‘’Je suis sûr que le Missal va revenir’’
Chanteur, auteur et compositeur Woz Kaly n’est pas bien connu de la jeune génération. Mais les aficionados du mythique groupe de la Patte-d’oie le connaissent bien. Établi en France, il y a fait aujourd’hui son chemin et s’en sort tant bien que mal. Son talent est reconnu et lui a permis de travailler avec divers artistes de renom, mais il n’en reste pas moins très humble. A Dakar pour une série de concerts qui s’ouvre ce soir même à l’institut français Léopold Sédar Senghor, il a accordé une interview à EnQuête. Il y revient sur sa vie d’artistes en Outre-manche, le retour du Missal et donne sa vision de la musique sénégalaise.
Peut-on savoir ce qui vous amène aujourd'hui au Sénégal ?
Je suis là pour présenter ce que je fais. J'aime mon pays. Je veux bien que les Européens découvrent ce que je fais mais je suis avant tout sénégalais et africain. Je préfère que mon pays accepte d'abord ma musique, ensuite les autres. C'est pour cela que quand je fais des concerts en France ou ailleurs en Europe, je tiens toujours à revenir chez moi pour montrer ce que je fais avant de repartir. Je n'oublie pas le Sénégal. Ce que je fais, je tiens toujours à le partager avec mon pays.
Dans ce cas pourquoi avez-vous choisi de vous établir en Europe ?
Le monde est fait de sorte que des gens partent et d'autres restent. Je suis ma musique et c'est elle qui m'a amené en France. Elle peut bien me ramener un jour au Sénégal ou me mener ailleurs. Je suis un terrien et je vis là où ma musique m'amène.
Votre expérience française a-t-elle eu un poids sur vos compositions musicales ?
Le fait de voyager permet de raconter plein de choses. Cela permet de faire des échanges musicaux et d'augmenter le savoir. Je suis prêt à aller au bout du monde juste pour du savoir. Le monde est tellement vaste et la musique peut permettre de découvrir tellement de choses que je ne saurais rester sur place. Je voyage beaucoup en quête de nouvelles sonorités.
Mais avant tout, il faut apprendre à être sérieux dans ce que l'on fait. Il ne faut pas toujours être à la recherche de célébrité. Ici, il y a des gens qui bossent bien. Il y a de super musiciens et de super chanteurs. Il faut toujours travailler dur. En Europe, les gens travaillent beaucoup.
Comment appréciez-vous l’évolution de la musique sénégalaise ?
Il y a un peu de laisser aller sur la musique. Il y a de la facilité dans ce que font certains. Les gens sont peut-être pressés d’être célèbres. Ils ont oublié qu’avant, il faut être artiste. Même dans la célébrité, il faut rester artiste. Youssou Ndour est très célèbre mais c’est un très grand bosseur.
Il est un exemple à suivre et cela est très important. Nous sommes des artistes, donc notre boulot, c’est être artistes. On doit être heureux avant tout. Je trouve que les gens sont un peu pressés et il ne faut pas. Travaillons, c’est le plus important. Les choses vont venir après. Le contraire fait que certains ne vont pas loin.
Vous avez travaillé avec des musiciens de Patrick Bruel et de Francis Cabrel, comment sont nées ces connexions ?
J’ai travaillé avec plein de gens bien connus, c’est vrai. Je suis quelqu’un de très curieux et touche-à-tout. Je vais jusqu’en Russie juste pour aller chercher des voix ou des sonorités. Là, je projette d’aller en Inde dans le même but. Je ne reste jamais sur place ou dans un groupe.
Est-ce cela qui explique la pluralité de sonorités notées dans votre musique ?
Oui, mais c’est juste en partie. Car, je suis issu d’un métissage sénégalais magnifique. Ma mère est une pure walo walo et il n’y a pas plus Wolof qu’elle. Mon père est de Ziguinchor. Il est mankagne et il n’y a pas plus Mankagne que lui. Donc, il y a ce truc nord-sud qui est peut-être dans mes gènes et me fait aimer tout ce qui est métissé. J’adore faire des choses différentes.
Au-delà des artistes étrangers vous avez eu à travailler avec des artistes sénégalais de renom comme Touré Kunda ou encore récemment Youssou Ndour. Qu’avez-vous retenu de ces collaborations-là ?
J’ai appris beaucoup de choses. De ces expériences, j’ai retenu que pour réussir, il faut beaucoup bosser. Ces gens-là sont de grands bosseurs. On ne devient jamais quelqu’un par hasard. J’aime bien travailler et je suis quelqu’un qui bosse beaucoup et qui continuera à le faire. Pour moi, le travail est éternel. Quand j’ai côtoyé Youssou Ndour, j’en étais ravi et j’ai beaucoup de respect pour lui. Derrière ce monsieur-là, il y a un boulot incroyable qui est fait. Et il continue à le faire.
C’est pareil pour le Xalam. Cela me permet d’augmenter ma force et de faire plus et mieux. Je me dis que je suis sur le bon chemin au vu de tout cela. Le chemin est long mais on peut y arriver. Je les remercie pour ces collaborations. Ce sont eux qui nous ont poussés à faire ce qu’on fait.
On ne saurait les remercier. Quoi que je puisse avoir, ces gens-là, j’aurai toujours du respect pour eux. C’est grâce à eux que je fais de la musique aujourd’hui. C’est grâce à Youssou Ndour, Baaba Maal, Thione Seck, Ismaïla Lô, Omar Pène, le Xalam, etc que j’aime ce métier-là aujourd’hui. Je leur dois du respect infiniment.
Travailler avec Touré Kunda a représenté quoi pour vous ?
Aaaah ! Touré Kunda, du côté de mon papa, on est de la même région. En plus, ils m’ont poussé à être ce que je suis. Je suis très proche d’eux. Plus proche d’ailleurs que les gens ne le pensent. C’était un rêve d’enfant de jouer avec eux. J’ai énormément appris à leurs côtés. Vous ne pouvez même pas imaginer le respect que j’ai pour eux. Tous les gens qui m’appellent pour que je vienne travailler avec eux, je leur dis merci.
Il y a des gens qui font ce que je fais mieux que moi. Je me demande qui je suis pour qu’ils m’appellent moi. Ils m’ont permis d’acquérir beaucoup d’expériences. Dernièrement, c’est Youssou Ndour qui m’a appelé et c’était énorme pour moi. Je leur dis à tous merci. Merci est un mot très court mais qui veut dire plein de choses.
Vous avez gardé le contact avec les Touré Kunda ?
Aah oui ! on se parle toujours.
Ils deviennent quoi ?
Ils sont toujours là. Ils sont toujours dans la musique. Il faut reconnaître qu’ils ont écrit une belle page indélébile dans l’histoire de la musique. Et dans ce métier, quand on arrive à cela, il faut se dire qu’on a réussi dans son boulot. Ce n’est pas donné à tout le monde. Youssou Ndour a écrit une belle page. Touré Kunda a écrit une très très belle page. L’artiste ne meurt jamais. Il ne prend jamais de retraite. On chante toujours jusqu’à la mort. Même si l’artiste arrête, il se dira à un moment donné que la musique lui manque et il va revenir. Les Touré Kunda sont là et font tranquillement leur chemin.
Missal, votre formation musicale de base, a elle aussi écrit une belle page de l’histoire musicale sénégalaise. Après un retour assez tonitruant il y a 3 ans, on ne vous entend plus. Le groupe a encore éclaté ?
Le groupe est toujours là. Ces membres sont juste en ordre dispersé. Et c’est normal. Le Missal est un groupe dont les membres sont éparpillés. Moi, je suis dans un projet, pareil pour Samba Laobé et Omar, etc. Mais on est tous des enfants du Missal. Quand on a besoin de nous, comme on l’a fait il y a 3 ans, on revient. On s’appelle, on se retrouve en studio et on fait quelque chose. C’est comme ça un groupe. On ne peut pas éternellement être dans un même groupe. Cela nous fait rater plein de choses alors qu’il y a beaucoup à voir. L’artiste doit être libre.
Donc si vous sentez le besoin de revenir, vous allez le faire ?
On va revenir. Cela est même très certain. Je suis très sûr de cela.
Parlez-nous de vos projets.
Je prépare un album. A côté, je suis en train de bosser sur des musiques de films. Je ne peux pas encore trop en parler parce que tout n'est pas totalement ficelé. Je peux juste dire que l’un d’eux passera sur France 5. Je travaille en même sur un projet avec un Israélien. Je dois d’ailleurs me produire en Israël. Je suis sur beaucoup de choses. Je suis mon chemin tout doucement et tranquillement. Je ne suis pas trop pressé. Je joue dans un club à Paris tous les soirs. Il y a beaucoup de boulot mais je rends grâce à Dieu.
Qu’allez-vous présenter ce soir (ndlr l’entretien est réalisé hier) au public du CCf ?
Cela sera un grand moment pour moi. Je crois que c’est la première fois que je me produis dans ce cadre avec mon groupe. J’y ai déjà joué avec le Missal mais jamais avec Woz Kaly groupe. Ce sera des moments très forts pour moi. Je vais jouer mon dernier album en plus de morceaux que j’ai composé qui parle de droits de la femme. Pour moi, les femmes sont l’avenir. Elles représentent la vie.
Vous êtes féministe ?
J’ai beaucoup d’admiration et de respect pour les femmes. Je veux qu’on les respecte beaucoup plus. La femme, c’est la mère. Une maman représente tout. Il faut qu’on donne à la femme la place qu’elle mérite. Plus on traite bien les femmes, mieux le monde s’en portera. C’est ma conviction et c’est absolu.
BIGUE BOB