Les réserves du Dr Didier Raoult
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Admettant globalement l’administration des vaccins aux personnes les plus à risque, le directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille, le docteur Didier Raoult, s’est voulu beaucoup plus prudent sur l’efficacité du vaccin, ainsi que son injection à la population générale, compte tenu du rapport bénéfices/risques.
Ses sorties sont devenues plus rares, moins médiatisées, mais elles restent toujours très bien scrutées à travers les réseaux sociaux. Dans sa toute dernière, le célèbre directeur de l’IHU de Marseille revient largement sur le variant Delta et sur la campagne de vaccination en vogue partout dans le monde. Et comme souvent, il aime à répéter ce principe sacro-saint qui semble, à ses yeux, au-dessus de bien d’autres, c’est-à-dire la primauté des données.
Docteur Didier Raoult : ‘’Il y a une question qui revient de façon très régulière, en ce qui concerne les données sur le virus. Est-ce qu’on doit donner la réalité ou la cacher, si elle va contre ce que l’on croit être bon ? Moi, je suis de ceux qui pensent que mon rôle, ce n’est pas de faire la politique de santé publique. Mon rôle, c’est d’analyser des données et de tirer des conclusions. Mais nous, notre élite a été formée par un scientifique qui avait estimé que quand on a à choisir entre les données et le risque social qui peut apparaitre avec la diffusion des données, il ne faut pas choisir les données. Eh bien nous, nous sommes pour les données réelles chiffrées.’’
Mais que disent donc les données, en ce qui concerne la capacité des vaccins à protéger contre les formes graves de Covid-19 ? Pour le Pr. Raoult, à ce stade de la pandémie, il serait difficile, voire impossible de se prononcer dans un sens ou un autre, en s’appuyant sur les données. Il précise : ‘’Il est évident que les variants sont associés à des gravités différentes. Indépendamment de l’âge, il y a une différence de gravité que l’on observe chez les gens infectés par ce variant – ce qui est plutôt une bonne nouvelle - mais qui n’est pas jusqu’à présent dépendant, pour autant qu’on ait été capable de le mesurer, de la vaccination. C’est possible que la vaccination réduit la gravité, mais on verra bien avec les données. Pour le moment, on peut avoir un discours encourageant pour la vaccination. Moi, ça ne me gêne pas, mais des données qui le démontrent, on ne les a pas.’’
Militant invétéré des données scientifiques, le directeur de l’IHU donne l’exemple de son institut qui a eu près de 1 000 patients vaccinés et contaminés. Mais, il ne se hasarde pas trop dans le commentaire. Interpellé, il explique : ‘’Pour l’instant, c’est très difficile à évaluer. Moi, je ne sais pas le faire. Et je crois qu’en réalité, personne ne sait le faire. Parce qu’il n’y a pas assez de données, surtout autonomes, indépendantes. Il y a, par exemple, des différences spectaculaires par rapport à l’évaluation des effets secondaires. Des officiels aussi sont sortis nous dire que les vaccinés ne sont pas contagieux ; ce n’est pas vrai et maintenant cela est démontré. Après, ils sont venus nous dire que les charges virales sont plus basses ; là aussi, ce n’est pas vrai. Et il y a au moins trois papiers qui disent que c’est la même charge virale. Nous, nous avons constaté que les charges virales sont même parfois plus importantes chez les vaccinés. On ne sait pas pourquoi…’’
Doutes sur l’efficacité
Alors que le débat persiste sur le niveau de protection des vaccins contre les formes graves de Covid, il semble aujourd’hui bien établi que les vaccinés sont aussi contagieux que les non-vaccinés, que leur charge virale est également comparable à celles des personnes non-vaccinées. Aussi, explique Didier Raoult, les pays où la vaccination est des plus avancés ne sont pas non plus épargnés par le variant Delta. Il explique : ‘’Il y a une mesure assez intéressante qui est apparue. Il s’agit de la hauteur du pic, c’est-à-dire du nombre de cas journaliers par rapport aux pics les plus élevés observés par ailleurs. Ce que j’observe, moi Didier Raoult et non comme directeur de l’IHU, ni membre de l’assistance publique, c’est que globalement, on en est à 65 % du pic le plus élevé et c’est ce qui est noté dans la plupart des pays développés… Alors, de manière intéressante, c’est complétement déconnecté de l’importance de la vaccination.’’
Pour étayer son propos, il brandit le cas de l’Island qui fait partie des pays qui ont le mieux géré la pandémie et qui fait partie des pays les plus vaccinés. ‘’Sur ce graphique, précise-t-il, un des pays qui a le mieux lutté contre la maladie en termes de mortalité, de surveillance, de rapidité de la détection, c’est l’Islande. On se rend compte qu’il a plus de cas maintenant que jamais, alors que l’Islande est le pays qui est le plus vacciné de tous les pays développés. Plus de 90 % de la population est vaccinée, et il y a plus de cas que jamais’’.
Pour lui, il ne faut certes pas en tirer de conclusions hâtives, mais cela veut dire qu’il faut de la méthode dans la vaccination des populations. En fait, semble défendre le professeur, la vaccination, compte tenu de ses bénéfices mitigés et de ses risques non encore maitrisés, devrait être réservée aux populations les plus à risque et ceux qui sont surexposés, en raison de leur contact permanent avec les malades. ‘’Globalement, on peut dire que la protection vaccinale contre les variants est modeste, en termes épidémiologiques. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas un rôle individuel pour protéger ceux qui ont le plus de facteurs de risque. On ne peut pas dire que la vaccination est inutile chez les gens surexposés et ceux qui ont des facteurs aggravants. Mais pour le reste, au niveau de la population générale, on ne peut pas dire qu’il y a un succès dans la lutte corrélée avec l’importance du vaccin’’.
Vacciner les plus à risque, ne surtout pas vacciner les femmes de moins de 60 ans avec AstraZeneca
Outre l’Islande, il a aussi donné le cas de l’Etat du Vermont, aux Etats-Unis, qui a le taux de contamination le plus élevé, alors qu’il est aussi l’Etat le plus vacciné. Au moment où certains scientifiques invoquent ces cas de figure comme des preuves que le vaccin protège contre les formes graves, Raoult, lui, se veut plus nuancé. Sans écarter carrément cette thèse, il évoque aussi l’hypothèse selon laquelle Delta serait moins virulent que certains de ses prédécesseurs.
En revanche, à en croire le biologiste, la prise en charge, elle, semble fondamentale pour sauver des vies parmi certaines catégories de patients. S’appuyant sur les données de son institut, le Dr Raoult lance que la prise en charge peut permettre de réduire significativement la mortalité. Il ne faut pas, selon lui, attendre que la situation du patient se dégrade pour essayer de lui porter secours. ‘’Quand vous prenez les personnes âgées de 40 à 59 ans, il y a une différence à la prise en charge qui est importante. Pour cette tranche, quand on traite les gens, la mortalité est très faible. De 60 à 79 ans, la mortalité est aussi plus basse, en fonction de la prise en charge. Il en est de même des patients âgés de 80 ans et plus. Donc, la prise en charge est un élément majeur de la mortalité. Ça, c’est les données ; c’est accessible à n’importe qui. Mais la question, comme je l’ai dit, c’est de savoir si ce sont les données qui sont importantes ou bien ce que ça risque de vouloir dire. Est-ce que c’est bon politiquement ou non ? Est-ce bon pour la santé publique. Ça, ce n’est pas moi mon problème’’, a-t-il renchéri, non sans relever que de 0 à 39 ans, la mortalité reste très faible, quelle que soit la prise en charge.
Revenant spécifiquement sur le vaccin AstraZeneca, il a mis en garde contre toute administration aux femmes de moins de 60 ans. Il affirme : ‘’Nous avons été les premiers à dire que le vaccin AstraZeneca chez les femmes de moins de 60 ans, il ne faut pas le faire, parce qu’il y a une série de troubles, en particulier les coagulations… Donc, les bénéfices pour ces populations étaient moindres que le risque. On a été attaqué même par ‘Le Lancet’. Aujourd’hui, même AstraZeneca le déconseille aux moins de 50 ans’’.
Dans la foulée, Didier Raoult n’a pas mâché ses mots, quand il s’agit de trancher le clivage entre pro-vac et anti-vac. ‘’Cette vision du tout ou rien, du pro-vac ou anti-vac, c’est le langage des imbéciles, des idiots. On ne peut pas être entièrement anti ou entièrement pro. La question, c’est pour qui, quand, à quel moment, à quel endroit ? Il faut être raisonnable et cesser d’opposer les uns les autres’’, peste Mister Chloroquine.
IHU DE MARSEILLE Raoult lâché par ses partenaires ! Dans la foulée de cette dernière sortie, le professeur Didier Raoult, informe le journal ‘’Le Monde’’, est ‘’poussé vers la sortie par les partenaires de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille’’. ‘’L’Assistance publique de Marseille et Aix-Marseille Université, membres fondateurs de l’IHU Méditerranée Infection, annoncent ne pas vouloir prolonger le mandat du microbiologiste’’, écrit le journal. Selon le nouveau directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), François Crémieux, il y a un besoin de tourner une page et d’organiser l’avenir de l’IHU pour les vingt ans à venir. ‘’Il faut, dit-il, aller vite, lancer le processus à l’automne pour aboutir, entre la fin de l’année et le début 2022. Nous sommes en pleine pandémie mondiale et nous avons besoin de cet institut, qui est un formidable outil, et de ses chercheurs’’, rapporte le site français d’informations. En fait, le 31 août prochain, Didier Raoult, rattrapé par la retraite, ne sera plus professeur des universités-praticien hospitalier au sein d’Aix-Marseille Université et des hôpitaux universitaires de Marseille. Selon le journal, Raoult avait fait parvenir à la direction de l’AP-HM une demande de cumul emploi-retraite, mais cette dernière ne prévoit pas de lui accorder cet aménagement. ‘’La Commission médicale de l’AP-HM ne voit pas d’objet à prolonger Didier Raoult, ne serait-ce que pour deux journées et demie par semaine, comme il le demande. Il y a largement les équipes nécessaires, à l’IHU, pour que son départ soit comblé’’, assure le professeur Jean-Luc Jouve, Président de la Commission médicale d’établissement (CME), cité par ‘’Le Monde’’. Du côté de l’université, le président Eric Berton confirme, lui aussi, d’après le média, que Didier Raoult sera un retraité à partir du début septembre et qu’il est ‘’l’heure de préparer sa succession dans la clarté’’. ‘’Au-delà de la personnalité de son directeur fondateur, il y a eu une continuité de l’IHU qu’Aix-Marseille Université tient à maintenir. Nous allons poser le processus sur la table et voir comment les autres membres fondateurs se positionnent’’, déclare M. Berton dans le journal. (Avec ‘’Le Monde’’) |
MOR AMAR