Publié le 17 Aug 2021 - 06:40
HOMMAGE AUX PR. SAMIR AMIN ET THANDIKA MKANDAWIRE

Les intellectuels africains interpellés face aux défis de l’heure

 

Au-delà de se focaliser sur les questions purement économiques, les économistes Samir Amin et Thandika Mkandawire ont toujours incité les intellectuels africains à toujours réfléchir sur les conflits sociaux et l’action sociale dans leurs différents environnements, a relevé l’économiste Chérif Salif Sy, ce week-end, lors des ‘’Samedis de l’économie’’ de ce mois.

 

L’édition des ‘’Samedis de l’économie’’ de ce mois a été un moment de rendre hommage aux professeurs Samir Amin et Thandika Mkandawire. Intervenant à cette occasion, l’économiste Chérif Salif Sy a soutenu que ces deux économistes ne se sont pas seulement focalisés sur les questions purement économiques. ‘’Ils se sont intéressés et ont interpellé, incité à toujours réfléchir sur les problèmes des conflits sociaux et de l’action sociale dans les différents environnements.

Afin de mieux répondre aux interrogations du monde, quel que soit le pays et y compris nos sociétés en Afrique, en particulier. Pur ce qui se rapporte aux multiples crises auxquelles nous sommes confrontés, il était important de les sensibiliser encore sur ces deux aspects. Conflits sociaux et action sociale sont des réalités difficiles à penser ou à repenser pour différentes raisons. La première, c’est que, très souvent, la lecture de ces évènements est ramenée à une dimension politique. Je pense que cela n’est pas suffisant’’, dit-il.

D’après le président du Forum du Tiers-monde, la deuxième, c’est que leur appréhension déclenche des réactions émotionnelles qui ‘’paralysent’’ souvent l’analyse. ‘’Troisièmement, la difficulté de leur saisine propre est due à la manière dont la presse met l’accent sur des images violentes de destruction, etc., en laissant de côté les causes profondes des revendications et les raisons fondamentales de la mobilisation des acteurs. Un autre aspect, c’est que nous ne faisons pas l’analyse suffisante liée aux transformations de la structure sociale dans laquelle nous évoluons. Ensuite, il y a l’insuffisance des outils de pensées et qui permettent de donner un sens aux fondements traditionnels des conflits. Certaines analyses se limitent à la phrase de Marx dans ‘Le manifeste du Parti communiste’ disant que ’les conflits dans les sociétés sont des conflits de classes’’’, poursuit M. Sy.

Pour l’économiste, il faut aller au-delà de tout cela, réfléchir sur la question des conflits qui semblent gouverner le monde. ‘’Il faut étudier sérieusement les effets de l’institutionnalisation des conflits. C’est quelque chose de pérenne sur laquelle nous avons du mal à agir. Donc, l’institutionnalisation des conflits sur les mouvements sociaux et le changement social, dans la mesure où les mouvements sociaux sont aussi producteurs d’identités nouvelles ou identité tout court. Il nous faut voir les rapports entre le mouvement social et la démocratisation des sociétés, voir dans quelle mesure ces actions sont comptables avec le fonctionnement d’une société démocratique ou en démocratisation. La dernière question, c’est de répondre de manière la plus rigoureuse à la question : les conflits sont-ils une simple expression des inégalités sociales ?’’, défend le Pr. Chérif Salif Sy.  

Au-delà, le professeur d’économie politique, Bernard Founou Tchuigoua, renchérit qu’en son temps, Marx avait conclu que ‘’les victimes de n’importe quel grand système aient la possibilité de s’auto-organiser’’. ‘’Il est nécessaire que les victimes acquièrent des capacités d’auto-organisation. Tant qu’elles n’ont pas cette possibilité pour challenger les bénéficiaires du système global, leur situation ne peut pas être améliorée ou changée de manière radicale. Il pourra y avoir de temps en temps des luttes, des révoltes. Mais sans que les objectifs pour lesquels il faut lutter ne soient suffisamment éclairés’’, souligne-t-il. 

Le Pr. Tchuigoua estime qu’il est important de considérer que si la Chine, aujourd’hui, a des ambitions très publiques et affirmées, qu’il y ait parmi les nouveaux intellectuels des chercheurs africains, des personnes qui voudraient donner de la Chine une vision documentée menée sérieusement et en considérant si les Africains peuvent saisir l’opportunité de la Chine pour faire de nouvelles choses. ‘’Ou bien ils peuvent aussi dire que c’est peut-être quelque chose qui vient s’ajouter aux autres. C’est une obligation, pour les nouvelles générations, de le faire. Sinon, nos relations avec la Chine peuvent tourner en une forme de renégociation. Ce challenge est important pour l’intellectuel africain’’, ajoute-t-il.

‘’Ne pas se faire théoriser par les autres’’

Pour sa part, la sociologue Fatou Sow, spécialisée dans des questions de genre, affirme que la production africaine en sciences sociales a fait face à des interrogations majeures. Elles portaient notamment sur la constitution de la Nation et de l’Etat, sur la complexité d’une nouvelle gouvernance, les difficultés de la croissance, les enjeux complexes de l’unité politique et économique du continent. ‘’C’est la position du continent dans le monde et beaucoup plus tardivement dans la globalisation. D’où les questions posées par la recherche : comment comprendre, analyser, théoriser les situations africaines, ne pas se faire théoriser par les autres, mais se théoriser soi-même sur sa situation en propre. Comment continuer à analyser nos identités socio-cultures, politiques, ethniques à travers l’examen de nos coutumes et cela sans les essentialiser, les fuser dans un passé, un présent et à l’avenir’’, fait-elle savoir.

D’après cette féministe, il urge de voir si les conceptions de l’anthropologie pourraient continuer à réfléchir sur les réalités du continent, leurs identités, leurs spécificités dans ce monde ouvert. ‘’Comme toute production humaine, les identités sont en constante mutation, constante redéfinition, reconstruction. Alors, comment remédier aux différentes contraintes de développement dans le concept appliqué à nos pays, dans un contexte inédit de nouvelles définitions et de nouvelles analyses. Comment associer la théorie à la pratique, comme le réclamaient tous nos besoins d’urgence ? Il a fallu nécessaire rompre avec l’anthropologie, la discipline d’avant, changer pour exister. Aujourd’hui, les sciences sociales africaines ont une production significative’’, indique Mme Sow.

La sociologue a ainsi notifié qu’il y a une multitude d’universités en Afrique, mais elles sont ‘’restées très locales’’. ‘’L’université de Dakar fonctionne au Sénégal et, à la limite, dans Dakar. Il a fallu beaucoup de temps pour faire un lien entre l’université de Dakar et le Codesria. (…) Le Codesria voulait avoir des réflexions originales, qui sont importantes dans le contexte contemporain, faites à partir d’Afrique par des Africains eux-mêmes, quitte à ouvrir l’espace à d’autres. (…) ‘Je ne suis pas convaincu qu’il existe encore plus de méthodologies, d’approches ou d’études empiriques basées sur l’analyse du genre qui attendent d’être adaptées par une communauté de spécialistes en sciences sociales nouvellement converties. Il reste beaucoup à faire’, a écrit Tandikha en 1991’’, rapporte-t-elle.

MARIAMA DIEME

Section: 
CHAVIREMENTS RÉCURRENTS DE PIROGUES DE MIGRANTS : Boubacar Sèye accuse la Tunisie et l’Europe
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE L'ACTION SOCIALE : Un audit du personnel révèle des irrégularités
PORTRAIT DE MONSEIGNEUR ANDRÉ GUÈYE, NOUVEL ARCHEVÊQUE DE DAKAR : Un clerc au service du dialogue interreligieux  
LUTTE CONTRE LA MORTALITÉ MATERNELLE ET NÉONATALE : RÉDUCTION DES DÉCÈS ÉVITABLES : Investir dans la santé des jeunes, selon la présidente de l’ANSFES
PORTRAIT DE BABACAR FAYE, DG DU SIRN : Un expert des études topographiques et géodésiques
KAOLACK -  JOURNÉE NATIONALE DE L’ÉLEVAGE : Les promesses de Diomaye Faye aux éleveurs
CODE PASTORAL, POTENTIEL GÉNÉTIQUE DU CHEPTEL, VOL DE BÉTAIL… : Ce que les éleveurs attendent de Bassirou Diomaye Faye
Vigile trafiquant
Maire de Rufisque
Complexe Mouride
SAES
LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ FINANCIÈRE ET LA CORRUPTION EN AFRIQUE La Bad et Interpol conjuguent leurs forces
DÉBATS D’IDÉES ET RENCONTRES - “SYMBIL ET LE DÉCRET ROYAL” : Fatimé Raymonde Habré lève le voile sur la traite arabe
ACCUSÉS DE LIENS AVEC UN GROUPE TERRORISTE : Deux commerçants sénégalais acquittés
6e FORUM HARMATTAN SUR LA MIGRATION : Placer l’humain au centre du flux migratoire
Le Forum COGESYN au Sénégal : Pour une transformation digitale
CRISE DANS L'ÉDUCATION : Le Saemss et le Cusems dénoncent l'immobilisme du gouvernement
REDDITION DES COMPTES : Cheikh Oumar Diagne réclame la tête de Macky Sall
THIES : ŒUVRES SOCIALES : Les calebasses de solidarité couvrent 126 communes
MAÏMOUNA LY SY, PROMOTRICE DU SALON DU RAMADAN : ‘’Faire de cet événement un rendez-vous incontournable pour tous les musulmans’’