Publié le 17 Oct 2014 - 08:39
LA "BOUCLE FERROVIAIRE COTONOU-NIAMEY"

Un investissement qui dénie la panacée à l'aide au développement

 

L'intervention du Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Dr Carlos Lopes, au 9ème Forum pour le Développement de l’Afrique (Adf-IX) qui se tient à Marrakech (Maroc), confirme la pertinence du choix opéré par quelques dirigeants africains, qui ont compris que le développement des Infrastructures, ainsi que celui du secteur de l'énergie, entre autres, restent les indispensables préalables à l'émergence du continent africain.  

Lorsque le  Secrétaire exécutif de la CEA affirme que  "les infrastructures (transport routier et ferroviaire) constituent l’élément clef du programme de transformation de l'Afrique", il ne semblait pas si bien dire, décernant ainsi un satisfecit aux leaders africains qui participent de leurs visions à ce que le Dr Carlos Lopes estime être "des progrès considérables de l'Afrique" et un "environnement économique et politique de plus en plus stable et prévisible" du continent.

En Afrique de l'Ouest,  le projet sous-régional du chemin de fer (dit  «Boucle ferroviaire») devant relier Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey-Ouagadougou-Abidjan, offre l'exemple d'un rêve en passe de devenir une réalité, depuis que le chef de l’Etat nigérien, Issoufou Mahamadou, a inauguré, le 7 avril dernier à Niamey (Niger),  la première gare ferroviaire du projet, en présence de ses homologues du Bénin et du Togo, ce dernier pays devant être relié au projet par un tronçon Cotonou-Lomé.

Certes, Nigériens, Béninois et Burkinabès auront attendu, presque 80 ans durant, la mise en oeuvre de ce qui était considéré comme un rêve, depuis que le projet  de la liaison ferroviaire Cotonou-Niamey s’était arrêté finalement à Parakou en 1936, mettant fin à l'espoir   que nourrissaient les différents gouvernements nigériens  de le concrétiser, dans l’optique de désenclaver leur pays.

On se souvient qu'en 1961, le Dahomey (actuel Bénin) et le Niger avaient soumis une requête à la Communauté économique européenne (actuelle Union européenne) pour le prolongement de la ligne de Parakou (Bénin) à Dosso (Niger). L’initiative fit long feu, en raison des conclusions pessimistes émises par un cabinet d’experts sur la rentabilité du projet. Les deux Etats relancent l’initiative en février 1979. Le bureau d’études français BCEOM, à qui l’investigation a été  confiée, conclut, un an plus tard, dans son rapport, que le Projet était "techniquement réalisable, économiquement rentable et financièrement viable".

A son accession à la magistrature suprême en avril 2011, le président Issoufou Mahamadou impulse une nouvelle dynamique au projet, qu'il inscrit dans son ambitieux "Programme de Renaissance du Niger", lancé il y a trois ans et qui consacre le secteur des infrastructures et de l’énergie comme priorités stratégiques devant porter l’émergence du Niger à l’horizon 2017.

Dès lors, des missions de haut niveau sont conduites par le Premier ministre, BrigiRafini, auprès des pays membres du Conseil de l’Entente (Bénin, Burkina-Faso, Côte d'Ivoire, Niger, Mali), ainsi que des partenaires techniques et financiers.

Le premier mémorandum pour la mise en œuvre du projet, signé à Cotonou le 7 novembre 2013, entre le Bénin, le Niger et le Groupe Bolloré choisi comme partenaire stratégique technique et financier, porte sur la réhabilitation, la construction et l’exploitation de la ligne ferroviaire Cotonou-Parakou-Niamey.
La réalisation du projet est confiée à une société multinationale au capital social de 70 milliards de francs CFA répartis entre l’Etat béninois (10%),  l’Etat nigérien (10%),  le secteur privé béninois (20%) et le privé nigérien (20%), tandis que le Groupe Bolloré conserve 40% du capital.

Mais la «Boucle ferroviaire», qui  se  décompose en deux parties (Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey et Niamey-Kaya-Ouagadougou- Abidjan), s'étend sur 2 970 km dont 1176 km de construction neuve et 1794 km de réseau à réhabiliter, nécessite  des investissements lourds de l’ordre de 1 000 milliards de francs CFA que le Groupe Bolloré s'est engagé à réunir, en promettant d'assurer le portage des actions non libérées.

C'est bien en cela que ce projet sous-régional d'infrastructures ferroviaires illustre encore davantage le thème majeur du  9ème Forum pour le Développement de l’Afrique (« Les modes de financement innovant pour la transformation de l’Afrique ») que le Secrétaire exécutif de la CEA interprète par ailleurs, lorsqu'il affirmait que " l’aide n’est plus la panacée... " et que " la réalité est que l’Afrique ne peut compter sur l’aide au développement pour se transformer; elle s’oriente donc vers l’investissement privé et la mobilisation des ressources nationales".

Très vite, les conditions se mettent en place et dès le 7 avril 2014 à Niamey, le rêve entame son processus de concrétisation, les Nigériens sont rassurés  enfin de voir et entendre siffler le train, à voir les présidents Mahamadou Issoufou (Niger), Thomas Boni Yayi (Bénin) et Faure Gnassingbé (Togo) emprunter, à l’inauguration de la première gare ferroviaire, un prototype de wagon de passagers qui roule sur un demi-kilomètre de rails posés pour l'occasion, sous les regards amusés de la foule. "Aujourd’hui, à l’image de nos voyageurs, nous reprenons la marche et nous avons décidé d’accélérer le pas", déclarait  le chef de l’Etat nigérien, au cours de cette cérémonie d'inauguration.

En effet, l’engagement est pris par le Groupe Bolloré pour que les travaux avancent à pas de géant, afin que, le 18 décembre 2014, jour-anniversaire de la proclamation de la République du Niger, le président nigérien se rende par train à Dosso (140 km à l’Ouest de Niamey) où devra être  célébrée cette année la fête de l'indépendance du pays.

Cependant, pour s'offrir un accès à la mer par voie ferroviaire reliant Niamey au port béninois de Cotonou, où était généralement acheminé par la route l'essentiel de son fret, le Niger, enclavé au cœur du Sahel, devra attendre encore deux ans, délai confirmé par le Groupe Bolloré, qui ne pensait pas si bien donner dans le symbolique, en fixant la fin des travaux et le moment d'étrenner ce bijou sous-régional à l'année 2017 qui marque la fin du premier mandat présidentiel du Nigérien Mahamadou Issoufou.

Souleymane ANZA

 

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