Après le Sénat…
Le régime de Macky Sall retournerait-il sur ses pas, en définitive ? Le pays aura alors tourné en rond de l’indépendance à ce jour où, réunis en congrès, les députés et les sénateurs ont accédé à son désir impulsif de rayer le Sénat de la carte institutionnelle du Sénégal. Cet acte politique renforce la position du président de la République en nettoyant de l’armature politique et administratif un Sénat et une vice-présidence virtuelle qui lui imposaient une probable troïka. Son remuant parti sur lequel son autorité est encore mal assise, fait l’économie d’une lutte pour un poste de second homme entre le président du Sénat intérimaire éventuel et le vice-président successeur probable.
Macky Sall a pour atout l’âge avancé de ses principaux rivaux politiques de premier plan et néanmoins ses alliés du moment. Sa relative jeunesse et son processus d’accession au pouvoir lui sont cependant quelque part un handicap tant il tarde d’apparaître comme un chef charismatique, doctrinaire doué de vision et de charisme. Il se croit tributaire de beaucoup de charlatans dits de la société civile dont la prouesse a consisté à susciter une agitation autour du départ forcé du pouvoir de l’ancien président. Ceux-là exercent une pression sur la question des droits de l’Homme qui repose sur le faux postulat d’un monde transformé, «A world transformed» tel que le décrit l’ancien président Georges Bush dans son exposé sur la politique extérieure de son pays au sortir de la guerre froide.
Ce n’est pas vraiment l’ère du développement conjoint car les rapports entre les nations restent dominés par le profit, la concurrence et d’autres formes de conflits. Les Etats-Unis ont beau se targuer d’être la superpuissance qui éclaire le monde, ses revers politiques et stratégiques aussi bien qu’économiques relativisent son leadership par le retour des Etats-nations. La relativité des cultures a emmené des peuples entiers à se soulever à travers le monde contre les agressions dont sont victimes les musulmans à travers leurs croyances. Ces agressions morales sont perpétrées à partir des Etats-Unis dont le gouvernement soutient être incapable de punir leurs auteurs. La voix forte du président de la Conférence tarde à se faire entendre.
Le débat sur les questions qui touchent la lutte contre le terrorisme n’est guère démocratique car l’indignation de certains contre le saccage des mausolées de Tombouctou et les mesures autoritaires et répressives qu’ils veulent faire adopter par les institutions spécialisées des Nations-Unies jurent d’avec leur silence devant la caricature du prophète de l’Islam. Le problème pour notre pays est l’absence de la formulation d’une conviction forte face aux crises de civilisation qui secouent la planète. La diplomatie sénégalaise est plombée par des questions mineures : toutes les parties disent vouloir la paix en Casamance sans que ce consensus minimum n’accouche d’une ouverture de négociation.
La première visite officielle du président de la République a été pour la Gambie puis la France. Les retombées diplomatiques restent médiocres : les exécutions de jugements prononcés depuis des années créent la surprise et la rupture. La réconciliation récente annoncée par la presse est tantôt attribuée à l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye tantôt au président de la Mauritanie. Les relations des faits et gestes du président gambien relèvent du mépris culturel, n’étant véhiculés que par des sources incertaines. Ce qui n’empêche pas les activistes des droits de l’Homme de se réunir pour demander l’intervention de forces occultes pour le déposer.
La dernière trouvaille du régime sénégalais a été d’organiser une conférence de presse pour mettre sur pied un Conseil national de transition pour la Gambie dont les membres n’ont jamais eu une quelconque prégnance sur la vie politique en Gambie. La pratique d’une politique d’Etat conséquent avait été l’un des talons d’Achille du régime de Maître Wade, le régime de Macky Sall est en passe de le ressusciter avec des impairs de premier ordre que les membres de son gouvernement commettent et dans lesquels le chef de l’exécutif se compromet lui-même au grand jour comme si le Premier ministre et les ministres de la République ne devraient pas être commis à certaines tâches aussi délicates qu’ingrates.
Faute donc de propulser sur le champ africain une ombre forte, le Sénégal semble voué à suivre la Côte-d’Ivoire dans son alignement obligé aux projets de guerre au moment où, avec une rare pertinence, le président du Faso Blaise Compaoré cherche à dégager des principes justes vers une négociation d’ensemble des questions du particularisme ouest-africain. Le remodelage des institutions ou le tripotage de la Constitution par la classe politique peut prendre tout un mandat sinon deux, comme ce fut le cas pour le régime défunt alors que le pays implosait. Après le Sénat, le Conseil économique et social, nous avons le temps de nous habituer à ânonner : Conseil économique social et environnemental. Au fait, combien de milliards ?