Publié le 20 May 2025 - 18:06
ITIE

Transparence et démocratie extractive au coeur de l’Assemblée nationale

 

Alors que le Sénégal se prépare à une étape décisive dans son parcours de transparence, parlementaires, société civile et partenaires techniques ont convergé à l’Assemblée nationale, le 19 mai 2025, pour un atelier de restitution du rapport ITIE 2023 et des activités du premier semestre 2024. Un rendez-vous crucial, soutenu par la coalition Publiez ce que vous payez (PCQVP) et le programme PASC, à quelques semaines de la troisième validation du pays par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), prévue en juin 2025.

 

Depuis son adhésion à l’ITIE en 2013, le Sénégal a multiplié les efforts pour faire de la transparence une réalité concrète dans les secteurs minier, pétrolier et gazier. Avec un score de 93/100 obtenu en 2021, lors de la deuxième validation, le pays vise à consolider ses acquis et à intégrer les nouvelles exigences de la norme ITIE 2023, notamment en matière de lutte contre la corruption, de transparence environnementale et d’identification des propriétaires réels. L’objectif de l’atelier était clair : renforcer l’implication des parlementaires dans la gouvernance extractive en leur fournissant une lecture claire et critique des données contenues dans le rapport ITIE.

Pour M. Thialy Faye, président du Comité national ITIE Sénégal, les chiffres, aussi précis soient-ils, "ne valent que s’ils suscitent une compréhension collective, un débat citoyen et, surtout, une action publique efficace". Il a salué les avancées enregistrées, telles que l’amélioration de la divulgation des revenus, la participation accrue de la société civile et les initiatives sur le terrain, comme la visite à Diogo auprès des communautés affectées par l’activité minière. Il a également attiré l’attention sur des défis persistants : la communication déficiente sur les plans de réinstallation, les écarts de perception sur les indemnisations et l'absence de mécanismes de dialogue institutionnalisés.

Une implication parlementaire stratégique

Le choix du cadre – l’Assemblée – n’est pas anodin. Les députés sont au cœur de la redevabilité démocratique. Par leur pouvoir de contrôle, leur capacité à orienter les politiques publiques et leur proximité avec les territoires, ils jouent un rôle central dans la surveillance de l’utilisation des ressources naturelles. C’est pourquoi cet atelier visait aussi à leur fournir les outils pour assurer ce rôle pleinement.

L’exercice s’est appuyé sur une méthodologie interactive : des présentations techniques synthétiques, des échanges directs, des débats et des recommandations. Il s’inscrit dans une stratégie de long terme : intégrer durablement le Parlement dans l’écosystème ITIE, au-delà des rendez-vous de validation.

À l’issue de l’atelier, plusieurs objectifs ont été atteints, dont une meilleure compréhension des enjeux liés au rapport ITIE 2023. Des recommandations concrètes pour améliorer la gouvernance extractive ont été faites et un engagement renouvelé des parlementaires dans la perspective de la validation de juin 2025.

Dans son discours, M. Faye a insisté sur cette nécessité d’unir les forces : "C’est ensemble – institutions, société civile, entreprises, communautés – que nous pourrons consolider les acquis et élever encore notre niveau de transparence et de gouvernance à la hauteur des attentes du peuple sénégalais.’’ La norme ITIE 2023 introduit une approche plus large et plus ambitieuse de la transparence. Elle appelle à la divulgation proactive des données, à la publication systématique des contrats, à l’intégration des questions de durabilité environnementale et à la lutte effective contre la corruption. En s’y préparant avec rigueur, le Sénégal envoie un message fort : celui d’un pays qui ne se contente pas de cocher des cases, mais qui aspire à ancrer la transparence au cœur de son modèle de gouvernance.

Le partenariat entre le Comité national ITIE, la coalition PCQVP et les partenaires comme le PASC illustre cette volonté de co-construction. Il répond aussi à une exigence posée par la norme elle-même, qui insiste sur la nécessité de faire vivre la transparence à travers un dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes.

Les mois à venir seront déterminants. Au-delà de la validation elle-même, c’est la capacité du Sénégal à institutionnaliser ces démarches, à les diffuser dans l’ensemble des régions impactées par l’exploitation des ressources et à renforcer les mécanismes de contrôle citoyen qui sera scrutée.

À cet égard, les parlementaires ont désormais une responsabilité accrue. Ils sont appelés non seulement à suivre l’exécution des recommandations du rapport ITIE, mais aussi à légiférer en tenant compte des réalités du terrain et des aspirations des populations. L’atelier du 19 mai n’est qu’un jalon. Mais il constitue une étape structurante dans l’effort de transparence entrepris par le Sénégal. Une étape qui, si elle est suivie d’actes concrets, pourra faire date dans l’histoire de la gouvernance extractive du pays.

Amadou Camara Gueye

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