La basse au féminin
Au sein du groupe Takéifa, Mah Koudia la benjamine des frères Kéita assure avec des notes justes sur mesures. La guitare basse son instrument de prédilection a fait d’elle, une valeur sure qui s’affirme sans complexe.
Dans les années 70, l’orchestre des Amazones de la Guinée entièrement composé de femmes, s’était révélé en Afrique. Et si dans la marche du temps, elles sont nombreuses aujourd’hui, ces femmes qui s’expriment avec un instrument de musique au Sénégal, Mah Koudia Keïta demeure la seule bassiste dans un orchestre mixte. Avec ses cordes lourdes comme sa tonalité, même les profanes en la matière, reconnaissent que la guitare basse est un instrument «seigneurial» dans le dispositif d’une orchestration musicale. «Je me souviens qu’à mes débuts avec la guitare basse, j’avais des ampoules aux doigts à cause des cordes. Mais la sensation que l’on a en jouant n’est pas pareille à celle que l’on perçoit en écoutant ses propres partitions», confie-t-elle.
Mais Mah Koudia n’abdiquera pas pour garder de beaux ongles à l’image d’une égérie. Parce qu’il faut tenir bon pour ne pas casser la corde. Elle raconte: «Entre la guitare basse et moi, c’est un concours de circonstances. L’orchestre était incomplet et c’est moi qui avais les prédispositions pour jouer la basse. J’ai dû m’adapter psychologiquement avant d’épouser la passion.» Depuis 2008, elle inscrit ses notes sur la ligne de basse du groupe Takéifa.
La preuve par Jacques
Née le 2 avril 1988 à Kaolack, la petite Mah Koudia va suivre l’ombre d’un père Commissaire de police durant son cursus scolaire. Elle fait ses premiers pas aux cours Sainte-Marie de Hann de la maternelle à la classe de sixième. Ensuite, elle s'offre un passage éclair au Collège d’enseignement secondaire des Parcelles assainies. Admise au Bfem au collège du Sine de Fatick, Mah Koudia est en classe de seconde lorsque l’envie de gratter la guitare comme Jacques son idole, en fait une «otage.» Elle ne compte alors que quinze berges. L’étape de Louga est un tournant décisif. «J’ai toujours rêvé d’être la copie collée de Jacques Takéifa. C’est ainsi que j’ai commencé à gratter la guitare comme lui», avoue-t-elle avec un brin de fierté.
En l’absence de Jacques qui se trouvait à Dakar, c’est Cheikh Tidiane Keïta, l’autre frangin, qui lui donne ses premiers accords dans la cité du Ndiambour. Le périple scolaire de Mah Koudia la conduit plus tard dans le Baol où elle décroche le Baccalauréat en 2006 au Lycée d’enseignement général de Diourbel. Elle revient à Dakar pour s’inscrire à la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop.
Deux ans plus tard, Mah écourte ses études universitaires pour enregistrer Diaspora, le premier album de Takeifa. Inspirée par des musiciens comme Habib Faye, Papa Dembel Diop, Samba Laobé Ndiaye et Manu Galou la bassiste ivoirienne du Kiyi Mbock dirigé par Wéré Wéré Liking, Mah Koudia Keïta acquiert le respect de ses pairs du sérail musical sénégalais. «J’ose espérer que mon expérience inspirera d’autres femmes. Parce que tout le monde ne peut pas faire la même chose», estime-t-elle, souriante.
Almami CAMARA
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