L’Afrique exprime son insatisfaction
La revue à mi-parcours du programme triennal de l’IDA a eu lieu hier. Les Africains ont saisi l’occasion pour dire ce qu’ils en pensent. Le Président Macky Sall et le premier ministre béninois ont déploré l’insuffisance des ressources et leur orientation dans des secteurs non productifs.
La Banque mondiale et ses partenaires ont procédé hier à la revue à mi-parcours de la 17e reconstitution des ressources de l'Association internationale de développement (IDA). A l’occasion de la cérémonie d'ouverture, les avantages de ce financement ont été loués par les intervenants. Il s’agit de 50 milliards de dollars en trois ans destinés aux 77 pays les plus pauvres au monde (39 en Afrique) afin d’éradiquer l’extrême pauvreté en l’espace d’une génération. 50% de cette somme est investie en Afrique. C’est ainsi que 10,3 milliards ont été injectés dans le continent. Dans les trois ans, plus de 25 milliards seront libérés au profit du continent, se réjouit le vice-président Afrique de la Banque mondiale, le Sénégalais Makhtar Diop.
Cependant, si l’institution financière internationale trouve de quoi s’en féliciter, les Africains eux ont accordé leurs voix pour exprimer leur insatisfaction. Le premier ministre béninois Lionel Zinsou, représentant des pays récipiendaires, a été le premier à mettre le doigt dans les insuffisances. Le premier constat qu’il a dressé est que la croissance dans les pays africains n’a pas d’effet automatique sur l’emploi et la pauvreté. Ce qui fait que malgré les investissements pour booster et soutenir la croissance, l’Afrique n’arrive toujours pas à trouver une solution pour les couches vulnérables.
Certes, elle est parvenue à augmenter la classe moyenne tout en réduisant le taux de pauvreté, mais avec l’effet de la démographie, le nombre de personnes démunies a augmenté plutôt que de baisser. Le chômage non plus n’a pas reculé. Ceci est dû au moins en partie, selon lui, à l’absence d’infrastructures qui fait qu’un dollar investi en Afrique à moins d’impact sur l’emploi et la pauvreté qu’ailleurs.
L’IDA est certes très importante pour le continent, reconnaît le Béninois. Elle permet en effet de mobiliser des ressources extérieures dans sa forme la plus longue. Toutefois, les options ne conviennent pas toujours aux priorités des pays africains. C’est pour cela d’ailleurs que M. Zinsou demande ‘’que l’identité de l’IDA reste forte’’. Car, l’institution a tendance à accorder la priorité aux catastrophes naturelles et changements climatiques ainsi qu’à la vulnérabilité, au détriment des investissements productifs comme l’agriculture, l’énergie...
Makhtar Diop s’en défend. Il affirme que les interventions de la Banque mondiale sont basées sur la vision stratégique des Etats et les priorités définies et déclarées par les gouvernants. Qu’importe, l’Afrique, par la voix de son représentant, réclame un co-président issu des pays récipiendaires pour mieux prendre en compte leurs intérêts. Par ailleurs, le problème de la faiblesse des montants aussi se pose. Le compatriote de Yayi Boni a rappelé aux pays partenaires que l’Afrique est dans un contexte de raréfaction des ressources. En fait, les financements sont disponibles et en abondance, mais ils sont chers. ‘’Il n’y a pas de problème de volume, mais de prix’’, regrette-t-il.
9 milliards, une goutte d’eau
Le Président Macky Sall a eu la même appréciation. Il trouve dérisoire la quantité du financement accordé au continent. ‘’9 milliards de dollars en Afrique (en une année), ce n’est rien. Ça représente les besoins du Sénégal en 4 ans. C’est une goutte d’eau dans la mer’’. Compte tenu de cette rareté de ressources concessionnelles, il estime, contrairement au PM béninois, qu’il faut aussi des ressources non concessionnelles. Car les premières sont incapables de répondre à tous les besoins de financement du développement. Les ressources internes non plus.
Parlant justement de la contribution interne, Macky Sall a formulé des critiques à l’encontre de la BM sur le Doing business. Le chef de l’Etat demande à l’institution de revoir les critères du Doing business qui réduisent fortement les possibilités de mobilisation des ressources internes. En fait, ces conditions qui sont censées faciliter l’investissement incitent les Etats à réduire les impôts sur les entreprises. Non content sans doute du comportement des multinationales, il demande qu’il y ait une législation internationale qui oblige les entreprises à payer les taxes sur place. Mais en dépit de toutes ces contraintes, ‘’le Sénégal fait des efforts, avec 58% de l’apport interne sur le budget’’, se réjouit-il.
BABACAR WILLANE