Publié le 10 Aug 2015 - 22:21
ECONOMIE, ADMINISTRATION, JUSTICE, EDUCATION…

Le Diagnostic sans appel de Mamadou Lamine Loum

 

Alors que le mot émergence est aujourd’hui l’un des vocables les plus utilisés au sommet de l’Etat, Mamadou Lamine Loum lui, livre un diagnostic de la situation du pays qui indique que le Sénégal est loin d’avoir la tête au-dessus de l’eau. Il animait ce samedi une conférence sur les constitutions africaines, organisé par le CERSSEM et le GRAPPE.

 

Longtemps resté dans l’ombre, le dernier Premier ministre du régime socialiste Mamadou Lamine Loum a fait une sortie à la faveur d’une conférence qu’il animait ce samedi. Le Cercle d’études et de réflexions stratégiques pour un Sénégal émergent (CERSSEM), en partenariat avec le Groupe de réflexion et d’analyse et de prospective sur les processus politiques, économiques et sociaux (GRAPPE), l’ont invité à réfléchir sur le thème : ‘’Les constitutions africaines à l’épreuve du développement et de la démocratie : l’exemple du Sénégal.’’

L’ancien ministre de l’Economie en 1998 s’est livré à une lecture très critique de la constitution en particulier, la situation du pays en général. S’agissant de la charte fondamentale,  il la trouve peu ou pas connue du peuple. De plus, à son avis, la constitution a ‘’perdu sa sacralité par les manipulations circonstancielles trop souvent répétées dont il a fait l’objet’’. A cela, il faut ajouter la persistance de quelques dispositions liberticides.

Quant au Conseil constitutionnel chargé de veiller à l’application stricte de la constitution, il se déclare souvent incompétent. Le conférencier explique que c’est parce l’institution ne s’appuie pas sur la philosophie politique qui guide les lois. Ce qui permettrait de justifier ses décisions non pas sur des énoncées, mais sur les principes qui fondent les textes écrits. Selon Mamadou Lamine Loum, cela aiderait à ne plus avoir des zones de non-droit ; ‘’tout allait pouvoir être jugé par le conseil’’.

Sur la situation du pays de façon générale,  le dernier premier ministre du président Abdou Diouf, affirme que ‘’le modèle culturel dominant ne converge pas avec les vertus de la citoyenneté.  Cela se traduit par du clientélisme, du détournement de deniers publics et de l’instrumentalisation de l’Etat’’. Et malgré tout, il y a une absence totale de reddition des comptes et très souvent une responsabilité introuvable. ‘’Le principe comme quoi tous ceux qui ont des pouvoirs ont une responsabilité n’est pas respecté dans notre constitution’’, dit-il.

A propos des pouvoirs, le conférencier estime qu’ils ne sont ni séparés ni équilibrés. Et il y a même une inféodation des deux autres par l’exécutif. ‘’Le parlement n’exerce pas tous ses pouvoirs de contrôle de l’action du gouvernement, il ne peut pas exercer le nouveau rôle d’évaluation des politiques publiques qu’on lui prépare.’’

Le pouvoir judiciaire aussi a ses maladies qui lui sont propres. ‘’La justice est dominée, elle est moins pourvue en ressources humaines et en ressources matérielles. Ses décisions ne sont pas toujours prédictibles par les usagers. Et elles ne sont pas toujours écrites’’, analyse M. Loum.  Ce dernier déplore aussi le fait que  des jugements soient souvent rendus, et que les justiciables restent parfois pendant longtemps sans pouvoir disposer de la grosse de jugement. A l’en croire, il faut également ajouter aux maux de la justice les abus de détention préventive.

De son côté, l’administration est désorganisée, constate-t-il. Que ce soit le recrutement, le plan de carrière, le contrôle ou la rémunération, tout dépend du bon vouloir de l’autorité. ‘’On n’est plus devant un système comme cela existait. On est devant des approches qui se télescopent. Il n’y a plus de grille de lisibilité, de règles générales et impersonnelles’’. Or, poursuit-il, avec les baux de 10 à 12 ans (deux mandats de 5 ou 7 ans) signé avec les autorités, l’administration reste, plus que par le passé, le bras séculier de l’Etat. Si des normes claires ne sont pas dégagées mais que les agents doivent leur promotion à l’autorité, cela peut être une porte ouverte à toutes les dérives avec les changements d’équipe au pouvoir.

Loum confirme Serigne Mbaye Thiam

Une analyse du secteur de l’Economie montre que celui-ci souffre de la vision pour la prospective et la planification qui n’est pas encore réhabilitée. Aux dires de l’ancien premier ministre, le pays n’a pas encore de plan et de vision prospective qui, même si elle a été préparée, n’a pas encore été adoptée et le plan n’est pas encore activé. En outre, selon lui, ‘’l’économie reste marquée par le détournement des deniers publics. Et ces derniers sont mal alloués aux secteurs et zones géographiques. Aussi, les secteurs prioritaires, même déclarés, ne reçoivent pas les sommes déclarées’’.

Mamadou Lamine Loum donne l’exemple de l’Education nationale. Entre 2000 et 2012, de fortes sommes ont été déclarées. Mais, d’après lui, quand on fait le point, il faudra attendre la huitième année (2008) pour voir le taux de réalisation approcher les 32% à 33% de réalisation, selon les chiffres officiels du gouvernement. ‘’Et pourtant, c’est 40% qui ont été toujours déclarés. Cela pose un problème, ça veut dire que le budget alloué et dédié n’arrive pas’’. Et d’ailleurs, parlant de cette éducation, Mamadou Lamine Loum n’est pas loin d’avoir la même thèse que le ministre de tutelle Serigne Mbaye Thiam. ‘’L’éducation est dans une crise profonde. Plus profonde que nous le pensons. Et ça va affecter pendant longtemps encore l’éducation de nos enfants’’, prévient-il.

Et si l’on suit la logique de Loum, il est difficile à ce jour de compter sur le contrôle. Certes, il y a des organes de contrôle dans les ministères, en plus des institutions comme l’IGE et la Cour des comptes mais les contrôles, dit-il, sont inopérants. D’ailleurs, le ministre soutient qu’il y a des dérapages récurrents, notamment les fonds d’avance qui reviennent. Mamadou Lamine Loum qui a fait une dizaine d’années au Trésor déclare n’avoir jamais connu de fonds d’avance. ‘’Nous avons pris de mauvaises habitudes qu’il faut corriger.’’

Quant aux zones géographiques, celles qui sont mal pourvues voient chaque année l’écart se prononcer avec les autres régions au lieu de diminuer, alors que la loi interdit même aux ressortissants de ces régions de rouspéter, parce que cela serait du régionalisme.

Avec ce diagnostic, autant dire qu’on est loin de l’émergence. C’est pourquoi d’ailleurs le conférencier lui-même déclare ne pas vouloir utiliser ce terme.

BABACAR WILLANE

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