L'après ramadan, une autre histoire
Si on garde de bonnes habitudes alimentaires pendant le jeûne, a priori il n’y a pas de raison de prendre du poids ou même d’en perdre.En général, ce sont les premiers jours qui sont difficiles, où la faim et la soif se font davantage ressentir.
Abdel, 26 ans, fait le ramadan depuis quelques années déjà. Même s’il a tendance à perdre un peu de poids durant les deux premières semaines du jeûne, après ça se stabilise, et puis il prend garde à conserver une alimentation équilibrée: «Je fais beaucoup de sport toute l’année, et comme j’en fais moins pendant le jeûne, j’ai plus tendance à perdre de la masse musculaire. D’une manière générale, je fais attention à manger les mêmes choses que le reste de l’année, à prendre des repas assez équilibrés. Même si ça n’empêche de se faire plaisir de temps en temps!»
Le fait de ne pas boire ni manger durant la journée tarit l’appétit au fil du temps, et il est vrai que passés quelques jours, on est vite rassasié le soir et on a davantage tendance à manger en petites quantités.
Le danger, c’est l’après: pour Abdel, même si on garde le même poids pendant le jeûne, ce sont pendant les jours qui suivent l’aïd qu'on peut facilement en prendre: «Une fois que le jeûne est terminé, l’organisme a tendance à stocker davantage les aliments en "souvenir" du manque des journées passées. Le tout est de ne pas vouloir trop manger ni de se rattraper, mais de garder une alimentation saine.
S’il est quand même plutôt rare de voir une prise de poids pendant le ramadan, c’est surtout après qu’on peut en observer. C’est un peu comme quand on fait un régime: le corps s’habitue à moins manger, donc dès que l’on arrête de se priver, on mange plus et c’est là qu’on peut grossir.» Pour Fatima Oulhadj, diététicienne-nutritionniste à Bagnolet, en région parisienne, il faut faire confiance à son corps, et ne pas le soumettre à trop d’excès, d’un côté comme de l’autre.
Même si on peut se faire plaisir pendant la rupture du jeûne et se laisser aller à quelques écarts, le maître mot reste la modération: «En général, l’organisme s’adapte assez bien au jeûne. Il n’y a pas forcément de perte ou de prise de poids, même après le ramadan, car même si l’alimentation peut être plus riche (sucres rapides, pâtisseries, fritures), il faut veiller après à reprendre des habitudes alimentaires normales. »
Le tout, c’est d’y croire
Jeûne ou pas jeûne, le ramadan ce n’est pas qu’une histoire de bouffe. Loin de là. La dimension spirituelle prévaut, car c’est un mois où l’on se tourne vers sa foi, vers les autres, et la privation d’eau et de nourriture pendant la journée n’est qu’une composante parmi d’autres.
Que l’on s’investisse davantage envers les nécessiteux, la famille ou l’entourage, c’est l’état d’esprit qu'on a pendant le jeûne qui va faire la différence. Un point de vue partagé par la diététicienne: «En fait, il y a deux façons de voir le ramadan: certains le ressentent comme une frustration, une privation car on ne mange ni on ne boit pas pendant la journée. Et le soir, ils se rattrapent.
D’autres s’alimentent plus sainement pendant le Ramadan (cuisson au four plus que dans l’huile, eau plus que sodas et jus de fruits, légumes et fruits à la place d’un dessert sucré) et ne cherchent pas à combler un manque ou à rattraper quelque chose. On remet en question l’idée de se "bâfrer" car justement, ce n’est pas le but.
C’est une période où l’on veut avoir un contrôle de soi, autant sur l’alimentation que sur le reste. On essaye de maîtriser ses pulsions, les envies habituelles qu’on met donc de côté: une journée sans café, sans tabac, sans relations sexuelles. »
D’autant qu’il ne s’agit pas d’un véritable jeûne, puisque le soir on peut manger et boire ce que l’on veut. L’organisme s’adapte, même si bien sûr il faut s’efforcer de ne pas trop bousculer ses habitudes alimentaires. «L’important est de conserver un équilibre alimentaire. Le jeûne n’est pas mauvais en soi, seules les heures des repas sont décalées. L’important est de s’hydrater suffisamment le soir, de veiller à son hygiène de vie. Même si on peut avoir quelques petits tracas au quotidien (fatigue, maux de tête, constipation), au fond c’est sur le plan personnel que tout va se jouer.»
Jeûner, c’est avant tout un choix personnel, un cheminement de la foi qui diffère d’une personne à l’autre. Certains peuvent avoir plus de mal à s’adapter et peuvent prendre quelques kilos, d’autres en perdent. Les conditions de vie et climatiques peuvent également entrer en jeu, mais avant tout, chacun fait soi-même son propre ramadan.
SlateAfrique