Publié le 1 Jan 2025 - 23:03
INONDATIONS, CRUES DANS LE NORD DU PAYS, ÉMIGRATION…  

2024, une année de malheurs

 

L’année 2024 a été heurtée par des faits de société d’une extrême gravité : la mortelle émigration irrégulière, les inondations dans la ville sainte de Touba, les crues dans le nord du pays… D’autres faits saillants ont aussi été notés, notamment l’affaire Onas, les assises de la justice, l'affaire Aziz Dabala, le 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais, mais aussi les changements à la tête de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

 

Annus horribilis ! 2024, dans la lignée des années précédentes, a été marquée par le deuil et les catastrophes. Au mois de septembre, des intempéries d'une rare puissance se sont abattues sur Touba. Plusieurs zones de la cité religieuse ont été submergées par les eaux pluviales. Le bilan fait état de maisons entières et de commerces engloutis, d'affaissements de bâtiments, de riverains pris au piège et de pertes en vies humaines. Les sinistrés ont été relogés dans des abris provisoires et le khalife général des mourides a débloqué des centaines de millions pour sécher leurs larmes, sans oublier les montants remis aux victimes pour soulager leurs souffrances.

Quelques semaines après ces intempéries, une affaire de corruption a éclaté l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). Les Sénégalais, médusés, ont assisté à une passe d’armes inédite entre le directeur général, Dr Cheikh Dieng, et son ministre de tutelle Cheikh Tidiane Dièye. Le premier nommé a été viré après moins de quatre mois à la tête de cette direction. L’affaire a atterri devant la justice. Des auditions ont eu lieu au niveau de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane. L’enquête suit son cours.

Dans le nord du pays, environ 55 600 personnes sont directement touchées

Alors qu’on n’avait pas encore fini d’épiloguer sur le sujet, en octobre, le fleuve Sénégal est sorti de son lit. Les crues ont frappé de plein fouet les populations de la région Nord. Plus de 44 sites dans la région de Matam et 51 villages dans la région de Saint-Louis ont été touchés par ces inondations. Mais ce sont les départements de Tambacounda et de Bakel qui ont été les plus durement impactés.

Au total, 774 ménages (soit environ 55 600 personnes) ont été directement touchés et 1 002 ha de champs ont été inondés, affectant principalement les cultures de piment (49,19 %), de riz (21,59 %) et de maïs (10,56 %). Le 20 octobre, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, s'est rendu à Bakel pour marquer sa solidarité avec les populations touchées. Cette visite du gouvernement s'inscrivait dans le cadre des efforts déployés par l'État pour venir en aide aux milliers de familles affectées par cette catastrophe naturelle.

Émigration mortelle

Comme chaque période d’hivernage, depuis plus d’une dizaine d’années, l’émigration irrégulière a, cette année encore, endeuillé des centaines de familles. C’est le cas dans la ville de Mbour où de nombreuses familles ont perdu des fils et des filles.

En effet, le lundi 23 septembre 2024, le ministère des Forces armées a rendu public un communiqué alarmant d’une pirogue à la dérive découverte avec à son bord 30 corps en état de décomposition avancée. Les opérations de récupération, d'identification et de transfert furent délicates, en raison de l'état des corps. La pirogue s’était probablement perdue en mer pendant plusieurs jours, laissant ses occupants mourir à bord avant d’échouer sur les côtes.

Les chiffres de ce phénomène font froid dans le dos. Du 1er janvier au 15 septembre 2024, 26 758 migrants ont atteint les côtes des îles Canaries à bord de 394 pirogues, selon les chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur. C’est presque le double par rapport à la même période en 2023, où il a été enregistré 14 454 migrants pour 258 embarcations, soit une augmentation de 85,1 % en 2024. Parallèlement, le nombre de morts et de disparus a également sensiblement augmenté, avec son lot de rêves brisés, de familles dévastées et une jeunesse qui choisit l'exil, faute de perspectives viables.

Selon de nombreux acteurs et rapports, la baisse de la pêche artisanale dans les zones côtières du Sénégal contribue directement à cette émigration. Les pêcheurs, de plus en plus privés de ressources, se tournent vers le transport de migrants, témoignant d'une crise économique et structurelle profonde. En réponse, le président Bassirou Diomaye Faye a exprimé sa volonté de combattre ce fléau, appelant à renforcer les dispositifs de lutte contre les départs de migrants et à une plus grande collaboration avec les populations.

Selon les données recueillies par le Data Hub du Bureau régional de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, entre janvier et début novembre 2024, le nombre d'arrivées en Europe provenant de la route atlantique de l’Afrique de l’Ouest s'élève à 35 762, soit une augmentation de 12 % par rapport à la même période en 2023.

Les assises de la justice

Au mois de mai, le président de la République a lancé, pour plusieurs semaines, les assises nationales du secteur de la justice. Magistrats, avocats, professeurs d’université, responsables d’association et anciens détenus ont été appelés à se pencher sur ce secteur pour identifier les dysfonctionnements et faire des propositions d’amélioration. Au mois de juin, les conclusions ont été rendues publiques.

Le seul point de désaccord était la présence ou non du chef de l’État à la tête du Conseil supérieur de la magistrature. Entre magistrats et organisations de la société civile, le débat a été épique et sans concession. À l’arrivée, le rapport penche plus en faveur des organisations de la société civile, recommandant de ‘’privilégier la sortie du président de la République et du ministre de la Justice’’. Les assises ont aussi proposé de faire du CSM une institution de la République et de l’ériger en autorité administrative indépendante.

Dans le nouveau Conseil supérieur de la magistrature, il devrait y avoir autant de membres de droit que de membres élus, mais aussi celui qui serait chargé de le présider, qui doit être élu par ses pairs. Contrairement aux avis de l’UMS, les assises ont aussi retenu que le conseil s’ouvre à d’autres corps, avec ou sans voix délibérative, pour lutter contre le corporatisme. Le rapport insiste également sur la nécessité de renforcer les pouvoirs de l’organe et d’en faire l’instance habilitée à ‘’gérer la carrière des magistrats avec la suppression du pouvoir de proposition du ministre’’.

De plus, le rapport final préconise l’appel à candidatures pour certains postes stratégiques ainsi que la nomination des juges d’instruction par décret et non plus par arrêté, comme cela se fait actuellement.

80e anniversaire du massacre des tirailleurs

À la suite de Macky Sall, qui avait célébré, le 1er décembre 2014, le 70e anniversaire du massacre de Thiaroye 44 en présence de plusieurs autorités, dont le président français François Hollande, Bassirou Diomaye a rendu, le 1er décembre dernier, un vibrant hommage aux tirailleurs sénégalais sur les lieux du crime, à Thiaroye. L’occasion a été saisie par le président de la République pour annoncer la poursuite des recherches en vue d’éclaircir les zones d’ombre. ‘’Avant cette commémoration, des membres du comité international de chercheurs se sont rendus en France et ont eu des séances de travail avec les autorités françaises et les responsables des sites où sont présumées gardées les archives manquantes. Les recherches se poursuivront après la commémoration’’, a-t-il informé, après avoir salué l’ouverture des autorités françaises actuelles qui ont accédé à sa requête pour la manifestation de la vérité.

D’ailleurs, avant de dire qu’il reste encore beaucoup de zones d’ombre dans cette histoire, notamment le nombre exact de tirailleurs exécutés, Diomaye Faye a soutenu que le pays de Marianne a franchi un pas important dans la restauration de la vérité, grâce au président Emmanuel Macron. Ce dernier lui a adressé une lettre, trois jours avant cette commémoration, pour assumer que les événements de Thiaroye, en 1944, ont abouti à un massacre. ‘’Par ce geste, la France accède à une vieille et légitime demande de reconnaissance. Il s’agit d’une avancée appréciable dans le processus de réhabilitation de l’honneur et de la dignité des tirailleurs victimes, à la suite de la déclaration du président François Hollande au cimetière de Thiaroye le 30 novembre 2014, saluant la mémoire d’hommes qui portaient l’uniforme français et sur lesquels les Français avaient retourné leurs fusils’’.

Il y a également eu l’affaire du général Souleymane Kandé. Relevé de ses fonctions de chef d’État-major de l’armée de terre, ce général a été affecté comme attaché de défense à l’ambassade du Sénégal en Inde, à New Delhi. Son départ a suscité l’indignation d’une partie de l’opposition sénégalaise et a conduit deux directeurs de journaux en garde à vue avant d’être libérés.

Double meurtre à Pikine : mille interrogations

Au mois d’août, à quelques heures de la célébration du Magal de Touba, la ville de Pikine a été secouée par un double meurtre : celui du danseur Abou Aziz Ba alias ‘’Aziz Dabala’’, et de Boubacar Gano dit ‘’Wally’’.

En effet, leurs corps ont été retrouvés sans vie dans l’appartement du danseur à Pikine Technopole. Vu la complexité de l’affaire, la haute autorité policière a décidé de remettre le dossier aux limiers de la Division des investigations criminelles. Après une enquête menée par les hommes du commissaire Adramé Sarr, sept suspects, dont Nabou Lèye, une danseuse, ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt le 28 août dernier. Les accusations portées contre Nabou Lèye incluent ‘’association de malfaiteurs et complicité d’assassinat avec barbarie’’.

Les autres prévenus, dont M. L. D. alias Modou Lo, sont poursuivis pour ‘’association de malfaiteurs, vol et assassinat avec barbarie’’.

Après trois mois de prison, la danseuse Nabou Lèye, interpellée dans le cadre de ce double meurtre, a obtenu une liberté provisoire en novembre. Des incongruités lors de l’audition ont conduit à cette décision. Dans les éléments versés dans le dossier, il y a les réquisitions téléphoniques. Sur ce point, sans entrer dans les détails, nos interlocuteurs avancent qu’il a été dit que la dame était sur les lieux jusqu’à 4 h du matin. Ce qui serait faux, car c’est à midi que son téléphone a été borné pour la dernière fois sur la zone du meurtre. À la question de savoir comment cela est possible, on nous signale que la réquisition versée dans le dossier n’est pas la bonne, autrement dit, ce n’est pas celle de midi, mais de 4 h.

De plus, au moment où le juge d’instruction a été informé de cette donnée, la machine judiciaire s'était déjà emballée. Il fallait au juge en savoir plus sur cette question avant d’accorder une liberté provisoire, ce qui a fait traîner cette libération.

De nouveaux patrons pour la police et la gendarmerie

Au mois de mai, après plusieurs semaines de rumeurs, l’inspecteur général de police Mame Seydou Ndour a été nommé, en Conseil des ministres, comme directeur général de la Police nationale (DGPN). Il remplace à ce poste Seydou Bocar Yague.

Du côté de la gendarmerie nationale, l’ancien haut commandant en second de la gendarmerie est devenu le haut commandant de la Gendarmerie nationale et directeur de la Justice militaire. Il s’agit du général de division Martin Faye. Il succède au général de division Moussa Fall.

CHEIKH THIAM

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