''si c'était à refaire...''
Léna Sène, vous êtes la directrice de campagne d'Idrissa Seck. Pouvez-vous nous parler du bilan de votre passage dans cette équipe de campagne.
En tant que directrice de campagne d’un candidat qui n’a pas pu mener une campagne normale, c’est difficile de parler de bilan à proprement dit. Cependant, notre équipe a travaillé durant des mois pour établir la stratégie de campagne, élaborer le programme du candidat et identifier toutes les actions nécessaires devant permettre au candidat d’être élu au terme de l’élection présidentielle. Croyez-moi, si on avait l’opportunité de dérouler tout ce que nous avions prévu de faire, je peux vous assurer que les résultats seraient complètement différents.
Vous attendiez-vous à un si bon score de Macky Sall devant Idrissa Seck ? Et surtout comment voyez-vous l'issue de la présidentielle avec le second tour attendu ?
Notre candidat n'a pas réellement battu campagne pour les raisons que vous savez ayant trait à notre combat central contre la candidature inconstitutionnelle du Président sortant. Néanmoins, ce qui est important aujourd'hui au-delà des scores des uns et des autres, c'est que nous sommes demeurés cohérents dans notre engagement à soutenir le candidat de l'opposition le mieux placé qui se trouve être Macky Sall. Il a le soutien de notre candidat et toutes les forces de notre coalition. Le score qu'il a obtenu augure de bonnes perspectives au second tour tenant compte du ralliement effectif des forces vives de la nation (M23, Assises nationales, Mouvements citoyens etc.).
Vous avez fait l'objet de beaucoup d'attaques ; on vous a même accusé d'être un élément bloquant et même une des raisons de la défaite de votre candidat. Réponse et commentaires.
J’ai été une directrice de campagne sans avoir eu l’opportunité de contribuer à une campagne électorale normale. Mais je sais en âme et conscience que malgré les circonstances, nous n’avons ménagé aucun effort pour faire gagner notre candidat. C'est l'occasion pour moi de remercier toute l'équipe du Directoire et le Secrétariat de Rewmi pour tous les sacrifices consentis pour le faire gagner. J'apprécie hautement la franche collaboration dont ils ont fait preuve avec moi avant et durant la campagne. Les affrontements physiques avec des nervis du pouvoir et la répression farouche de la police dont nos troupes ont été l'objet, n'ont en aucun moment ébranlé leur engagement. Pour moi, c'était une expérience inédite qui restera gravée à jamais dans ma mémoire.
Lorsque vous êtes venue dans l'équipe de campagne d'Idrissa Seck comme directrice de campagne, les grincements de dents sont surtout venues des femmes. N'avez-vous pas eu le sentiment que vous n'étiez pas à votre place et dans votre milieu?
La fonction de directeur de campagne est, certes, une fonction politique mais surtout une fonction de management. Pour ma part j'ai travaillé à concilier les exigences d'un management efficace des activités de la campagne avec les impératifs et besoins du staff purement politique ; cela nécessite cependant des compromis qui doivent être dynamiques, mais en toute sincérité, je pense que nous y sommes relativement bien parvenus étant donné les circonstances difficiles qui ont encadré la campagne de notre candidat.
On vous a reproché ne pas bien connaître la politique. Des confidences d'un proche d'Idrissa Seck qui a parlé à la presse, il semble que vous ne soyez pas très expérimentée en politique. N'avez-vous pas finalement confondu les Finances à la Politique.
Bien sûr que non. Mon rôle de directrice de campagne m’a mis dans une position de réceptacle des différentes expériences politiques vécues par les différents membres de notre équipe. Il y a une grande complémentarité qui rend notre équipe efficace. Nous avons eu dans l’équipe des experts dans plusieurs domaines dont la synergie d’actions a été suffisante pour prendre en charge les exigences d’une excellente campagne. Vouloir expliquer notre résultat des élections par ma méconnaissance de la politique au Sénégal est un peu court. Mon travail de directrice de campagne était un travail de coordination et de gestion. J'ai essayé de l'accomplir de mon mieux. Et cela n'a rien à voir avec la connaissance parfaite des réalités politiques sénégalaises.
On vous a attaqué jusque dans votre curriculum pour dire qu'il n'était pas conforme à la réalité ?
Franchement, je pense que ces affirmations ne sont même pas un sujet de débat. Ceux qui ont des doutes sur mon curriculum peuvent tout simplement aller consulter les écoles et universités que j'ai fréquentées de même que les employeurs qui m'ont fait l'honneur de me recruter.
Que retenez-vous comme leçon de la Politique au Sénégal ; on a l'impression que votre père a eu raison d'avoir voulu vous écarter de cet univers de politiques. Et si c'était à refaire ? Ne regrettez-vous pas finalement cet engagement en politique?
C'est vous qui me l'apprenez. Mon père, que je sache, ne m'a jamais écarté de la politique. Ce n'est pas son genre. Il sait respecter mes choix. J'ai beaucoup appris durant ces 6 mois que je viens de passer au Sénégal. Je ne saurais remercier assez Idrissa Seck de m'avoir donné le privilège d'avoir cette expérience unique. Ce qui est formidable, c'est la lame de fonds de notre peuple qui aspire à la Démocratie, au bien-être et à la justice, que j'ai redécouvert avec enthousiasme. Je ne regrette donc rien. Au contraire, si c'était à refaire je m'y mettrais avec joie.
Pensez-vous qu'Idrissa Seck pourra se relever après l'épreuve qu'il a vécue, surclassé par quatre candidats au premier tour. A-t-il les ressources nécessaires pour cela ?
Absolument. Idrissa Seck a voulu régler une question préalable qui est le respect de la Constitution. C’est une question qui concerne tous les Sénégalais. Il a mis de côté ses ambitions présidentielles pour se mettre au service de son peuple. Il n’a pas battu campagne alors que nous avions tout prévu des mois à l’avance. Je suis certaine que quand il aura l’opportunité de se déployer et d’aller vers les Sénégalais, rien ne pourra faire obstacle à son ascension.
Vous avez été très enthousiaste au début, avant même la campagne. Cette expérience ne risque-t-elle pas de vous détourner totalement de la politique ?
Absolument pas ! Vous verrez dans le futur si le virus m'a pris ou pas....
Vous faisiez la navette entre les Etats-Unis où vous vivez et le Sénégal ; peut-on s'attendre à ce que Léna Sène garde le même comportement. N'allez-vous pas vous détourner complètement de votre pays, après les peaux de bananes que vous avez reçues
Je suis sénégalaise et je compte le rester. Ma famille est au Sénégal de même que certains amis. J'ai toujours été en contact avec mon pays et pour rien au monde, je ne perdrai cet enracinement qui me donne la force de m'ouvrir vers le monde sans complexe. Je suis fière de mon pays, de son potentiel et je demeure très confiante en l'avenir.
Il semble pourtant que vous n'avez pas voté parce que vous ne disposez ni d'une carte nationale d'identité, ni d'une carte d'électeur.
J’ai une carte d’identité sénégalaise et une carte d’électeur. Je n’ai cependant pas voté parce que je me suis inscrite à New York et c’était avant ma nomination au poste de Directrice de campagne d'Idrissa Seck.
Peut-on savoir ce que va faire Léna Sène après cette brève expérience de Directrice de campagne. Quelles leçons tirez-vous finalement de tout cela ?
J'ai la chance d’avoir plusieurs options, aussi bien à l'international qu'au niveau local, mais mon choix nécessite cependant un peu de réflexion... Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. Mais une chose demeure certaine : que je sois ici ou à l’extérieur, dans le secteur privé ou public, ma priorité restera le développement économique du Sénégal et de l’Afrique.
La question est sans doute privée, mais nous allons quand même vous la poser. La presse en ligne a annoncé que votre fiancé aux Etats-Unis vous demande de rentrer dare-dare.
Je ne sais d’où vient cette information mais ce n’est pas du tout la vérité. Et de toutes les façons, je n’aime pas parler de ma vie privée. Rires...
MAMOUDOU WANE & BIGUE BOB