''Au Sénégal, la drépanocytose touche 10% de la population''
Maladie héréditaire, la drépanocytose toucherait 10% de la population sénégalaise. Pour éviter d’exposer sa progéniture, à l’instar de la petite Aïssatou, un bilan prénuptial est souhaitable.
Aïssatou Diallo, 19 ans, a passé son bac S1 (option science) avec succès en 2012. Peu après, elle est reçue au concours de l’Institut des sciences de la terre (IST) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Mais l'étudiante bute, au moment de l’inscription, à une réserve du service de la scolarité de l’IST qui a constaté dans le dossier médical que la brillante petite élève est drépanocytaire. Pour plus de précaution et d’équité, l’institut l’envoie requérir l’avis de son médecin traitant qui la suit depuis l’âge de 5 ans. Elle débarque, anxieuse, au service drépano du CHU de Fann, habillée d’une djellaba sombre, d’un collant qui enveloppe son corps surmonté d’une burqa à la tête. L’attente est longue, puisque son rendez-vous n’est pas régulier. Plus tard, le professeur Ibrahima Diagne, son médecin traitant, arrive et fait appel à la patiente. Un peu crispée, la démarche chancelante, Mlle Diallo s’introduit dans le bureau du médecin. Elle expose son problème, reçoit l’avis favorable du professeur Diagne et en ressort très soulagée.
Sourire aux lèvres, l'étudiante confie : ''Le professeur m’a dit que tant que je reste au Sénégal, il n’y a pas une hauteur que je ne puisse escalader, car c’était la principale réserve de l’IST à cause du manque d’oxygène en élevation et du changement de température.'' C’est au moment de l’entretien que le jury a remarqué dans son dossier que la petite Aïssatou était inapte pour les épreuves physiques au baccalauréat. ''Quand le jury m’a demandé, j’ai dit que j’étais drépanocytaire. Il m’a fait savoir que pendant la formation, en géologie, on aura à escalader des montagnes et il y a des altitudes que je ne pourrai pas atteindre, car j’ai tout le temps besoin de l’oxygène et il fait froid en altitude. Mais le professeur (et médecin traitant) m’a dit que cela ne pose pas problème'', expose-t-elle toujours en lévitation.
Dans les conseils, il est précisé que le drépanocytaire doit éviter les variations brusques de température (passage du chaud au froid) et les hauteurs de plus de 1500 mètres. ''Cela est lié aux facteurs déclenchant une modification biochimique. Il se traduit par une déshydratation en période de chaleur et une contraction des vaisseaux, rendant difficile la circulation du sang en période de froid. En ce qui concerne l’altitude, plus on est en hauteur, moins on a de l’oxygène et plus il fait frais'', explique Dr Indou Dème Ly, ancien interne des hôpitaux, pédiatre à Fann. La spécialiste ajoute que ''pendant le froid, le sang circule difficilement du fait de la cristallisation des vaisseaux. Ce qui peut entraîner des douleurs. C’est pourquoi on demande aux malades de bien se couvrir et de surveiller en permanence la température qui doit être de 38°''.
Bilan prénuptial
En effet, la drépanocytose est une maladie héréditaire de l’hémoglobine, protéine contenue dans le globule rouge et chargée de transporter l’oxygène partout dans l’organisme. ''Dans la drépanocytose, l’hémoglobine normale, appelée hémoglobine A, est remplacée par une hémoglobine anormale dénommée hémoglobine S. Lorsque le globule rouge comprend une moitié d’hémoglobine S, la personne est dite AS ou porteur du trait drépanocytaire. Si les deux moitiés de l’hémoglobine du globule rouge sont de type S, le sujet est dit SS'', précise Dr Indou Dème Ly. Aïssatou a les deux parents AS, c'est-à-dire porteurs du trait drépanocytaire où la maladie n’est pas exprimée.
Pourtant, dans le schéma de transmission, si les deux parents sont porteurs du trait drépanocytaire sous la forme AS, il y a 50% de chance que l’on retrouve, dans la progéniture, la forme AS, 25% de drépanocytaires SS et 25% qui ne présentent aucune anomalie au niveau de l’hémoglobine. ''C’est pourquoi il est souhaitable de faire des bilans prénuptiaux, pour éviter d’exposer sa progéniture. Car la drépanocytose touche 30% de la population au Sénégal et toutes les ethnies'', précise Dr Ly.
Le diagnostic est réalisable à la naissance et à tout moment sur une goutte de sang, grâce à des examens de laboratoire (électrophorèse de l’hémoglobine). La maladie se manifeste par une mauvaise circulation du sang qui occasionne de vives douleurs osseuses et abdominales, une anémie et une coloration jaune des yeux, dues à la destruction des globules rouges et une susceptibilité accrue aux infections. En cas d'affection SS, un suivi régulier est recommandé chez le médecin spécialiste, au moins une fois tous les quatre mois.
Pierre Birahim DIOH
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