L’Afrique indocile et en marche
« Lumu guddi guddi bët dina set », proverbe wolof (si longue soit la nuit, le jour arrivera sûrement)
Depuis que les esclavagistes et impérialistes avaient foulé le sol africain, les Etats, sociétés, cultures et économies d’Afrique avaient été profondément bouleversés. Du 7e au 20e siècle, des Arabes et Européens avaient déporté des millions de Subsahariens, spolié les populations de leurs terres, pillé les ressources naturelles de l’Afrique, etc. Chaque esclavagiste, conquérant ou colonisateur tenait dans une main une arme de guerre et dans l’autre un codex censé contenir la parole d’un dieu supposé être amour, bonté et justice ! Mieux armés et mieux préparés, les envahisseurs avaient surpris les Africains. Mais ces derniers avaient refusé d’être des victimes consentantes.
Par le glaive, l’épée, le mousquet, la mitrailleuse, la canonnière, etc. les envahisseurs avaient dévasté des régions entières en Afrique pour tenir en respect les indociles. Même défaits, capturés, esclavagisés, déportés ou conquis, les Africains ne s’étaient jamais résignés à leur triste sort. Ils avaient comme viatiques et armes leurs cultures de base qui honnissaient la passivité et les enjoignaient d’avoir l’échine dure, le moral d’acier et de combattre la domination étrangère sous toutes ses formes. Partout, ils étaient en révolte intérieure permanente et avaient fait montre d’une indocilité inouïe et d’une combativité remarquable pour refuser l’asservissement. Chaque africain combattant la traite négrière et la colonisation était convaincu que la mort libératrice était préférable à la servitude du dominateur accaparateur.
L’histoire nous enseigne que les Africains n’ont rien obtenu sur un plateau d’argent. Aucun mouvement philanthrope ne les a délivrés de leurs souffrances. Toutes les victoires des Noirs d’Afrique et de la diaspora ont été obtenues à l’arraché, après d’âpres luttes, des combats acharnés. Malgré les souffrances endurées, ils n’ont jamais perdu espoir. Malgré l’imposition de valeurs culturelles étrangères, ils n’ont pas totalement perdu leur âme. Ils ont résisté, bataillé ferme et rusé comme des Sioux pour défendre leur dignité bafouée, reconquérir leur liberté et sauvegarder leurs valeurs culturelles.
En Afrique, en terre arabo-musulmane et en Amérique, les esclaves subsahariens avaient initié de nombreuses révoltes pour briser les chaînes de la servitude. Dans les esclaveries (Gorée, Saint-Louis, Ouidah etc.), dans les bateaux négriers et dans les plantations, les Noirs asservis avaient lutté sans merci contre les esclavagistes négateurs de leur humanité. L’indocilité et la combativité ataviques des Africains avaient permis aux nationalistes d’Afrique de s’opposer farouchement au colonialisme européen. En conservant leur courage, en s’armant de foi et en persévérant dans le combat, les Africains étaient parvenus à mettre fin à l’esclavage et à la colonisation.
Aujourd’hui encore, les jeunesses conscientes et panafricaines emboitent le pas à leurs prédécesseurs, s’opposent au néocolonialisme et refusent que leur continent soit à la merci des descendants d’anciens négriers et colons. Ces jeunesses instruites, pétries de talents et décomplexées ont décidé de prendre en main le destin de leur continent. Elles sont contre la victimisation et rejettent les idées anti-progressistes et les mythes incapacitants. Partout en Afrique les jeunes ont compris que la passivité, l’indifférence et le fatalisme sont des vices mortifères. Ils se sont donnés rendez-vous avec l’histoire, regardent dans l’avenir tout en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur pour éviter de tomber dans le piège des criminels embusqués et prêts à récidiver. Ils veulent être maîtres de leur destin et refusent l’assistanat et le diktat des puissances étrangères.
L’actuelle génération d’Afrique refuse tout fatalisme et rejette catégoriquement les idées des afro-pessimistes fabriquées de toutes pièces pour saper le moral des Africains. Face aux assauts des idées étrangères, les jeunesses conscientes d’Afrique ont décidé de mener un combat idéel, idéologique, scientifique et culturel. Un combat qui leur permet de prendre des initiatives, d’être aux avant-postes de la guerre contre la domination étrangère et la pauvreté.
De plus en plus, les jeunes africains s’intéressent à l’histoire de leur continent et à la culture de leurs ancêtres. Ils revisitent le passé africain pour redynamiser la conscience historique et rétablir le fil d’Ariane de la tradition. Ce qui leur permet de communiquer avec leurs ancêtres, de s’abreuver à la limpide source et de renouer avec leur spiritualité endogène. Ils ont compris que le combat citoyen n’est efficace que lorsqu’il est sous-tendu par une spiritualité et des valeurs culturelles endogènes. Ces jeunes qui ont retrouvé leurs racines africaines sont aussi dans l’air du temps. Tout en s’enracinant, ils s’ouvrent aux valeurs étrangères positives et modernes. Ils se battent pour instaurer de nouvelles façons de penser, des idées neuves et novatrices émises par les Africains et pour les Africains. L’identité culturelle qu’ils se sont inventés fait d’eux des citoyens patriotes, éveillés et progressistes.
De par leur vision futuriste, les jeunesses conscientes et panafricanistes ont administré la preuve que la réflexion stratégique est plus salutaire que la fixation de l’esprit sur un passé lourd et handicapant. Ils dénoncent le défaitisme, la gérontocratie, la mal-gouvernance, la corruption, le néocolonialisme et l’assistanat. Ils prônent l’endurance, la résilience, la combativité, l’alternance générationnelle, la bonne-gouvernance, l’éthique, la déontologie et l’indépendance totale des pays africains.
Tout porte à croire que l’éveil des consciences en Afrique est en train de sonner le glas de l’hégémonie culturelle, politique et économique de l’Orient et de l’Occident plusieurs fois séculaire. Les marchands d’âmes et impérialistes politiques et économiques sentent le sol se dérober sous leurs pieds mais useront certainement de toutes les stratégies pour éviter le déclin. A coup sûr, ils s’attacheront les services de leurs bras spirituels, suppôts et autres pions ou espions. Elles recourront sûrement à la vieille politique du « diviser pour mieux régner » qui les avait aidés à esclavagiser les Noirs et à coloniser l’Afrique. Mais l’éveil des consciences en Afrique les empêchera d’atteindre leurs objectifs. Le temps qui passe a permis aux Africains de surmonter des épreuves douloureuses, de panser leurs blessures et de tirer des leçons du passé.
En continuant à investir dans l’éducation et la recherche-développement, les Africains seront en mesure de couper l’herbe sous les pieds de leurs ennemis. L’histoire ne se répétera pas. Toutes les politiques contre l’Afrique se solderont par un échec. La maturité spirituelle, le développement scientifique et la puissance militaire permettront à l’Afrique d’être au centre du monde et d’inverser les flux classiques de la diffusion des idéologies religieuses, économiques, politiques etc. C’est en ce moment que l’Afrique recouvrera entièrment sa liberté. Etendant ses tentacules, l’Afrique imposera ses pensées aux espaces qui l’avaient tenu en laisse depuis le Moyen-Age et qu’elle aura fini de dominer et provincialiser.
Mamaye NIANG
Dakar