L’arbitre assistant international, Djibril Camara, se dit soulagé de sa deuxième sélection pour la Coupe du monde, après celle de 2014 au Brésil. Dans cet entretien avec EnQuête, le natif de Rufisque évoque le niveau de l’arbitrage sénégalais et africain ainsi que son histoire avec le gardien ivoirien, Boubacar Barry dit Copa, lors de la finale de la Can 2015.

Comment vous avez accueilli votre sélection à la Coupe du monde Russie-2018  par la Fifa ? 

C’est une décision qui m’a beaucoup soulagé, contrairement à ma première sélection pour le Mondial de 2014 joué au Brésil. Je me sentais seul dans cette compétition. J’ai été présélectionné avec Badara Diatta mais, en fin de compte, j’ai été le seul à être retenu. J’avoue que cela ne m’avait pas plu. J’avais de la peine après ma sélection. C’est comme si j’avais quelque part une culpabilité par rapport à cette situation alors qu’il en était autrement. Je ne souhaitais pas que cela arrive de cette façon. Mais cette fois ci, ma désignation m’a beaucoup soulagé. J’avais le désir de voir un trio sénégalais prendre part à une Coupe du monde. Mon souhait s’est réalisé cette année. C’est pourquoi je ne peux même pas exprimer la joie qui m’anime. C’est une grande fierté que je ressens après ma désignation pour la Coupe du monde 2018.

Et comment s’est passée votre désignation pour le Mondial du Brésil ?

Ma sélection de 2014 est quasiment identique à celle de 2018. La seule différence, c’est qu’au début de la présélection, on était deux : Badara Diatta et moi. C’est quelque temps après qu’El Hadji Malick Samba nous a rejoints grâce à ses performances. Nous avions constitué un trio. Mais la sélection de 2018  est beaucoup plus rude. Il y a eu beaucoup de concurrence. Nous étions en lice avec six trios africains mais on a su convaincre grâce à nos performances pour être retenus. En 2014, j’ai été sélectionné comme assistant de réserve et j’ai eu à faire plusieurs matches.

Vous constituez, avec Malang Diédhiou et El Hadji Malick Samba le premier trio arbitral homogène africain sélectionné par la Fifa pour prendre part à un Mondial. Est-ce que cela signifie que l’Afrique a maintenant un bon niveau en matière d’arbitrage ?

Aujourd’hui, on peut dire que l’arbitrage africain a beaucoup évolué. Cette évolution est sentie dans les prestations des arbitres africains. Ils réalisent de bonnes performances dans les compétitions continentales et internationales comme la Coupe d’Afrique des nations, la Coupe du monde, le Mondial des juniors, la Coupe du monde des clubs, les Jeux olympiques… Donc, on peut dire que l’arbitrage africain se porte bien.

Le trio arbitral sénégalais a récemment officié la finale de la Coupe de la Confédération africaine de football (Caf) et des matches de la Coupe du monde des clubs. Comment se sont passées ces deux expériences ?

Ces deux compétitions se sont bien déroulées. Nous avions fait de bonnes prestations. Je peux dire que les performances qu’on a réalisées dans ces deux compétitions ont contribué à notre sélection pour le Mondial 2018. La Commission africaine des arbitres, le président de la Caf et tous les membres du Comité exécutif de l’instance du football africain ont eu à nous féliciter après la finale de la Coupe Caf.  Ils nous ont félicités aussi après notre sélection à la Coupe du monde des clubs au cours de laquelle on a officié deux rencontres importantes : le match d’ouverture et la petite finale (match de troisième place ndlr).

Que pensez-vous de l’arbitrage sénégalais ?

Le Sénégal a toujours été un pays de (grands) arbitres. Ce n’est pas aujourd’hui que notre pays présente des arbitres à la Coupe du monde. Nous avons connu de grands arbitres comme Youssoupha Ndiaye, Falla Ndoye, Badara Mamaya Sène, Mamadou Ndoye etc. Ils ont eu à participer à de grandes compétitions de football comme la Coupe d’Afrique, Coupe du monde. Je peux dire qu’on a hérité du travail abattu par nos prédécesseurs.

‘’Quand Badara Diatta était là, les gens étaient un peu inquiets par rapport à sa retraite. Ils s’inquiétaient sur son successeur. Et Malang Diédhiou est venu après’’

Pensez-vous que la relève sera assurée après le départ à la retraite imminent de Malang Diédhiou ?

On n’a pas de souci à ce niveau. C’est vrai que les Sénégalais s’interrogent toujours sur la relève. Quand Badara Diatta était là, les gens étaient un peu inquiets par rapport à sa retraite. Ils s’inquiétaient sur son successeur. Et Malang Diédhiou est venu après. Il a réussi à tirer la barre au plus haut niveau. Cela prouve que la relève est là. Nous avons de bons arbitres centraux et assistants. Il y a aujourd’hui beaucoup d’entre eux qui sont des jeunes. Ils sont toujours sur  le terrain. Je peux citer  Maguette Ndiaye, Daouda Guèye, Issa Sy, Alioune Sandigui. Ils sont aussi talentueux que Badara Diatta et Malang Diédhiou. Il n’y a pas de soucis pour la relève.

Quel est le match qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

Le match qui m’a marqué le plus dans ma carrière, c’est la finale de la Can 2015 (Ghana - Côte d’Ivoire). Dans cette rencontre, le gardien de but ivoirien, Copa Barry, avait simulé une blessure pour ne pas exécuter le dernier tir de la séance de tirs au  but. Il avait dit qu’il ne pouvait pas tirer à cause d’une douleur qu’il ressentait à la jambe. Le capitaine ivoirien d’alors, Yaya Touré, voulais tirer à sa place mais le juge central, Papa Bacary Gassama (Gambien), et moi avions refusé parce que c’était impossible. Je me suis approché de lui pour le  convaincre. Je lui ai dit : ‘c’est la deuxième fois que vous disputez une finale de Coupe d’Afrique et vous aviez perdu la première. Aujourd’hui, vous faites partie des doyens de l’équipe ivoirienne.

Il ne reste qu’un seul tir pour que la Côte d’Ivoire remporte le trophée continental. Il faut que preniez vos responsabilités pour tirer le penalty. Si vous marquez le but victorieux, vous serez un héros chez vous. Ce sera aussi l’occasion pour vous de terminer votre carrière internationale en beauté’. Je peux dire que ces phrases l’ont galvanisé parce qu’il s’est relevé très vite pour se diriger vers le point de penalty pour exécuter le dernier tir. Le paradoxe dans cette histoire, c’est que quand il a marqué le but victorieux, il a sprinté lorsque ses coéquipiers l’ont poursuivi. Je me suis dit qu’un joueur blessé ne pouvait faire cette course de vitesse. Il voulait nous compliquer la tâche et j’avais eu l’intelligence de ne pas tomber dans son piège. Je savais pertinemment qu’il n’était pas blessé.

Selon vous, est-ce que le Sénégal peut disposer d’un autre trio international comme le vôtre dans les prochaines années ?

Oui ! Je le crois bien. Personne ne pensait que le Sénégal allait disposer d’un trio homogène à une Coupe du monde. Dieu a fait que ça s’est réalisé cette année. Les arbitres sénégalais ne vont pas limiter leurs  ambitions. Ils ont tous les atouts de leur côté. Ils font tous les jours ce qu’ils ont à faire en respectant les entraînements et en essayant de faire de bonnes prestations. Le reste, maintenant, appartient à la volonté divine.

Oumar Bayo Ba