1 834 personnes vivant avec le VIH prises en charge depuis 2006
Depuis 2006, 1 834 personnes vivant avec le VIH sont prises en charge dans la région de Kolda où la prévalence est cinq fois supérieure à la moyenne nationale. Il s’y ajoute le fait que la région est transfrontalière avec trois autres pays où la prévalence est plus élevée que celle du Sénégal. L’autre difficulté est la question des perdus de vue qui présentent des menaces pour le reste de la population.
L'unité de traitement ambulatoire du district sanitaire de Kolda, communément appelée UTA, est une structure qui prend en charge les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et suit régulièrement 1 834 personnes vivant avec le VIH depuis 2006. L'annonce a été faite par le docteur Thierno Chérif Sy, médecin coordonnateur régional de la prise en charge au niveau de la région de Kolda et coordonnateur de l'UTA, hier, lors d'une caravane organisée par le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) à l'attention des membres de l'Association des journalistes en santé, population et développement. Dans cette file active, il y a 1 394 femmes et 430 hommes qui sont régulièrement suivis depuis 2006.
De plus, l'UTA suit également 57 enfants âgés de 5 à 10 ans. "Il est important de savoir qu'au niveau de Kolda, l'unité de traitement ambulatoire est une structure de référence. Cela entraîne une fréquentation importante, car c'est une unité qui permet de prendre en charge les patients tout en évitant la stigmatisation. Ainsi, seuls les médecins savent qui est qui. La population générale fréquente l'unité sans connaître la nature des traitements. Cela nous permet d'éviter la stigmatisation et la discrimination associées à cette maladie. De plus, nous prenons en charge la tuberculose, qui est la première infection opportuniste survenant dans ce contexte d'immunodépression. Nous avons également une unité dédiée à la prise en charge de la tuberculose, tant pour ces personnes que pour la population générale de manière intégrale", confie le Dr Sy.
Il rappelle que la région de Kolda présente une prévalence très élevée par rapport aux autres régions du pays, avec un taux actuel de 1,5 %, alors que la prévalence nationale est de 0,3 %. Cela représente cinq fois la prévalence nationale. La création de cette unité a donc favorisé l'adhésion des populations au respect de leurs traitements, ce qui fait que l'unité de traitement ambulatoire est le premier site du Sénégal en termes de nombre de personnes vivant avec le VIH.
"Nous contribuons énormément à l'atteinte du premier 95. Actuellement, au niveau des districts sanitaires de Kolda, nous sommes autour de 94,5 %. C'est un indicateur presque atteint. Pour le deuxième 95, nous sommes à 96 % et pour le troisième 95, le district a atteint le seuil de 94,6 %. Cela a été évalué lors du dernier trimestre, à la fin du mois d'octobre. Vous voyez donc que cette stratégie nous a permis d'atteindre presque les objectifs des trois 95. Cependant, des difficultés subsistent, notamment en ce qui concerne la prise en charge pédiatrique’’, indique le Dr Sy.
‘’Une région transfrontalière avec trois autres pays où la prévalence est plus élevée’’
Il renseigne également que la région de Kolda polarise 41 postes de santé, dont certains sont situés à plus de 90 km du centre de santé, rendant le dépistage de certaines couches de la population très difficile. "Avec la raréfaction des ressources, les stratégies de dépistage communautaire sont devenues très rares. Les ressources sont principalement orientées vers les populations clés, alors que nous sommes dans une région où la prévalence est très élevée. Les stratégies visant la population générale ne sont malheureusement pas financées, ce qui complique l'atteinte de certaines couches de la population. Il faut également noter que nous sommes une région transfrontalière avec trois autres pays où la prévalence est plus élevée que celle du Sénégal. Cela complique la situation, car nous avons beaucoup de patients venant de ces régions, et il est difficile de faire la distinction, surtout quand ces personnes ont de la famille dans la zone", indique le médecin.
En outre, le docteur Thierno Chérif Sy précise que la région est également confrontée à des défis concernant les personnes âgées vivant avec le VIH. Pour ce qui est des "perdus de vue", c'est une grande difficulté, en raison de la question transfrontalière et de la crainte persistante de stigmatisation et de discrimination, malgré les efforts déployés pour y remédier. Il explique : "Souvent, dès qu'ils ressentent un léger malaise, ils ne reviennent plus à leur rendez-vous. Dans notre jargon médical, un 'perdu de vue' est un patient qui ne se présente pas à son rendez-vous jusqu'à 28 jours après la date prévue. Ces personnes, lorsqu'elles ne sont pas suivies, peuvent malheureusement transmettre l'infection à d'autres. Cette question des perdus de vue pose problème, malgré les efforts déployés. Grâce au service social de la structure, nous organisons des relances régulières pour rappeler aux patients leurs rendez-vous, même avant la date prévue. Lorsque quelqu'un manque son rendez-vous d'une semaine, nous faisons des efforts pour rechercher ces perdus de vue. Malheureusement, certains n'ont même pas de contact téléphonique. Quand les moyens manquent pour que le travailleur social se déplace vers le patient, cela complique la prise en charge des infections VIH".
La nécessité d'améliorer les stratégies de dépistage
Pour améliorer cette prise en charge, le Dr Sy insiste sur l'importance d'améliorer les stratégies de dépistage. "Le constat à Kolda est que nous dépistons souvent des patients à un stade avancé de la maladie, au stade 3 ou 4. L'idéal serait de dépister les patients très tôt, au stade précoce de la maladie. Cela nécessite des stratégies de dépistage intégrées à l'ensemble de la population. Actuellement, lorsque l'on parle uniquement de dépistage VIH, les gens ne répondent pas. Il faudrait intégrer ce dépistage à d'autres pathologies chroniques telles que l'hypertension artérielle, le diabète ou l'hépatite virale B pour que les populations adhèrent à cette stratégie. C'est l'un des premiers éléments à considérer’’, préconise-t-il.
De plus, souligne le médecin, il est nécessaire de rehausser le plateau technique des structures sanitaires au Sénégal. Car bien que cette structure ait la file active la plus importante du Sénégal, il n'y a qu'un seul médecin pour prendre en charge cette population. "Quand je me déplace, cela pose des difficultés. Bien que j'aie une équipe composée d'assistants sociaux et d'infirmiers, il n'y a qu'un seul médecin pour assurer la prise en charge. Cela complique le continuum des soins. Le plateau technique, notamment la ressource humaine, est essentiel. Il faut que cette ressource humaine soit disponible pour garantir une meilleure qualité de la prise en charge ainsi qu'un bon fonctionnement des laboratoires pour le diagnostic des infections opportunistes. Actuellement, le district sanitaire de Kolda n'a pas de radiographie fonctionnelle depuis plus d'un an. Or, la radiographie est cruciale pour le diagnostic de la tuberculose et d'autres infections opportunistes. Sur le plan bactérial, biochimique et autre, il existe des difficultés qui nuisent à la qualité de la prise en charge", souligne-t-il.
Également, le coordonnateur de l'UTA soulève un autre problème délicat : le niveau de vie des personnes vivant avec le VIH qui sont souvent démunies. Or, lorsqu'elles n'adhèrent pas à des mutuelles de santé, elles ont des difficultés à faire diagnostiquer certaines infections opportunistes. "Les mutuelles actuellement disponibles au Sénégal ne prennent pas en charge les maladies chroniques. Cela constitue une grande difficulté dans la prise en charge de l'infection à VIH dans la région de Kolda", fait remarquer le Dr Sy.
CHEIKH THIAM