''Aucune réalisation n'a été faite à Kaolack''
Le porte-parole et neveu de El Hadji Ibrahima Niasse, Mouhamed Bachir Niasse, s'est prêté aux questions de EnQuête pour faire le bilan du Maouloud 2014. Sans langue de bois, il lance ses vérités crues au gouvernement de Macky Sall.
La famille religieuse de Médina Baye n'a pas été tendre avec le régime en place lors du Gamou 2014. Qu'est-ce qui s'est passé ? Est-il vrai que les engagements pris par l’État n'ont pas été respectés ?
J'ai eu écho par le COMAF (ndlr : Comité d'organisation des manifestation et activités de la Fayda) que l’État n'a pas respecté les engagements qu'il avait pris à notre égard. Je puis vous assurer que jusqu'au moment où je vous parle, la ville sainte de Médina Baye vit une pénurie d'eau. Après sept heures du matin, les populations se retrouvent sans une goutte d'eau.
Le jour du Gamou, elles ont dû utiliser des sachets d'eau pour faire leurs ablutions. Jusqu'à présent, nous avons du mal à cerner les causes de cette situation intenable qui est devenue récurrente, depuis l'avènement de l'alternance.
Il en est ainsi durant chaque Maouloud. Nous vivons des coupures d'eau et d'électricité. Idem avec l'Agence des travaux et de gestion des routes (Ageroute) qui tarde à réhabiliter la route nationale. Elle a mis du sable sur les routes, de sorte qu'on inhale beaucoup de poussière à Médina Baye. Partout, il y a des nids de poule sur les routes, occasionnant de nombreux accidents.
La commission chargée des questions de santé a signalé que les victimes du dernier accident survenu sur la route de Tamba et Kaolack ne sont pas prises en charge. C'est le COMAF qui a acheté tous les médicaments. L'accident a enregistré 3 morts et des blessés.
Tous les présidents de commission ont abondé dans le même sens ; ils jugent que l'État n'a pas respecté ses engagements. Quand nous leur avions suggéré de refaire la route Fatick-Kaolack, ils nous ont servi la thèse du contentieux. Mais le régime a changé. L'État s'inscrit certes dans une dynamique de continuité, mais il faut qu'il y ait rupture à ce niveau.
J'ai entendu le Premier ministre Aminata Touré, dans sa déclaration de politique générale, évoquer le projet de deux autoroutes Diamniadio-Tivaouane Diamniadio-Touba. Ce n'était pas prévu dans le budget, mais ils en ont fait une priorité et une urgence. Et pourtant la route Fatick-Kaolack ne repose que sur 42 km. Elle cause beaucoup de morts et de blessés. Cette route est la nationale 1 qui relie les autres routes Sénégal-Gambie, Sénégal-Mali, Sénégal et les deux Guinées.
Mais nous avons l'impression que c'est parce que la route passe à Kaolack que l'État ne réagit pas. Le président Macky Sall va bientôt comptabiliser deux ans de gouvernance et le mal est toujours là. Je me rappelle qu'un jour, le ministre de l'Équipement avait annoncé que les travaux allaient démarrer durant l'hivernage. C'était au tout début de l'année 2013.
Les mêmes promesses ont été faites pour la route de Sokone et Nioro, mais c'est toujours le statu quo. Le président Macky Sall avait pris l'engagement d'apporter des solutions et de régler la demande sociale. Nous voulons qu'il les respecte.
Qu'est-ce qui justifie, à votre avis, cette attitude de l’État envers Médina Baye ?
Tous mes parents sont nés ici. Ils y ont vécu aussi. Mon grand-père Mame El Hadji Abdoulaye Niasse s'est installé ici à l'age de 21 ans. Il venait du Djolof. Il a été enterré sur ce lieu où il a réussi à fonder la cité religieuse en 1911. Cela fait maintenant 102 ans. Nous ne connaissons que la région de Kaolack, mais nous sommes étonnés de remarquer que le problème persiste, depuis le régime socialiste, sous l'ère d'Abdou Diouf. Nous ignorons réellement les causes de ce problème.
On se pose toujours cette question. La municipalité a été construite par Valdiodio Ndiaye. Il n'y a aucun projet pour la région, à part les maisons nouvellement construites par les populations. Il n'y a aucune route d'entrée et de sortie. On garde quand même toujours espoir. Nous avons entendu Moustapha Cissé Lo dire qu'il ne faut pas être très pressés et que tout ira bien.
Nous disons amine et nous les attendons. Et je peux dire que la politique ne doit pas reposer sur la quête de l'argent. La politique, c'est un changement, une vision. Notre guide et maître spirituel Baye Niasse n'a pas pratiqué la politique, même si à un moment de sa vie, il a soutenu Lamine Guèye qu'il considérait comme un citoyen qui aime son pays.
Faudrait-il alors que les autorités religieuses mettent la pression sur l'État pour amorcer un nouveau tournant ?
Nous ne mettrons pas la pression sur l'État. Cela n'en vaut pas la peine, mais nous continuerons à dénoncer l'injustice et à dire nos vérités. Nous osons dire qu'aucune réalisation n'a été faite à Kaolack. Depuis que le Sénégal comptait six régions, la région de Kaolack est restée au même niveau. Si un président ne tient pas promesse, nous le dénonçons avec la dernière énergie.
La région de Kaolack regorge de nombreux cadres, mais elle est laissée à elle-même. Les hôpitaux manquent de médicaments, l'insalubrité prend des proportions inquiétantes, à l'image de l'agression. On voit du tout à Kaolack. Vous n'êtes pas sans savoir que l'avenir d'un pays réside dans sa jeunesse. Donc, il faut une bonne politique de développement pour éviter l'exode rural. Mais quand les jeunes ne trouvent pas d'emploi, ils sont obligés de s'exiler.
Et le Maouloud est une occasion, pour nous de livrer des messages forts, étant donné qu'on ne voit les autorités que durant les campagnes électorales. Le favoritisme des politiciens envers des familles religieuses est frappant. Mais, il y en a qui sont conscients de cela. Il ne faut pas avoir de complexe dans sa vie. Et notre fort est que Baye Niasse n'a jamais été un complexé et c'est notre référence.
Quelles ont été les innovations pour cette édition?
Cette tente qu'on a installée le jour du Gamou date du temps de Baye. Je me rappelle que c'est l'armée française qui mettait la tribune, la sonorisation et tout. Un jour, Baye a voulu mettre fin à cela. Il a pris l'engagement d'installer sa propre tribune. Un ministre des Travaux publics des années 60, Djaraf Diouf, avec la famille, l'ont aidé à réussir ce projet.
Nous nous sommes doté de groupes électrogènes, car des coupures d’électricité se produisaient lors des gamous. Même la Mauritanie apporte son soutien à la famille. Et les gens de la localité font tout pour la réussite du Maouloud. Pour dire que si on se basait sur les moyens d’autrui, on aurait des problèmes. Nous comptons améliorer les conditions chaque année.
Nous avons réalisé une maison des hôtes un R+3 qui a une salle de conférence pour 1 500 personnes, chambres singles entre autres, car beaucoup de fidèles ne veulent pas être logés dans des hôtels pour la célébration du Maouloud. Nous avons reçu beaucoup d'autorités des autres pays.
Elles ont fait le même constat, rien n'a évolué. Cette route nationale a été inaugurée par Baye Niasse, c'est normal qu'elle subisse des défaillances. Nous avons demandé au directeur d'Ageroute la construction de dos d’âne, mais jusque-là, c'est sans suite. Nous sommes attentifs à tout ce que l'État fait.
Quel est le bilan du Maouloud ?
Nous avons un bilan satisfaisant, positif, nous rendons grâce à Dieu. Les disciples ont prié dans le calme. La ferveur religieuse a été au rendez-vous. Nous avons profité du Gamou pour les exhorter à mieux pratiquer leur religion, connaître leurs devoirs et leurs droits, aimer leur pays. Des milliers de pèlerins, venus de divers horizons, ont répondu présent à l'appel de Baye Niasse.
AIDA DIENE