‘’Je vais continuer’’
Joal a réservé un accueil spectaculaire samedi à son fils qui a chuté contre Balla Gaye 2. Jamais un tel accueil n’a été réservé à Yékini, même quand il battait ses adversaires. Et pour la première fois aussi, il a traversé le pont de Fadiouth, fief de Manga 2. Heureux, il a promis de continuer la lutte pour ses supporters avant de faire face à la presse.
Yékini, pour la première fois vous avez traversé le pont de Fadiouth lors d’une caravane après un combat ?
Ce sont les habitants de Fadiouth qui nous ont expressément demandé de passer. Joal-Fadiouth est une seule commune. Pour les gens de Fadiouth, c’était une façon de me rendre hommage, parce qu’on avait l’habitude de s’arrêter au pont sans traverser. Donc j’ai répondu à leur demande et ils en ont profité pour faire leurs rites traditionnels pour moi.
Mais depuis 15 ans que vous luttez vous n’y avez jamais mis les pieds ?
Si, je viens à chaque fois à Fadiouth, mais bien après les combats.
Et comment avez-vous apprécié cet accueil grandiose qui vous a été réservé ?
Il y a des choses, si elles ne vous suffisent pas, rien ne pourra le faire. Lors de mes victoires, je ne voyais pas autant de monde autour de moi. Si après avoir essuyé une défaite, on me réserve un accueil aussi spectaculaire, je ne peux que rendre grâce à Dieu, parce qu’ils ne m’ont pas tourné le dos, ils m’ont donné du courage.
Vous avez fait un discours à Fadiouth en sérère, pouvez-vous y revenir ?
Je voulais éclaircir quelque chose avec eux. Je voulais leur faire savoir que je n’ai aucune peine, aucune rancœur et que je suis une personne digne. Je sais ce que j’ai fait et ce que les autres ont fait pour moi. Si c’était pour la richesse, j’aurais déjà arrêté la lutte. Mais on en arrive souvent à un stade ou on représente quelque chose ; dans ces cas-là, on n’arrête pas quand on veut. C’est pour cela que je leur ai dit que je n’allais pas arrêter et que rien ne me faisait mal dans cette défaite. Il y avait un problème à Fadiouth, concernant ce combat, mais pas entre Joal et Fadiouth. C’est pour cela que je leur ai demandé de laisser tomber tous ces problèmes. Je leur ai aussi dit que la vie, c’est comme le jour et la nuit. Tout le monde ne peut pas t’aimer. Mais moi personnellement, ce que j’ai aujourd’hui, si cela ne me suffit pas, alors je suis un ingrat. Parce que de Ngazobil à Fadiouth, c’est des kilomètres ; mais il y avait une foule immense. Cela me suffit comme encouragements, c’est ce que je leur ai dit en gros.
Vous avez aussi dit que si les Sérères ne font pas attention, ils vont perdre la mainmise qu’ils ont sur la lutte, pourquoi ?
Parce que, à part moi, il y a peu de lutteurs sérères qu’on entend dans l’arène, la plupart sont dans la lutte simple. Que je le dise ou pas, il me reste peu de temps dans l’arène. Donc il faut que les jeunes Sérères redoublent d’efforts.
Il ne vous reste pas beaucoup de temps vous avez dit, soyez plus clair?
J’ai fait en tout 20 ans de carrière, donc ma carrière est à son crépuscule, je ne vous dirais pas quand je vais arrêter exactement, mais retenez tout simplement que j’en suis à la fin.
Manga 2 le traître, "C’est peut-être vrai…"
Vous allez bientôt arrêter, en qui voyez-vous votre successeur ?
Je disais souvent qu’un jeune comme Lac de Guiers 2 avait les potentialités de me succéder, parce qu’il est sérieux, et sait ce qu’il veut. Je disais qu’avec l’aide de Dieu, il peut arriver là ou j’en suis aujourd’hui et je le maintiens. Il y en a d’autres, ils sont nombreux, je ne vais pas citer de noms, pour ne pas faire de frustrations, mais même au sein de mon écurie, il y en a.
Si vous arrêtez votre carrière, resterez-vous dans la lutte ?
Je vais rester à l’écurie Ndakaaru, comme conseiller.
Lors de votre dernière caravane, vous aviez invité Bombardier, qui vous avait accompagné jusqu’à la sortie de Mbour, pourquoi n’avez-vous pas fait la même chose avec Balla Gaye 2 ?
Je n’ai pas organisé cette caravane, mais les caravanes passées, c’est mon staff et moi qui organisions, avec l’aide d’un sponsor. Cette fois-ci, j’avais décidé de ne pas faire de caravane. Parce que la préparation du combat fut difficile et il y a eu beaucoup de bruits autour de combat. J’avais décidé d’attendre quelque temps pour organiser un tournoi de lutte et inviter tout le monde. Les gens de Joal ont dit niet et ont décidé d’organiser cette caravane.
Quel est votre état d’esprit après cette première défaite ?
Elle n’a rien changé en moi. Deux jours après le combat, je me suis entraîné ; mon seul problème, c’était les supporters, surtout ceux de la commune de Joal-Fadiouth. Qu’ils me tournent le dos aurait peut-être été insupportable, mais ils m’ont déroulé le tapis rouge. Ils m’ont encouragé à aller de l’avant.
Des supporters ont inscrit sur des pancartes : "Manga 2 le traître", lors de cette caravane. Pouvez-vous y revenir ?
Il fallait interroger ceux qui avaient ces banderoles-là avec eux, je les ai vues comme vous tous. Je ne peux en parler. S’ils l’ont dit, peut-être que c’est vrai.
On a l’impression que vous savez, mais que vous ne voulez rien dire ?
Parce que ce n’est pas mon rôle en tant que rassembleur. Je ne suis pas habilité à en parler. Ceux qui doivent parler et agir le feront. Ces discussions ne seront pas étalées sur la place publique.
Lors de ce combat, on a vu un Yékini différent, qui avait l’habitude d’attendre et qui a attaqué cette fois-ci. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Ce n’est pas que je suis trop attentiste, mais j’avais l’habitude de bien attraper mon adversaire, quand j’attaquais ; malheureusement, je n’ai pas pu le faire cette fois-ci.
Pourquoi ?
Je ne peux vous le dire, car les gens vont en déduire que j’entache la victoire de mon adversaire. Mais comme tout le monde a vu que je n’ai jamais lutté comme cela, qu’ils sachent que c’est parce que c’était un mauvais jour. Dieu a fait ce qui était le mieux pour moi ; retenez cela tout simplement.
Qu’est-ce qui vous a empêché d’attraper ?
(Rires) Je ne sais pas.
Mais est-ce que vos marabouts vous avaient assuré de la victoire ?
Jusqu’au moment où je rentrais dans le stade, j’étais certain de rentrer avec la victoire.
"Je ne suis pas comme le dollar, qui monte et qui descend"
Comment avez-vous passé la nuit du dimanche 22 avril, jour de votre première défaite ? Qu’est-ce que vous avez ressenti ?
Je n’ai rien ressenti. Pendant 15 ans, j’ai habitué mes supporters à la victoire avec l’aide de Dieu. Donc quand je suis tombé, j’ai beaucoup pensé à eux. Mais c’est fini, nous avons fait la fête.
Est-ce que vous avez des contacts pour un combat ?
C’est moi qui ne veux pas lutter, mais si je voulais, j’allais signer un combat dès demain.
Pourquoi vous ne voulez pas signer alors ?
Parce que ce n’est pas le moment. J’ai lutté pendant 15 ans, et c’est la première fois que j’enregistre une défaite. Un bon sportif se doit, dans ces cas, de se reposer et de revoir où se situent les erreurs, vérifier si tout est toujours en place. Voir si je suis toujours capable de faire ce que je faisais avant, si ceux qui priaient pour toi sont toujours là. En ce moment, je pense à tout sauf à lutter.
Mais peut-on s’attendre à ce que vous redescendiez dans l’arène la saison prochaine ?
Oui, mais quand je serai prêt.
Est-ce que vous vous attendez à ce que votre cachet soit revu à la baisse après cette défaite ?
Ce n’est même pas la peine d’en parler. Mais retenez que je ne suis pas comme le dollar, qui monte et qui descend.
Vous avez dit, après votre défaite, que vous aviez sacrifié beaucoup de choses pour la lutte, vous vouliez parler de votre vie sentimentale ?
Je parlais de ma vie en général. Pour atteindre le niveau que j’ai atteint dans la lutte, un niveau jamais atteint par personne, il faut faire des sacrifices. J’en ai marre de m’enfermer tout le temps, je suis jeune. En plus, je suis musulman et talibé Cheikh. J’aurais voulu chaque vendredi aller faire le Hadra à la mosquée, mais je suis dans l’incapacité de le faire, par peur de perturber, et beaucoup d’autres choses que j’aimerais faire et que la lutte m’empêche de faire.
Eumeu Sène est-il dans votre ligne de mire ?
Pour le moment je n’ai pas d’adversaire, comme je vous l’ai, il faut que je vérifie tout avant de penser à un autre combat.
Selbé Ndom la voyante avait prédit votre défaite, quel effet cela vous a fait à la veille du combat ?
Aucun effet. On m’en a parlé et cela ne m’a rien fait. Je n’irai pas là-bas comme elle l’a demandé.
KHADY FAYE (Envoyée spéciale à Joal)