«Cette assemblée est la plus nulle que j'ai connue »
Que le président de l'Assemblée nationale et celui du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar ne comptent pas sur Me El Hadji Diouf pour rempiler. Pour l'avocat politicien, ses deux collègues députés ont «pris en otage» l'Assemblée nationale qui selon lui, est la plus nulle qu'il ait jamais connue.
La cour de justice de la Cedeao a débouté les avocats de Karim Wade qui avaient porté plainte pour «détention arbitraire». Mais ces avocats crient victoire
S’ils ont gagné, c’est peut-être ailleurs, mais pas devant la Cour de justice de la Cedeao. Une décision est une décision. Ils disaient que l’arrestation de Karim Wade est illégale, son placement sous mandat de dépôt est illégale, que la Cour de répression contre l’enrichissement illicite est illégale. Par conséquent, ils demandaient que l’Etat du Sénégal soit condamné à réparer le préjudice subi par Karim Wade pour arrestation illégale à hauteur de 200 milliards. Sur toutes ces demandes, Monsieur Karim Wade a été débouté. Premièrement, la Cour de justice de la Cedeao a déclaré qu’elle ne peut pas s’immiscer dans le fonctionnement normal de nos différentes juridictions. Elle ne peut pas décréter l’illégalité de la Crei, car celle-ci relève de la souveraineté nationale du Sénégal Deuxièmement, la Cour dit que l’arrestation de Karim Wade s’est passé selon les règles de l’art, son emprisonnement est légal. La Cour trouve que la Crei qui devrait juger Karim Wade est compétente.
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Est-ce que la Cour de justice de la Cedeao n’a pas voulu couper la poire en deux si l’on sait que l’arrêt du 22 février vous était défavorable ?
Non, le premier arrêt n’était pas favorable à Karim Wade.
La Cour avait demandé à l’Etat du Sénégal de notifier à Karim Wade et Cie la mesure d’interdiction
Il y avait plusieurs demandes formulées par Karim Wade, Oumar Sarr, Baldé et Cie. Sur toutes ces demandes, une seule avait trouvé une lueur d’espoir pour Karim et consort. C’était l’interdiction de sortie du territoire nationale qui était considérée par la Cour de justice de la Cedeao comme illégale parce ne reposant pas sur une base légale. Justement, la base légale a été immédiatement apportée à ces gens-là car l'Etat leur a notifié la mesure d'interdiction. C’était une omission. C’est comme si un voleur disait : «On m’a arrêté en tant que voleur, on n’a pas respecté mes droits. Il faut qu’on me laisse sortir du Sénégal.»
Il y a la présomption d’innocence
Même s’il y a la présomption d’innocence et que vous êtes poursuivi par la clameur populaire…
Ce n’est pas la clameur populaire qui juge…
(Il coupe) Même si vous êtes innocent, vous devez démontrer votre innocence. Vous ne devez pas fuir et quitter le territoire national. C’est vous qui devez offrir la preuve de votre innocence.
Le Sultan des Emirats arabes, Ahmed Ben Sulayem a été reçu par le président Macky et s’est engagé à verser 24 milliards. Or, on nous a dit que Dpw appartient à Karim Wade.
Il ne m’appartient pas d’éclairer l’opinion. Le dossier est en instruction. Je ne vais jamais violer le secret de l’instruction. Demandez ça au juge d’instruction ; et même lui n’a pas le droit de vous le dire. Quiconque viole le secret de l’instruction est coupable d’un délit. Vous ne me verrez pas moi, en tant que professionnel, parler de ces milliards-là, de ces arrangements. Ce n’est pas mon problème.
Quel commentaire vous faites de l’affaire du trafic de drogue qui secoue la Police ?
J’ai suivi le président du groupe parlementaire majoritaire de l’Assemblée dire qu’il va poser une question orale au gouvernement. Je ne suis pas d’accord.
Pourquoi ?
Vous savez, Moustapha Diakhaté est un activiste qui saute sur toutes les occasions pour se faire voir. Ce n’est pas par une question qu’on va régler cette question. C’est extrêmement grave ! Il faut non seulement que la Justice s’empare du dossier, mais il faut une commission d’enquête internationale et non parlementaire. Les parlementaires ne sont pas outillés pour faire ce travail. Cela nécessite qu’Interpol intervienne, que l’on mette à contribution le Fbi, la Cia, les services secrets israéliens, pour voir si le Sénégal, qui est considéré comme un Etat sérieux, est une plaque tournante de la drogue ou pas.
D'ici quelques jours, vous allez renouveler le bureau de l'Assemblée nationale. Comment appréhendez-vous ces renouvellements ?
Le bureau doit être changé dans la première quinzaine du mois d'octobre. Cela va coïncider avec l'ouverture de la session unique ordinaire de l'Assemblée nationale. Ce qu'il faut dire à ce niveau, c'est que ce sont les députés qui doivent élire le président de l'Assemblée, mais pas le président de la République.
Ça, c'est sur le principe ?
C'est théorique! Mais vous savez que c'est la majorité qui dépend du président de la République qui choisit le président de l'Assemblée. Maintenant, on nous tympanise depuis quelque temps sur le mandat du président de l'Assemblée nationale, certains allant jusqu'à demander à ce qu'on revienne au quinquennat. Pourquoi revenir au cinq ans ? La loi Sada Ndiaye est une excellente loi.
Pourquoi ?
Les raisons pour lesquelles on a adopté cette loi étaient mauvaises certes, puisque c'était pour débarquer Macky Sall. Par contre, la loi elle-même est l'une des meilleures lois votées au Sénégal. Parce qu'elle permet à l'Assemblée nationale de conserver sa souveraineté, son pouvoir. Désormais, elle a le pouvoir de sanctionner son président. Si le président est bon, compétent et travailleur, chaque année il est reconduit. Mais s'il ne donne pas satisfaction, s'il est paresseux, fainéant, méchant, arrogant, on le sanctionne parce qu'il n'est pas au-dessus des députés. Il est élu au même titre que les autres députés.
Quel bilan faites-vous de la gestion de Moustapha Niasse en un an ?
En tout cas, je sais que cette assemblée est la plus nulle que j'ai connue depuis que je suis député. Nous sommes restés cinq mois sans tenir une session encore moins une réunion en plénière ou une réunion de commissions. C'est le groupe parlementaire majoritaire qui a tué l'Assemblée nationale.
Expliquez-vous
En violant le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, en violant le droit, en convoquant des ministres comme Aminata Touré qui est venue parler de l'affaire des biens mal acquis devant Moustapha Diakhaté et son groupe alors qu'un groupe n'a pas le droit de convoquer un ministre. Le groupe parlementaire n'a qu'un seul pouvoir, c'est de regrouper ses membres pour aller voter pour qu'il n'y ait pas de division dans ses rangs. C'est la commission technique et la plénière qui ont le pouvoir d'entendre les ministres et le gouvernement. Maintenant, c'est l'activisme de Moustapha Diakhaté qui saute sur toutes les occasions pour aller à Dangote dire qu'il y a des problèmes là-bas alors que c'est la Commission développement dirigée par Cheikh Seck qui devait aller là-bas s'enquérir de la situation. Mais les commissions ne travaillent pas et l'Assemblée nationale est aujourd'hui désœuvrée. Depuis un an, on ne travaille pas. Je sais que Guillaume Soro est venu ici, je ne l'ai pas vu, le président de l'Assemblée nationale de France est également venu, je ne l'ai pas vu. Il y a un petit groupe qui reçoit les présidents d'assemblée.
Qu'est-ce qu'il faut selon vous pour remédier à cette situation?
Il faut tout changer. Il faut changer le président de l'Assemblée nationale, le président du groupe parlementaire majoritaire pour au moins permettre à l'Assemblée d'avoir une vie active normale. Mais aujourd'hui, l'Assemblée est prise en otage et ce n'est pas normal. Le cabinet du président de l'Assemblée nationale est mieux payé, mieux considéré et mieux traité que les députés qui sont élus. Le Directeur de cabinet du président de l'Assemblée nationale est mieux payé que les députés. Quand les députés n'avaient pas de véhicules, lui, il avait une voiture de fonction. Le Secrétaire général de l'Assemblée nationale qui est aussi un employé des députés est mieux payé que les députés. Il y a des gens qui sont cooptés par le président de l'Assemblée nationale et qui sont mieux payés et mieux traités que les députés. Vous croyez que cela est normal ? C'est une injure faite à l'institution parlementaire.
Et quoi d'autres?
Un député de Kédougou, de Fongolimbi, Bakel ou Saraya, un député simple qui n'est pas membre du bureau, il n'a droit qu'à 300 litres de carburant et 1 300 000 F Cfa par mois alors que le député qui habite à Plateau à Dakar, qui est membre du bureau, il a 1000 litres de carburant par mois en plus de 2 000 000 de F Cfa par mois. Plus grave encore, les membres du bureau et les présidents de commissions ont deux véhicules de fonction au moment où on parle de rupture et de gestion sobre. Nous avons tous des Toyota, eux ils ont des Chevrolet comme voitures de ville. Mais où est la rupture dont on parle ? Ce sont les mêmes pratiques que dans la dernière législature. Il n'y a pas de changement, les mêmes privilèges sont maintenus. C'est une situation que je dénonce dans le livre que je suis en train d'écrire et que j'ai intitulé ; ''Assemblée nationale du Sénégal : siège de l'injustice''.