armé et outrage à magistrat. À la barre, cet homme de 39 ans, professeur de Français au lycée Delafosse, n’a pas nié les propos tenus dans une vidéo projetée à l’audience, mais a tenté d’en nuancer la portée. Les faits reprochés sont en lien avec une marche politique qu’il avait organisée avec son mouvement le Rassemblement des travailleurs du Sénégal (RTS), courant 2025.
« Il n’y a plus de démocratie, ni de liberté, ni de justice », déclarait-il dans la vidéo, devant une foule de manifestants. Il y accusait nommément le procureur de la République, Ibrahima Ndoye, de partialité dans le traitement des affaires judiciaires, estimant qu’il n’arrêtait que les opposants et qu’il était devenu « le procureur de Pastef » et de « Ousmane Sonko ». À la barre, Djiby Ndiaye a soutenu que ses propos relevaient de la critique politique. « J’ai prononcé un discours politique. J’ai fait un constat. Ce n’était pas une attaque personnelle », a-t-il expliqué.
Mais, le président du tribunal n’a pas caché son agacement. « Personne ne vous reproche votre engagement politique », a-t-il affirmé, avant de s’indigner : « après ce procureur, ce sera nous, les magistrats, que vous attaquerez. Respectez-nous ! ». Il a également rappelé que le procureur Ndoye « supportait une lourde responsabilité pour la stabilité du pays ».
Interrogé sur les accusations financières évoquées dans la vidéo notamment les sommes de deux milliards et de 350 milliards de francs CFA que les autorités auraient, selon lui, utilisées pour « acheter des véhicules, des costumes et marier des femmes », le prévenu a évoqué un rapport officiel. « C’est un rapport du premier trimestre 2025. On ne m’a pas permis de l’apporter à la section de recherches. Je voulais juste sensibiliser à partir de données économiques. Je n’ai jamais eu l’intention d’accuser quelqu’un en particulier », s’est-il défendu.
Puis, plus bas, il a avoué : « je reconnais que j’ai extrapolé. Je vous le concède ». Sur les propos appelant les Sénégalais à « sortir se battre », Djiby Ndiaye a également tenté de se justifier. Selon lui, ce discours s’adressait uniquement à ses camarades du RTS. « C’est une question de sémantique. Je ne faisais pas appel à la violence. D’ailleurs, j’avais précisé sur mon compte TikTok que toute personne qui viendrait semer la zizanie n’était pas la bienvenue ».
Mais pour le parquet, la ligne rouge a été franchie. « Dans cette vidéo, il parle de sommes énormes prétendument détournées, sans aucune preuve. Il s’en prend personnellement au procureur Ndoye en mettant en doute son indépendance. Il l’accuse d’être au service d’un parti. Il a aussi appelé à se battre. Ces propos sont graves », a martelé le représentant du ministère public, avant de requérir un an de prison ferme et une amende de 500 000 francs CFA.
Interrogé directement, Djiby Ndiaye a nié toute intention malveillante à l’égard du procureur. « Je n’ai jamais rencontré M. Ndoye. Je ne lui en veux pas personnellement. Ce sont des critiques sur le fonctionnement de la justice. Et je les assume, même si j’admets les avoir mal formulées », a-t-il martelé.
Les avocats de la défense ont plaidé pour une lecture mesurée des faits. Me Souleymane Soumaré a parlé d’ « un homme engagé, pas un fauteur de troubles ». « Oui, il a eu des écarts de langage. Mais ce n’était pas prémédité. Ce que vous jugez aujourd’hui, c’est la parole d’un homme blessé par ce qu’il vit », a souligné l’avocat. Me Daff a, quant à lui, invité le tribunal à replacer l’affaire dans son contexte : « C’est un citoyen en colère qui a voulu exprimer un malaise social. Il ne s’agit ni d’un appel à l’insurrection, ni d’un outrage intentionnel ».
Djiby Ndiaye, qui n’a jamais élevé la voix au cours de l’audience, a clos sa déclaration en rappelant l’objectif de la marche : « nous avons manifesté pour réclamer l’intégration des 30 000 travailleurs licenciés et la libération des détenus politiques. Ce n’était pas contre la justice. Ce n’était pas contre la République ».
Le jugement a été mis en délibéré au 23 juillet prochain.
MAGUETTE NDAO