DEBAPTISER DE GAULE POUR REBAPTISER MAMADOU DIA EST UNE HERESIE HISTORIQUE

La symbolique est sibylline. Le président Mamadou Dia n’aurait jamais accepté de son vivant, d’effacer de la mémoire collective le général De gaule, pour mettre son nom à un boulevard, fut-il un symbole de l’indépendance du Sénégal. Les raisons de cette hérésie historique sont multiples et variées.
Le président Mamadou dia fut élu grand conseiller de l’AOF en 1948 et devient sénateur du Sénégal de 1949 à 1955, puis député au palais Bourbon en 1956, avec Senghor, où ils siégeaient au nom des indépendants d’outremer. Pendant l’exercice de son mandat de sénateur, le président Mamadou Dia entretenait de solides relations avec le général De Gaule qui l’avait choisi comme son collaborateur pour les affaires économiques et de l’économie arachidière au Sénégal en tant que spécialiste des questions économiques. A ce titre, le président Mamadou nourrissait un profond respect au général De Gaule en tant que libérateur avec les alliés de la France et des possessions nazi particulièrement en Afrique (dont Dakar sous le régime du gouvernent Vichy) pendant la deuxième guerre mondiale ,mais aussi et surtout , le général a été celui qui ,contre mauvaise fortune bon cœur, a permis au Sénégal de recouvrer pacifiquement la souveraineté nationale . Aux porteurs de pancartes qui avaient massivement occupé la place Protêt devenue place de l’indépendance pour réclamer la souveraineté du Sénégal, le général répondit’’ Vous voulez l’indépendance, prenez la ‘’. Ainsi, le Sénégal accéda à la souveraineté nationale sans coup férir, après le discours historique devant le général de Me Valdiodo Ndiaye mandaté par Senghor et Dia. Les raisons de l’absence de Senghor et Dia à cette importante procession à la place Protêt des porteurs de pancartes et du discours demandant l’indépendance à la puissance colonisatrice par Me Valdiodio Ndiaye le 26 Aout 1958, étaient plutôt liées aux relations humaines qu’entrainaient ces derniers avec le général, lesquels avaient préféré s’éclipser pour ne pas le contrarier. De plus, le président Mamadou Dia n’a jamais pensé un instant, durant toute sa vie centenaire, effacer le nom du Général De Gaule de la mémoire collective et du patrimoine historique du Sénégal. Ne serait’ ce que pour ces deux raisons évidentes majeures sur la libération de la France et de l’empire colonial du joug nazi et, sur la souveraineté acquise pacifiquement, le nom du général De gaule ne devrait pas disparaitre de de la mémoire collective et du patrimoine historique du Sénégal.
Nous pouvons dire que l’histoire s’est répété, devenant ainsi une farce avec les raisons profondes à la base de la démission de Van Vollenhoven du gouvernorat général de l’Aof qui tenaient plus à sa ferme volonté de s’opposer à l’enrôlement forcé dans l’Armée française coloniale de ressortissants sénégalais hors des quatre communes, pendant la première guerre mondiale (Saint-Louis, Gorée, Rufisque, Dakar).Il fut alors blâmé et finit par être redéployé en première ligne à la tête de sa compagnie qui se battait opiniâtrement lors de l’offensive de la 10ème Armée du général Mangin en Afrique du nord, où il mourut héroïquement arme à la main, mortellement frappé à la tête d’une balle de mitrailleuse, le 20 juillet 2018, à la veille de sa 41ème année.
N’est-ce pas un paradoxe de constater que le président Lamine Guèye qui porte aujourd’hui le nom du lycée auparavant baptisé lycée Van Vollenhoven, contribua à l’abolition de l’indigénat dont Van Vollenhoven fut en réalité le précurseur ?
Au demeurant, les souffrances atroces des Peuples noirs depuis les âges antiques avec l’esclavage et la traite négrière, les colonisations forcenées et, jusqu’à nos jours, avec le commerce inégal et le racisme, ont, de tout temps, été décriées par les penseurs libres de ce monde, comme des crimes contre l’humanité. Le Président Senghor fort justement, de même que Aimé Césaire, Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, rappelaient dans leurs nombreux écrits, les souffrances particulières ininterrompues des Peuples noirs, depuis l’aube des temps. Toutefois, ils n’en faisaient pas une fixation pour se focaliser plus sur l’avenir, en vue de l’avènement d’un monde plus humain et plus juste. C’est pourquoi, au lieu de nous apitoyer sur notre sort en continuant de jeter des larmes comme des passéistes sentimentalistes pour rouvrir des plaies de l’histoire, ressuscitant les rancœurs, nous devrions nous redéployer pour faire retrouver à l’Afrique ses entités spatiales précoloniales homogènes et ses dynamiques régionales et continentales. C’est justement là ,notre salut pour demain, un combat d’avant-garde et, comme disaient Léopold Senghor, Cheikh Anta ou tant d’autres, faire retrouver à l’Afrique son unité culturelle, spatiale, économique et politique devant les égoïsmes nationaux, condition sine qua non de son développement réel et de sa vraie liberté. L’appel à la jeunesse à un combat pour déboulonner des statuts ou rebaptiser des rues et édifices publics, est un combat émotif, réactionnaire et d’arrière-garde. Il n’entre pas dans nos priorités actuelles qui doivent porter en substance sur l’unité économique du continent, principal obstacle à notre développement réel et notre véritable liberté. N’agissons pas sur de fausses idées pour ouvrir des plaies de l’histoire. En réalité, depuis l’origine des temps, il n’y a eu que des conquêtes, des guerres, des razzias, et les Arabes furent les premiers conquérants de l’Afrique. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faille recommencer un combat contre les colonisations en essayant de récrire les pages de l’histoire et ses frasques d’antan, ni surfer sur un nationalisme populiste étriqué, pour se faire une place au soleil, en jouant sur la sensibilité des populations. Notre vrai combat, c’est celui contre nous-mêmes, afin de nous unir, pour une Afrique nouvelle.
La valeur des hommes ne dépend point de la race ou de la nationalité. Elle n’a pas, en effet, de frontière. Les hommes ou femmes valeureux, faisant bonne œuvre, quelles que soient les circonstances, possèdent dans leur génome certaines vertus universelles. Ils participent dès lors à la formation d’un trésor, source de référence et d’inspiration pour l’humanité. En aucune manière, les hommes valeureux ne doivent jamais être effacés de la mémoire collective et leurs noms doivent rester de façon indélébile dans le patrimoine historique mondial. Ces vertus ont trait à la reconnaissance de la souffrance des autres, au devoir de mémoire, à l’implication sociale engendrée par le courage, le devoir de vérité et la justice.
Tout de même, l’humanité doit à la France le siècle des lumières ainsi que la première révolution mondiale et la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen et, au général De gaule, la libération de la France et de l’empire colonial des mains nazies ayant déclenché le processus de la décolonisation en Afrique.
Kadialy Gassama, Economiste
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Rufisque