Prêtes à tout pour un financement
Les groupements et associations de femmes sont au-devant de la scène, depuis l’annonce de la tenue des élections locales. Elles sont la cible préférée des candidats. A cause des promesses d’appui financier, certaines femmes ont abandonné maisons, époux et enfants pour battre campagne. Cependant, si certaines ont pu bénéficier de financement, d’autres courent encore derrière des promesses de candidats.
L’air fatigué, Mère Sène titube. De petite taille, teint noir, elle se soucie peu de son grand boubou qui traine et amasse la saleté des rues de son quartier. Depuis le début de la campagne, elle n’a pas passé une journée complète chez elle. Elle est dans la mobilisation des membres de son association pour soutenir l’ancienne députée Hélène Tine, seule femme candidate à la mairie de Thiès. Elle est présidente d’un groupement d’intérêt économique à Nguinth Diakhao. Sa mission à elle, faire connaitre le bulletin de son candidat, pour éviter toute confusion le jour du vote. ‘’Nous, Hélène Tine nous soutenait bien avant ces élections. Grâce à un financement qu’elle nous a octroyé depuis plus de cinq ans, nous travaillons et nous nous activons dans la fabrication du Javel grains. Donc, c’est normal que nous la soutenions pour qu’elle gagner la mairie’’, confie Mère Sène.
En cette dernière semaine de campagne, elle fait du porte-à-porte. Dans ses bras, une pile de posters aux couleurs jaune et bleu et à l’effigie de la candidate Hélène Tine. Elle compte bien réussir sa mission.
Qu’elles soient investies dans les listes ou non, les femmes sont au-devant de la scène, dans cette campagne électorale. Une période faste pour des organisations regroupant des femmes dans les collectivités. Enrôlées, elles s’occupent de l’ambiance des meetings. Leur rôle : applaudir, chanter, danser et faire les éloges des candidats. Depuis l’annonce de la tenue des élections locales, les occupations se sont transformées dans les GIE. Le mot d’ordre est désormais la mobilisation. Elles subissent les bousculades, lors des rencontres politiques. Elles supportent la poussière et le vent. Pourvu que le responsable politique qu’elles soutiennent remarque leur présence.
Sophie est membre du GIE Suxxali Thialy. Elle a reçu un T-shirt et un tissu pour assister au meeting du candidat de Benno Bokk Yaakaar dans la commune de Thiès-Nord. Son association a décidé de soutenir ce candidat qui a promis un financement à hauteur de deux cent mille francs CFA. ‘’Nous avons un projet de fabrication de savon, et le maire sortant a dit qu’il va nous financer pour son démarrage. Avant la campagne, il nous avait offert des poubelles. On espère donc recevoir bientôt les deux cent mille’’, explique-t-elle.
Au quartier cité Lamy, 50 groupements de femmes ont reçu un financement du ministre Yankhoba Diattara, candidat de BBY à la mairie de la ville de Thiès.
A Thiès-Est, il est dit que le candidat d’And Siggil Thiès, Abdoulaye Dièye, accompagne les femmes dans un financement sans intérêt. C’est aussi lors d’un meeting, au mois de novembre dernier, que le candidat Mamadou Lamine Massaly a remis un million de francs CFA aux femmes du quartier 10e.
Des promesses électorales souvent non tenues
Si Sophie croit ferme à la tenue de cette promesse par son candidat, Diarra, elle, est sceptique. Elle a passé toute la soirée du dimanche à attendre des responsables de la coalition Siggil Thiès. Il lui était annoncé un financement, si elle présentait les papiers d’une association de femmes. La sienne s’active dans la transformation de céréales locales. A la place du financement, ce sont de belles paroles. Elle rentre donc avec une promesse.
Diarra doit toutefois mobiliser et participer aux manifestations politiques du candidat de la coalition dans sa commune. Pas encore de financement, mais elle a quand même reçu un lot de T-shirts et une somme pour convaincre les membres de son association à participer au meeting du mercredi. ‘’La présidente de la commission féminine de la coalition nous a reçues. Elle a promis de parler de notre GIE à Abdoulaye Dièye. Mais ma crainte est qu’après les élections, qu’on ne les voit plus’’.
Clotilde et son association Les Jeunes Dames Nduts » de Thiès sont loin de ces craintes. Pour ces élections, elles n’ont soutenu aucun candidat. Le responsable politique qu’elles ont soutenu, lors de la Présidentielle de 2019, n’a tenu aucune de ses promesses envers elles. ‘’Lors de la Présidentielle passée, nous avions soutenu un responsable APR. Nous avons participé à toutes ses manifestations politiques à Thiès. On mettait notre tissu uniforme. Et on chantait et dansait partout où il passait. Il nous a promis cent chaises pour notre association et un financement. Mais on ne l’a pas revu après l’élection et il ne décrochait plus nos appels’’, déclare Clotilde.
Les hommes se plaignent…
Pascaline, elle, se plaint de courbatures. Elle dit avoir mal partout. Elle participe à une caravane, depuis le début de la campagne. Elle rentre à des heures tardives. Deux mille francs, la journée, en vaut la peine, selon elle. ‘’Ils nous ont dit qu’à la fin de la campagne, ils vont faire les comptes et nous payer chacune ces jours de campagne ; c’est deux mille francs par jour. Là, on s’apprête à partir’’, explique-t-elle.
Une situation qui n’est pas du goût des maris. Ces derniers se sentent abandonnés. Le sujet est soulevé au niveau de ce terrain de foot à Thialy. Les commentaires des hommes sont unanimes. Leurs épouses ont délaissé les maisons au profit de la campagne et des candidats. ‘’Moi, la mienne, je ne la vois que le matin, avant d’aller au travail. Quand je rentre, elle est déjà partie et je dors déjà à son retour à la maison’’, a dénoncé Joe, la quarantaine. ‘’Elles n’ont pas notre temps. C’est la politique, rien que la politique. Demain, quand il y aura des problèmes dans leurs foyers, ces politiciens ne seront pas là pour les aider à résoudre les problèmes’’, lance Abdou.
A trois jours de la fin de la campagne, les groupements de femmes sont en plein dedans. Leurs journées sont rythmées par la distribution de posters et les rassemblements pour les meetings. Pour certaines, le seul ‘’financement’’ reçu pour le moment, c’est un bout de tissu ou un T-shirt.
JEANNE SAGNA (THIES)